Changement de paradigme dans l’organisation de la garde médicale ambulatoire du canton de Vaud. Le débat public demandé par la SVM est relayé par une interpellation du Conseil d’Etat par des députés.
La décision du chef du Département de la santé et de l’action sociale (DSAS) de résilier le mandat d’organiser la garde confié à la SVM a créé une grande confusion et soulevé de nombreuses questions. Au premier rang de celles-ci qu’adviendra-t-il de la garde médicale que nous connaissons aujourd’hui et qui remplit un rôle important au service de la population vaudoise ? La dénonciation du mandat de la garde doit-elle être assimilée à un retrait du mandat ? Y aura-t-il une place pour une organisation de la garde médicale à côté du nouvel appareil de réponse à l’urgence ? Dans cette hypothèse comment les deux vont-ils s’articuler ? C’est à toutes ces questions et quelques autres que nous attendons désormais des réponses précises et rapides.
Depuis toujours, dans l’intérêt de la population, les médecins vaudois ont collectivement et individuellement assumé la garde médicale et ont contribué à la faire évoluer. Cette prestation efficace, disponible dans toutes les régions, repose sur la subsidiarité des médecins et une organisation de milice peu coûteuse, via la Société Vaudoise de Médecine (SVM).
Il y a quelques mois, sans concertation préalable, le chef du DSAS a signifié son choix de résilier le mandat d’organisation de la garde médicale à la fin de l’année 2018. Bien qu’il soit apparemment souhaité que le nouveau dispositif dès 2019 « intègre les ressources et le fonctionnement de la garde médicale », nous peinons à voir concrètement l’organisation appelée à succéder à la nôtre. Celle-ci était sans doute perfectible, mais elle a néanmoins fait durablement ses preuves.
Le sujet de la garde médicale méritant à notre sens un large débat politique et public, la SVM souhaite notamment attirer l’attention sur les points suivants.
- Le projet de réforme est centré sur la prise en charge d’une population vieillissante et l’évitement d’hospitalisations inappropriées de patients âgés. Or le dispositif actuel de garde médicale de la SVM va au-delà. Il comprend par exemple de nombreuses gardes spécialisées pour tous les âges (pédiatrie, ORL, gastroentérologie, etc.). Il englobe les urgences ambulatoires et une partie des urgences hospitalières. N’étant pas associés à l’élaboration du nouveau dispositif, nous sommes inquiets pour le maintien de ces prestations.
- D’ici à janvier 2019, ce sont principalement les hôpitaux régionaux qui auront la capacité de remplir les exigences du cahier des charges adressé aux régions. Sans mettre en cause leurs compétences, on est en droit de se demander s’ils sont les mieux placés pour éviter des hospitalisations et s’il est dans leur mission d’organiser les soins dans la communauté. Par ailleurs, comme indiqué lors de la procédure de consultation sur l’EMPL (exposé des motifs et projet de loi) «Régions de santé» (retiré depuis), la SVM s’interroge sur l’étatisation de la garde médicale ambulatoire que ce changement implique et regrette l’absence de réel débat public à ce propos.
- Le canton de Vaud limite strictement l’ouverture de nouveaux cabinets, ce qui a pour effet de ralentir et restreindre l’accès des patients aux médecins traitants. Voire parfois de les dissuader de consulter un médecin. Pourtant, le futur dispositif de réponse à l’urgence vise à élargir l’offre de prestations (renforcement de la médicalisation des EMS, urgences sociales, etc.). Pour la santé de la population comme pour la maîtrise des coûts, il nous semble que développer la prise en charge en urgence au détriment d’un suivi régulier mériterait aussi un débat approfondi.
- La mise en place dès 2019 déjà d’un nouveau système impliquant de nombreux partenaires nous paraît précipitée, voire illusoire. Soucieuse de maintenir une garde médicale de qualité, la SVM reste ouverte à une prolongation de son mandat. Néanmoins, nous avons été contraints de résilier les conventions avec les sociétés qui assurent une partie de la garde domiciliaire. Dès lors, le maintien d’une garde ambulatoire ne pourra plus être garanti à l’identique dès janvier 2019, avec un risque de report sur les urgences des hôpitaux.
- La SVM partage nombre de préoccupations de l’Etat de Vaud quant aux futurs enjeux de santé publique. Elle reste ainsi ouverte à une nouvelle configuration de son mandat d’organisation de la garde, qui intégrerait de nouveaux objectifs. A ce jour, cette alternative serait d’ailleurs la seule réellement conforme à la loi sur la santé publique, qui prévoit que l’organisation de la garde peut être déléguée à une association professionnelle (art. 91 a) qui, dans l’esprit du législateur, ne pouvait être que celle des médecins.
Au vu des délais, nous souhaitons que patients et médecins soient informés le plus rapidement possible de la nouvelle organisation qui prévaudra au 1er janvier 2019.
Source : Introduction, Courrier du Médecin Vaudois, n° 2, mars-avril 2018.