Grâce à la détection précoce et aux avancées majeures dans le traitement des cancers du sein et de la prostate, une proportion importante de patients atteints de ces cancers a une espérance de vie à long terme (> 80 % à 10 ans). Ces cancers étant par ailleurs parmi les plus fréquents, ces patients constituent une composante importante de soins à un âge où l’ostéoporose et le risque de fracture augmentent. Deux types de complications osseuses peuvent être observés chez des patients en contexte oncologique (figure 1) : d’une part, les fractures (de fragilité, en lien avec l’ostéoporose), et d’autre part, les événements squelettiques osseux (SRE, Skeletal related events) compliquant la présence de métastases osseuses. Dans ces deux cadres, les traitements inhibiteurs de la résorption osseuse (IRO) ont leur place, à des doses et avec des objectifs différents que nous allons développer.
La fragilité osseuse résulte de l’intrication de plusieurs facteurs (figure 2) :
les facteurs de risque classiques d’ostéoporose du patient : âge, indice de masse corporelle (IMC) bas, antécédents personnels et familiaux de fractures non traumatiques, comorbidités, alcool, tabagisme, sédentarité, faibles apports nutritionnels en calcium et protéines… A noter que les facteurs de risque de cancer du sein œstrogène-dépendant (ménopause tardive, IMC élevé) sont plutôt protecteurs vis-à-vis du risque d’ostéoporose et que le niveau basal de santé osseuse des patients en situation oncologique peut être très variable selon chaque situation.
Les facteurs de risque communs de fragilité osseuse et de cancer (par exemple consommation excessive d’alcool et tabagisme) ou induits par le cancer (perte de poids, diminution de l’activité physique ou des apports nutritionnels).
La perte osseuse associée aux traitements du cancer (cancer treatment-induced bone loss, CTIBL), incluant notamment la suppression de la fonction ovarienne par les analogues du GnRH, les inhibiteurs de l’aromatase, la déprivation androgénique, le tamoxifène chez les femmes préménopausées, certaines chimiothérapies, les corticoïdes, ainsi que la radiothérapie localement. Rappelons que le tamoxifène est un modulateur sélectif des récepteurs des œstrogènes (SERM), qui induit une accélération de la perte osseuse chez les femmes préménopausées car il entre en compétition avec les œstrogènes, mais qui est protecteur sur le plan osseux après la ménopause. A l’inverse, les inhibiteurs de l’aromatase, qui suppriment la production d’œstrogènes résiduels après la ménopause, sont associés à une perte de densité minérale osseuse (DMO) continue pendant les cinq ans de traitement, qui pourrait être partiellement réversible à l’arrêt du traitement.1,2 Chez l’homme, la déprivation androgénique est l’une des principales causes d’ostéoporose secondaire. La perte osseuse initiale observée dans différents contextes de traitements oncologiques est présentée dans la figure 3, en comparaison à la perte postménopausique. L’impact osseux est particulièrement marqué en cas de suppression de la fonction ovarienne ou de ménopause chimio-induite chez des patientes non ménopausées.
L’incidence des fractures est augmentée chez les femmes postménopausées présentant un cancer du sein et traitées par inhibiteurs de l’aromatase, par rapport à celles traitées par tamoxifène ou à la population générale ; chez les femmes préménopausées présentant un cancer du sein et traitées par tamoxifène, par rapport aux femmes préménopausées de la population générale ; et chez les hommes présentant un cancer de la prostate traité par déprivation androgénique par rapport aux hommes de la population générale. L’augmentation du risque de fracture semble proportionnelle à la durée de traitement par inhibiteurs de l’aromatase ou de déprivation androgénique.3-5 Cependant, aucune donnée épidémiologique à long terme concernant l’incidence des fractures chez des patientes en rémission ayant bénéficié des inhibiteurs de l’aromatase n’est disponible à ce jour.
Les bisphosphonates oraux et intraveineux, ainsi que le dénosumab, préviennent la diminution de la DMO chez les patientes traitées par inhibiteurs de l’aromatase.6 Très peu d’études cependant ont été conduites avec une puissance statistique à même de démontrer une efficacité antifracturaire (tableau 1). Dans l’étude AZURE (BIG 01/04) ayant inclus des patientes avec un cancer du sein de stade III/IV, l’acide zolédronique à la dose de 4 mg toutes les 3 à 4 semaines les 6 premiers mois, puis tous les 3 mois pendant 2 ans, puis tous les 6 mois pendant 2,5 ans, administré en complément du traitement standard du cancer, a été comparé au traitement standard seul. Une diminution de 31 % du risque de fracture à 5 ans a été observée (HR : 0,69 (IC 95 % : 0,53-0,90) ; p = 0,005), même si l’incidence des fractures restait faible, 5,9 vs 3,8 %.7 Une méta-analyse de données individuelles de patientes ayant reçu des bisphosphonates en adjuvant du traitement standard d’un cancer du sein, toutes molécules et doses confondues, a mis en évidence une diminution significative de l’incidence des fractures de 15 % (RR : 0,85 (IC 95 % : 0,75-0,97)).8 Concernant le dénosumab, à la dose de 60 mg tous les 6 mois, une diminution de 50 % du risque de fracture a été mise en évidence dans l’étude ABCSG-18 ayant inclus des patientes avec cancer du sein traitées par inhibiteur de l’aromatase.9 Une diminution du risque de fracture vertébrale avec les mêmes doses de dénosumab a été démontrée chez les hommes présentant un cancer de la prostate sensible à la castration recevant un traitement anti-androgénique.10 Une réduction significative des fractures est également observée chez les patientes présentant un cancer du sein de moins bon pronostic recevant des doses plus élevées et plus fréquentes de dénosumab (120 mg toutes les 4 semaines ou tous les 3 mois).11
Certaines données suggèrent un bénéfice oncologique additionnel dont pourraient bénéficier les patients recevant des traitements adjuvants IRO, au-delà de la prévention des fractures. Le rationnel repose sur des données épidémiologiques et précliniques. Plusieurs études ont souligné une incidence moindre des cancers chez les patientes traitées par bisphosphonates dans le cadre d’une ostéoporose. Ces études sont très critiquables, car l’association épidémiologique est très probablement confondue par la moindre prévalence des facteurs de risque de cancer du sein (hormonosensible) chez les patientes ostéoporotiques. Néanmoins, les bisphosphonates pourraient avoir une action antitumorale et antiangiogénique supportant cette hypothèse. La méta-analyse précédemment citée, publiée en 2015, disposait d’une puissance statistique élevée, puisqu’elle rassemblait l’ensemble des données individuelles de patientes ayant reçu des bisphosphonates en adjuvant du traitement standard d’un cancer du sein, toutes molécules et doses confondues, indépendamment du statut hormonodépendant du cancer et ménopausique des patientes.8 Des réductions significatives des risques de récidives à distance (-18 %), principalement dans l’os (-28 %), ainsi que de la mortalité associés au cancer du sein (-18 %), ont été mises en évidence chez les patientes recevant des bisphosphonates en postménopause. Il n’y avait pas de bénéfice sur les récidives locales, ni chez les femmes ayant été traitées en préménopause. Ces données ont fait suggérer par les auteurs et dans les dernières recommandations, de considérer le traitement adjuvant de bisphosphonates, au-delà du risque de fracture, chez les patientes ménopausées ayant une maladie oncologique non métastatique à haut risque de récidive.6 Les résultats des études ayant testé l’efficacité des traitements IRO sur des critères oncologiques (survie sans maladie locale ou à distance, récidive osseuse ou survie globale) en situations de cancers du sein ou de la prostate non métastatiques sont résumés dans le tableau 2. Deux autres études avec une approche différente alimentent la discussion du bénéfice oncologique potentiel des bisphosphonates :
Une étude pharmaco-épidémiologique rétrospective, basée sur les données médicales administratives de 21 664 femmes ménopausées ayant été traitées par bisphosphonates oraux pour une ostéoporose et ayant développé un cancer du sein : le développement de métastases osseuses et la mortalité associée au cancer étaient moindres chez les patientes qui prenaient le bisphosphonate pendant et après le traitement du cancer, par rapport à celles ayant stoppé le bisphosphonate avant le diagnostic ou n’en ayant jamais reçu. A noter qu’aucune donnée de DMO, de fracture ou des caractéristiques des tumeurs n’était disponible comme facteur d’ajustement potentiel.12
L’étude randomisée contrôlée par placebo (1000 patientes dans chaque groupe) récemment publiée ayant démontré l’efficacité antifracturaire de l’acide zolédronique 5 mg tous les 18 mois pendant 5 ans (3 perfusions) chez des patientes ménopausées ostéopéniques (en dehors de tout contexte oncologique) : parmi les effets secondaires surveillés prédéfinis, une incidence moindre de 33 % des cancers (peau non-mélanomes exclus) a été observée dans le groupe ayant reçu l’acide zolédronique (Odd ratio : 0,67 (IC 95 % : 0,50-0,89)).13
Une autre question est de savoir si ces bénéfices oncologiques dans le cadre du cancer du sein sont limités aux bisphosphonates ou également observés chez les patientes recevant du dénosumab. Deux études de phase III concernant l’effet du dénosumab adjuvant sur la récurrence du cancer du sein non métastatique ont été présentées au congrès de l’American Society of Clinical Oncology en 2018.11,14 Ces études utilisaient différents schémas thérapeutiques de dénosumab et incluaient des populations différentes, tant en termes de statut ménopausique que de risque de récurrence : l’étude ABCSG-18 a comparé versus placebo le dénosumab à la dose de 60 mg tous les 6 mois chez des patientes ménopausées avec cancers du sein hormonosensibles à faible risque de récidive, tandis que l’étude D-CARE a testé versus placebo le dénosumab à raison de 120 mg toutes les 3 à 4 semaines (six doses), puis tous les 3 mois, dans le cadre néoadjuvant (24,2 %) ou adjuvant (75,8 %), chez des femmes en pré ou post-ménopause atteintes d’un cancer du sein de stade II ou III présentant un risque élevé de récidive (positivité ganglionnaire, taille de tumeur supérieure à 5 cm et/ou une maladie localement avancée). Alors qu’une diminution du risque de fractures a été observée dans les deux études, seule l’étude ABCSG-18 a montré que le traitement adjuvant par dénosumab améliorait significativement la survie sans maladie – critère secondaire de l’étude – par rapport au placebo, l’essai D-CARE n’ayant révélé aucun bénéfice sur le critère principal (survie sans métastase osseuse) ou secondaire (survie sans maladie), y compris dans le sous-groupe des femmes ménopausées.
Plus récemment ont été rapportés les résultats négatifs de l’étude SPLENDOUR qui a évalué si l’adjonction de dénosumab (120 mg tous les 3-4 semaines) à la chimiothérapie standard de première ligne pouvait améliorer la survie globale en cas de cancer du poumon non à petites cellules avancé. A noter encore une étude positive dans le cancer de la prostate non métastatique résistant à la castration montrant une réduction significative de 16 % du risque de développer des métastases osseuses sous dénosumab 120 mg toutes les 4 semaines.15
Au total, le bénéfice oncologique additionnel potentiel des traitements IRO a été essentiellement documenté avec les bisphosphonates dans le contexte de cancers du sein non métastatiques, et semble en majeure partie associé à une moindre récidive de la maladie dans l’os. Il reste à définir en quoi le statut hormonal interagit avec le mécanisme physiopathologique de ces observations. D’un point de vue pragmatique, un traitement adjuvant d’acide zolédronique à raison de 4 mg tous les 6 mois (dose utilisée dans bon nombre d’études) doit être discuté chez les patientes ménopausées présentant un cancer du sein à risque élevé de récidive. Chez les patientes ménopausées ostéopéniques sous inhibiteurs de l’aromatase et pour lesquelles l’acide zolédronique semestriel n’est pas retenu ou indiqué, ces données peuvent être intégrées dans la décision de l’indication à un traitement de bisphosphonates en prévention de la perte osseuse et des fractures.
Une synthèse des recommandations de prévention de la fragilité osseuse chez les femmes avec cancer du sein et les hommes avec cancer de la prostate recevant des « hormonothérapies » adjuvantes est présentée dans la figure 4. L’indication à associer un traitement inhibiteur de la résorption osseuse en prévention de l’ostéoporose et des fractures dans ces contextes est fonction de l’évaluation du risque de fracture du/de la patient(e) par une anamnèse précise des autres facteurs de risque osseux et la densitométrie osseuse, éventuellement le FRAX. Le choix de l’inhibiteur de la résorption osseuse (bisphosphonate oral, acide zolédronique 5 mg/an, dénosumab 60 mg/6 mois) doit intégrer le niveau de preuve disponible, les contre-indications ou limitations éventuelles selon les comorbidités du patient (fonction rénale, troubles gastro-œsophagiens…), l’observance et les préférences d’une voie ou fréquence d’administration du patient, les conditions de prise en charge… Il faut également prendre en compte le fait que bon nombre de ces patient(e)s n’ont jamais reçu de bisphosphonates antérieurement et que la prescription de l’IRO sera le plus souvent limitée à la durée de l’hormonothérapie.
Bien que, dans cette indication, le dénosumab soit associé à un excellent niveau de preuve pour la prévention des fractures, son arrêt, en particulier chez des patient(e)s non prétraité(e)s par bisphosphonates, expose au risque de rebond du remodelage osseux. Plusieurs des cas rapportés de fractures vertébrales multiples, associées au rebond du remodelage osseux après arrêt du dénosumab, l’ont été dans des contextes post-inhibiteurs de l’aromatase. Les données de suivi post-arrêt du dénosumab (et de l’inhibiteur de l’aromatase) de l’étude ABSCG-18 ont récemment été présentées au congrès de l’American Society for Bone and Mineral Research 2018. Seules les fractures vertébrales cliniques ont été enregistrées (pas de suivi radiographique) sur une période médiane de 36 mois après l’arrêt du dénosumab. Les taux de fractures (toutes confondues) n’étaient pas différents entre le groupe ayant reçu le dénosumab par rapport au groupe ayant reçu le placebo (5,7 vs 5,9 %), malgré un gain significatif de DMO sous dénosumab (+7,27 %) versus une perte dans le groupe placebo (– 2,75 %) à 36 mois de traitement. Le risque de fractures vertébrales, en particulier multiples, était augmenté (x 2,4 et x 3,5, respectivement), en dépit d’incidence faibles (post-dénosumab versus post-placebo, 1,3 vs 0,5 %, 0,6 vs 0,2%, respectivement).
Ainsi, sur la base des données disponibles à ce jour et compte tenu de leurs bénéfices oncologiques complémentaires potentiels, les bisphosphonates apparaissent comme le traitement à privilégier initialement pour la prévention de la perte osseuse associée aux hormonothérapies chez des patients n’ayant jamais reçu de traitement anti-ostéoporotique. Chez les patients recevant un bisphosphonate oral, un suivi du marqueur de la résorption osseuse (CTX) est indiqué, pour s’assurer de la bonne absorption digestive du traitement. Un suivi densitométrique à 2 ans est indiqué dans tous les cas pour s’assurer de l’efficacité du traitement. Chez les patients recevant le dénosumab dans ce cadre, il convient de réévaluer le statut osseux à l’arrêt des inhibiteurs de l’aromatase et de proposer, en l’absence d’indication à poursuivre le dénosumab si le risque de fracture reste élevé, un traitement de relais par bisphosphonates (en général d’un an) afin de prévenir le rebond du remodelage osseux et la perte osseuse associée. Les modalités de ce traitement de bisphosphonates restent à mieux définir. Les données observationnelles disponibles indiquent que la prescription d’une perfusion d’acide zolédronique à l’arrêt du dénosumab ne permet pas de prévenir le rebond chez tous les patients, probablement parce que les unités de remodelage captant le bisphosphonate ne sont pas encore réactivées à ce stade. Une surveillance étroite du CTX est donc indiquée dans cette situation. Une attitude pragmatique est de proposer un bisphosphonate oral hebdomadaire dès l’arrêt du dénosumab, et de « rattraper », par une perfusion d’acide zolédronique, les patientes dont le CTX remonte malgré ce traitement.
Les métastases osseuses ou les lésions ostéolytiques du myélome peuvent entraîner des complications osseuses graves, sources de douleurs chroniques, complications neurologiques et impactant nettement sur la qualité de vie. Ces complications appelées « événements squelettiques osseux » (SRE, Skeletal-Related Events) incluent les fractures dites « pathologiques », les compressions médullaires, la nécessité d’une radiothérapie pour traiter la douleur ou prévenir une fracture, une chirurgie osseuse pour prévenir ou stabiliser une fracture ou une vertèbre, ainsi que l’hypercalcémie. Les principaux cancers ostéophiles sont les cancers du sein, de la prostate, du poumon, du rein et de la thyroïde.
La prise en charge des métastases osseuses se fait dans une approche pluridisciplinaire évaluant le risque de SRE, incluant l’oncologue, le neurochirurgien, le chirurgien orthopédique, le radiothérapeute, le radiologue, y compris interventionnel (vertébroplastie), l’interniste… Parmi les différentes options thérapeutiques proposées, souvent complémentaires, figurent les IRO, notamment l’acide zolédronique (4 mg tous les mois, 3 mois ou 6 mois) et le dénosumab 120 mg tous les mois ou les 3 mois. Le développement des métastases osseuses se fait au sein d’une « niche métastatique » dans laquelle les interactions entre les cellules tumorales métastatiques et l’activation de la résorption osseuse par les ostéoclastes facilitent l’implantation et le développement de la lésion tumorale dans l’os. Il y a donc un rationnel physiopathologique à l’utilisation des IRO dans ce contexte. Ainsi dans l’étude AZURE (BIG 01/04) rapportée précédemment, une diminution de 24 % du risque de développer des métastases osseuses (comme première récurrence) a été observée, en complément de la réduction du risque de fracture, chez des patientes ayant un cancer du sein de stade III/IV non métastatique à l’inclusion et traitées par l’acide zolédronique en complément du traitement standard du cancer.16
Plusieurs études ont évalué l’efficacité des IRO dans la prévention des SRE chez des patients présentant des métastases osseuses. Toutes les études versus placebo sont en faveur de l’acide zolédronique ou du dénosumab, à l’exception du cadre des cancers de la prostate sensibles à la castration. Les études ayant comparé l’acide zolédronique à raison de 4 mg toutes les 4 semaines au dénosumab à la dose de 120 mg toutes les 4 semaines ont montré une supériorité du dénosumab par rapport à l’acide zolédronique, ceci dans le cadre de cancers métastatiques au niveau osseux du sein, de la prostate résistant à la castration et d’autres cancers solides (myélome exclu). Concernant l’hypercalcémie maligne, l’acide zolédronique à la dose de 4 mg est le traitement de première intention en plus de l’hydratation.
Les deux principales complications associées aux traitements prolongés par les traitements IRO sont les ostéonécroses des maxillaires et les fractures fémorales atypiques. La survenue d’ostéonécroses des maxillaires semble très dépendante de la dose d’IRO, avec une prévalence très faible chez les patientes traitées pour une ostéoporose (0,001 à 0,01 %) et beaucoup plus élevée en contexte oncologique métastatique (1 à 15 %). Il n’y a pas de différence d’incidence entre acide zolédronique et dénosumab. Concernant les fractures fémorales atypiques, leur incidence n’est pas plus élevée en contexte oncologique qu’ostéoporotique, mais augmente avec la durée d’inhibition de la résorption osseuse, indépendamment de la dose et du traitement (incidence de l’ordre de 1 à 100 fractures fémorales atypiques pour 100 000 patients-année).
En cas de survenue de l’une ou l’autre de ces complications, la décision d’interrompre ou de poursuivre le traitement doit se faire dans le cadre d’une évaluation spécialisée, individualisée au cas du patient, analysant le rapport bénéfice-risque global sur les plans de la maladie osseuse, la complication en elle-même, et du risque de rebond potentiel du remodelage osseux si le patient est traité par dénosumab.
Les cancers du sein et de la prostate sont deux situations à risque d’augmentation de la fragilité osseuse, en lien essentiellement avec l’hypogonadisme induit par les «hormonothérapies » adjuvantes. Les IRO à faibles doses préviennent la diminution de la DMO et les fractures dans ces situations. Chez les patientes ménopausées, traitées pour un cancer du sein, le traitement adjuvant de bisphosphonates est associé à moins de récidives oncologiques, en particulier au niveau osseux. En cas de maladie métastatiques à l’os, le dénosumab et l’acide zolédronique sont utilisés à des doses et fréquences plus importantes qu’en prévention des fractures ostéoporotiques pour prévenir les événements squelettiques osseux.
L’auteur n’a déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪Une évaluation du risque de fracture et la discussion de l’introduction d’un traitement inhibiteur de la résorption osseuse sont indiquées devant toute introduction d’une « hormonothérapie » du cancer du sein ou de la prostate, connue pour entraîner une perte de DMO
▪ Ces situations à risque sont les traitements inhibiteurs de l’aromatase, la suppression de la fonction ovarienne et le tamoxifène en préménopause, et la déprivation androgénique
▪ Les bisphosphonates, y compris aux doses utilisées pour le traitement de l’ostéoporose, pourraient avoir des bénéfices sur la prévention des récidives, en particulier osseuses, chez les patientes ménopausées traitées pour un cancer du sein non métastatique
▪ Chez les patients présentant des métastases osseuses (cancers de la prostate sensibles à la castration exclus), les inhibiteurs de la résorption osseuse à forte dose préviennent les événements squelettiques osseux, avec une supériorité du dénosumab par rapport à l’acide zolédronique