Fin 2019 est apparu un nouveau coronavirus, créant une pandémie, avec un premier cas en Suisse le 25 février 2020. Au vu de l’augmentation rapide du nombre de cas, avec une crainte de surcharge du réseau sanitaire, le canton de Vaud a mis en place un système de surveillance (système d’information COVID (SICOVID)). L’objectif du SICOVID était de produire un ensemble d’indicateurs de suivi, couvrant l’entier de l’impact épidémique et du dispositif de réponse en regard de la progression de l’épidémie. Ces indicateurs ont été utilisés à des fins de monitorage, d’orientation stratégique, de prise de décision opérationnelle, de communication et de recherche. Les défis rencontrés au long de ce processus soulignent l’importance d’une réflexion sur l’anticipation et la fonction d’un système d’information de crise, idéalement intégré aux plans de préparation en cas de pandémie.
À la fin de l’année 2019, un nouveau coronavirus (SARS-CoV2) apparaissait en Chine, avant de se propager sous forme de pandémie. Selon le rapport conjoint de l’OMS-Chine du 16 au 24 février 2020, le premier cas était mis en évidence le 30 décembre 2019 à Wuhan par un lavage broncho-alvéolaire dans le contexte d’une pneumonie à germe indéterminé. Moins de deux mois plus tard, le 20 février, 75 465 cas étaient rapportés en Chine.1 Le premier cas recensé hors Chine datait du 13 janvier, en Thaïlande, puis du 24 janvier en Europe (France).2 En Suisse, un premier cas était recensé le 25 février 2020 au Tessin, suivi de peu par le premier cas dans le canton de Vaud. L’épidémie s’était rapidement étendue dans tout le pays, touchant principalement les cantons du Tessin, Vaud et Genève. Selon le bilan épidémiologique intermédiaire de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) du 27 avril 2020 sur la situation en Suisse et dans la principauté du Liechtenstein vers la fin de la première vague, on dénombrait 29 313 cas, 3619 hospitalisations et 1427 décès.3 Le 28 septembre 2020, selon les statistiques de l’OMS au niveau mondial, le nombre de cas confirmés de COVID-19 était de 32 968 853 et de 995 836 décès.4
En Suisse, une partie des responsabilités en matière de santé est attribuée aux cantons. Cependant, dans le cadre de la protection contre les maladies transmissibles, la Confédération peut, selon les articles 6 et 7 de la Loi sur les épidémies,5 « ordonner des mesures visant des individus, ordonner des mesures visant la population, astreindre les médecins et d’autres professionnels de la santé à participer à la lutte contre les maladies transmissibles, déclarer obligatoires des vaccinations pour les groupes de population en danger, les personnes particulièrement exposées et les personnes exerçant certaines activités ». La Confédération est également en charge de la surveillance épidémiologique comme décrit en détail ci-dessous.
En santé publique, un système de surveillance a plusieurs objectifs:6 alerter de manière précoce, détecter de nouvelles épidémies, évaluer l’efficacité des interventions, identifier des groupes à risque et prioriser l’allocation des ressources. Il doit être construit de manière à ce que la surveillance puisse se faire de manière rapprochée, simple et robuste, avec un contrôle de la qualité des données et afin d’avoir un résultat représentatif de la situation actuelle. Les activités incluent la collecte et la centralisation des données, l’analyse de celles-ci, puis l’interprétation et la distribution des résultats.
En Suisse, les systèmes de surveillance des maladies transmissibles gérés par la Confédération incluent le système d’information pour les déclarations (SID), le système Sentinella visant la médecine de premier recours, et la Swiss Paediatric Surveillance Unit pour les maladies pédiatriques rares. Ces trois systèmes ont été adaptés afin d’inclure les déclarations pour les cas COVID-19. Les cantons, quant à eux, sont en charge de la planification sanitaire, de l’ordonnance des mesures visant les individus (par exemple quarantaine ou isolement), ainsi que celles pour la population ou des groupes de personnes.
Au vu de l’augmentation rapide du nombre de cas en Suisse au début de l’année 2020, engendrant une crainte de surcharge du réseau sanitaire, un système d’information pour le COVID-19 (SICOVID) a été créé dans le canton de Vaud, en complément aux systèmes fédéraux existants. Les objectifs principaux du SICOVID étaient les suivants: suivre l’épidémiologie et la charge en soins due à la pandémie de COVID-19 dans le canton et communiquer ces informations aux parties prenantes pour la prise de décisions en santé publique. Ce système d’information se caractérise par la production en flux tendu de résultats ajustés à la demande et respectant les critères suivants: exactitude, exhaustivité et disponibilité en temps utile, ceci pour refléter au mieux la réalité de l’évolution épidémiologique et de la charge du système sanitaire. Les étapes clés de conception, d’implantation et de mise en production et diffusion des résultats du SICOVID sont résumées dans le tableau 1.
Une des premières étapes a été de définir le périmètre à surveiller qui incluait les domaines suivants: nombre de cas, résultat des tests de laboratoires, nombre de décès, charge des hôpitaux, des soins à domicile, des établissements médico-sociaux (EMS), des établissements psychosociaux médicalisés (EPSM), des établissements socio-éducatifs (ESE), des centres de traitement et de réadaptation (CTR), des prestataires de transports de patients, du système de garde médicale, de la hotline coronavirus et du traçage des contacts (voir la colonne « Domaines » du tableau 2).
Au sein de chaque domaine, un ou plusieurs indicateurs clés ont été définis. Ils ont été adaptés au fil de l’évolution de la pandémie, et de celle des indicateurs utilisés dans d’autres systèmes de surveillance nationaux et internationaux, dont à l’OFSP, les points épidémiologiques hebdomadaires de Santé publique France7,8 et les rapports journaliers du Robert Koch Institute en Allemagne.9,1° Divers indicateurs ont été définis en partenariat avec la cellule de crise afin de suivre au mieux l’épidémie et pour permettre d’anticiper les actions et mesures à mettre en place. Pour une liste non exhaustive des indicateurs utilisés pour le SICOVID, voir la colonne « Indicateurs » du tableau 2.
Après avoir identifié le périmètre du système d’information et les indicateurs clés, les données nécessaires pour générer les indicateurs étaient à définir, ainsi que les sources et le processus de récolte des informations souhaitées, voir les colonnes « Données clés récoltées », « Sources des données » et « Processus » du tableau 2. Une partie des données nécessaires était déjà disponible via des systèmes existants (par exemple le SID de l’OFSP) alors que d’autres nécessitaient la mise en place d’un système de collecte de données de novo (par exemple, via des interfaces pour la saisie en ligne par les partenaires, figure 1).
Les données étaient importées dans différentes bases de données réunies dans l’application web sécurisée Research Electronic Data Capture (REDCap). Depuis cette base centralisée, les données étaient ensuite exportées pour analyse. Les indicateurs, sous forme de tableaux et graphiques, étaient produits à l’aide du logiciel statistique STATA. Le contrôle de la qualité des données était effectué quotidiennement à plusieurs étapes du processus, lequel est résumé dans la figure 2.
Les produits principaux générés par le SICOVID étaient les graphiques représentant le suivi au cours du temps des indicateurs sélectionnés (figure 3, 4 et 5 pour des exemples: incidence cumulée de cas confirmés positifs, proportion de tests de laboratoire SARS-CoV2 positifs et nombre de patients hospitalisés), ainsi que des tableaux résumant une partie de l’information. Ces tableaux et graphiques étaient diffusés à différents destinataires pour répondre à différents objectifs, ils étaient: 1) adressés sous forme de rapports internes à la Direction générale de la santé; 2) partagés au sein des séances quotidiennes de la cellule de crise vaudoise (une structure ad hoc, réunissant une trentaine d’acteurs pour gérer la crise); 3) adressés à l’équipe hygiène, prévention et contrôle de l’infection (HPCi) pour aiguiller la prévention des infections et le contrôle des infections nosocomiales; 4) envoyés au service de communication pour informer le public (via publication d’une sélection de graphiques sur le site web de l’État de Vaud, www.vd.ch/toutes-les-actualites/hotline-et-informations-sur-le-coronavirus/point-de-situation-statistique-dans-le-canton-de-vaud/); 5) transmis pour informer les médias (via des communiqués de presse); 6) synthétisés sous forme de bulletin hebdomadaire de la situation épidémiologique pour informer les partenaires (figure 6) et également disponible en ligne (www.infosan.vd.ch) et 7) partagés comme source de données pour d’autres projets de recherches scientifiques en lien avec le COVID-19.11 Le SICOVID a été mis en place pour produire les tableaux et graphiques initialement 7 jours sur 7, puis à une fréquence ajustée selon l’évolution de l’épidémie.
Le SICOVID a pu être déployé dans de très brefs délais, dès le 13 mars 2020, après une première phase de récolte de données, jusqu’à la production des premiers indicateurs, le 20 mars 2020. Il a également permis la production rapide du premier bulletin hebdomadaire qui a été diffusé le 2 avril 2020. Il a permis un suivi régulier, quasiment en temps réel, de l’épidémie, permettant ainsi de « désescalader » les mesures aux premiers signes d’infléchissement de la courbe épidémique. Un impact important de la disponibilité d’indicateurs de grande qualité a notamment été évident dans la discussion stratégique sur la nécessité d’un renforcement des mesures de confinement – qui a pu être évité – ou de la création de capacités hospitalières supplémentaires – qui s’avérait inutile compte tenu de l’évolution épidémiologique.
La mise en place d’un système de cette ampleur a pu être possible en raison du rassemblement de compétences, de liens interpersonnels déjà établis et de la possibilité de créer une équipe dédiée et indépendante de la gestion de crise elle-même.
Le choix d’utiliser plusieurs sources de données complémentaires, afin d’obtenir une image complète de la situation épidémiologique, a comme inconvénient de rendre visible les différences de définition de cas entre acteurs ainsi que l’incomplétude de certaines données. Par exemple, les EMS étaient invités à rapporter chaque décès survenu chez un cas de COVID, même pour les cas probables, à une époque où les tests n’étaient pas faits systématiquement. Ce qui était différent de la définition de cas de décès à rapporter via le SID, mais correspondait à un choix intentionnel d’avoir un indicateur sensible et non spécifique de la situation en EMS. Ces différences ont nécessité de nombreuses clarifications auprès des médias en particulier.
Par ailleurs, un contrôle important et régulier de la qualité des données a été mis en place, avec une amélioration constante au cours du temps. On notera, à ce titre, les listes de cas transmises par les hôpitaux qui ont demandé un travail de nettoyage conséquent au vu des différences dans les systèmes d’extraction entre structures. L’existence d’établissements intercantonaux n’a pas facilité la tâche. Finalement, là aussi, le travail d’accompagnement et d’interprétation a été conséquent.
Plus globalement, une réflexion sur la structure et la fonction d’un système d’information de crise devrait être intégrée aux plans de préparation en cas de pandémie. Certains choix tels que les méthodes et procédures à utiliser (standardisation, documentation des opérations et des outils), mais aussi les ressources humaines nécessaires et disponibles pourraient également être anticipées afin d’accélérer la mise en place lors d’une prochaine crise.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
Les auteurs remercient tous les membres de l’équipe du SICOVID.
• Un système d’information est indispensable en cas d’épidémie afin de suivre son évolution, l’impact sur le système de santé, et éclairer la décision publique
• Une réflexion sur la structure et la fonction d’un système d’information de crise au préalable est nécessaire
• Certaines étapes de la mise en place d’un système d’information pourraient être anticipées
Late 2019 a new coronavirus appeared, creating a pandemic, with the first case in Switzerland detected on the 25th of February 2020. Considering the rapid increase in the number of cases, with the fear of an over-burdening of the sanitary network, the Canton of Vaud created a surveillance system (SICOVID). The objective of the SICOVID was to produce a set of indicators, covering the breadth of the epidemiological impact and response as the epidemic progressed. These indicators where used for monitoring purposes, orienting strategies, operational decision-making, communication and research. The challenges encountered throughout this process underline the importance of anticipation and considering the function of a crisis information system, ideally integrating these elements into pandemic preparedness plans.