Les étudiants en médecine de l’Université de Lausanne se sont rapidement et massivement portés volontaires pour soutenir les institutions de soins en Suisse face à la pandémie du Covid-19. À Unisanté, Centre universitaire de médecine générale et santé publique de Lausanne, les étudiants engagés comme médecins stagiaires ont pu découvrir les différentes facettes de la médecine de premier recours. Cette situation extraordinaire comporte naturellement ses défis, mais représente également une opportunité précieuse d’apprentissage pour les futurs médecins.
Début mars 2020, face à l’ampleur croissante de l’épidémie de SARS-CoV-2, les étudiants en médecine de l’Université de Lausanne se portent rapidement volontaires pour venir en renfort au système de santé. Sous la coordination des délégués de 5e année (2e année de master), les étudiants sont mis en relation avec les hôpitaux qui en font la demande, selon une liste de critères qui inclut, entre autres, les compétences médicales, le lieu de résidence et l’accès à un moyen de transport. Pour le canton de Vaud, c’est la Direction générale de la santé qui supervise l’attribution des professionnels de la santé. Les examens universitaires sont repoussés à une date ultérieure et les thèses de master sont mises en pause, permettant aux étudiants de se consacrer pleinement à l’effort collectif. Au total, ce sont plus de 300 étudiants de 4e et 5e année (1re et 2e année de master) qui se portent volontaires et plus de 170 d’entre eux prêteront main-forte aux institutions de soins suisses sur la période de mars à juin 2020.
Cette organisation n’est pas un phénomène isolé. Dès les premières étincelles de la pandémie, c’est à une succession d’initiatives personnelles des étudiants et d’organisations institutionnelles de la part des écoles de médecine que l’on assiste sur tous les continents.1 Une sélection d’exemples notables aux États-Unis et en Europe est illustrée dans la figure 1.2-7
Unisanté est le premier à réagir en Suisse romande : 21 stagiaires sont recrutés au début de l’épidémie pour accomplir divers rôles de médecine de premier recours sur une période de 2 mois. Les médecins stagiaires (MS) sont répartis à la Policlinique médicale générale (PMG) et au Département vulnérabilité et médecine sociale (DVMS).
Avant de commencer le travail sur le terrain, tous les étudiants reçoivent une formation accélérée mise en place par Unisanté. Cette formation couvre l’épidémiologie et les aspects cliniques de la prise en charge du Covid-19, mais contient également des renseignements sur l’hygiène hospitalière, la réalisation du frottis nasopharyngé, ainsi que la gestion informatique et logistique. Les étudiants peuvent mettre en pratique ces connaissances lors d’exercices pratiques. Ils bénéficient également d’un soutien psychologique par l’équipe de psychiatrie de liaison d’Unisanté ainsi que d’une hotline mise à disposition par l’université et le canton de Vaud.
Dix-sept MS sont répartis en 3 groupes effectuant un tournus entre les différentes activités mises en place dans la réponse à l’urgence face à la pandémie, que ce soit à la permanence du Flon, à l’équipe mobile d’Unisanté (EMU), au dispositif de suivi des patients par téléphone (TelCOV) ainsi qu’aux urgences. Tous reçoivent une formation spécifique pour chaque poste et les mesures d’hygiène nécessaires sont mises en place. Les étudiants avec vulnérabilités face au Covid-19 participeront à l’effort collectif tout en respectant l’absence de risque de contact avec des patients potentiellement atteints de Covid-19.
À la permanence du Flon, les étudiants sont intégrés directement à la filière Covid-19. Ils participent au tri des patients et sont chargés d’assurer les appels téléphoniques de suivi de ceux ayant consulté la permanence, toujours sous supervision directe des médecins généralistes. De plus, les étudiants ont l’opportunité de participer à des projets de recherche Covid-19 sur les suivis cliniques et sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine.
Le groupe EMU se compose de binômes médecins assistants (MA)-MS et assure des interventions au domicile des patients potentiellement atteints du Covid-19 ou un renfort communautaire aux établissements médicosociaux (EMS), centres médicosociaux (CMS) et autres centres médicaux de premier recours.
Les MS du groupe TelCOV garantissent un suivi téléphonique à J2, J4 et J8 des patients ayant bénéficié d’un frottis nasopharyngé pour PCR à la recherche de SARS-CoV-2 ou dont l’état clinique nécessite un suivi. Un questionnaire standardisé est complété et, en cas de potentielle complication de la maladie, une supervision est effectuée par un chef de clinique afin de décider de la prise en charge.
Enfin, les MS ont l’opportunité de suivre des MA aux urgences dans la filiale Covid-19 ou aux urgences non Covid-19, avec participation active à l’anamnèse et/ou à l’examen clinique, à l’image d’un stage de 6e année (3e année de master).
Quatre MS ont eu l’occasion de découvrir les Unités de soins aux migrants (USMi) et ses 7 lieux de consultation sur le canton qui facilitent l’accès aux soins pour la population de requérants d’asile. Les étudiants accompagnent des infirmières et infirmiers sur les lieux de consultation qui se trouvent, pour la plupart, proches des centres des Établissements vaudois d’accueil des migrants (EVAM), où les patients bénéficient d’un bilan de santé, d’une prise en charge de santé globale (bio-psycho-sociale), d’un programme de vaccination ainsi que d’un programme de prévention et promotion de la santé. Dans cette période de crise sanitaire, les binômes MS/infirmiers se rendent au chevet des patients mis en isolement en raison d’une atteinte avérée ou potentielle de Covid-19, dans leur lieu de vie, en respectant les mesures d’hygiène et de protection et sous supervision des chefs de clinique et psychiatre cadre de l’USMi.
Pour les personnes vivant dans les appartements de l’EVAM et pour les centres EVAM où il n’y a pas de lieu de consultation USMi, les MS assistent l’unité mobile 7 jours sur 7. De plus, pour les personnes évaluées comme étant à risque, un contact téléphonique a été mis en place pour assurer un suivi clinique et expliquer les suites des prises en charge.
En période de pandémie, les messages clés de santé risquent d’être dilués dans la masse d’informations. Des interventions d’information et de prévention sur la maladie Covid-19 ont été mises en place dans les centres de requérants d’asile, activité à laquelle les MS ont pu participer. L’accent a été mis sur la santé mentale, pour mieux gérer l’anxiété que peut provoquer une épidémie, notamment en lien avec la promiscuité dans les centres et la crainte d’être « oubliés ou abandonnés à leur sort » par les autorités. Ces interventions ont pour but d’informer clairement la population des centres EVAM sur le Covid-19, afin de favoriser une meilleure dynamique de groupe. Pour ce faire, le personnel soignant explique les moyens mis en place pour prévenir et prendre en charge les situations en lien avec la pandémie de Covid-19, tout en favorisant un dialogue ouvert sur la situation actuelle dans les centres.
Les étudiants en médecine se sont montrés disponibles et créatifs pour soutenir une société gravement touchée par la pandémie de SARS-CoV-2. De même, cette situation extraordinaire a été une occasion pour les étudiants de découvrir et de se plonger directement dans le monde de la médecine de premier recours, expérience qui a été globalement jugée très enrichissante (figure 2).
Les propos de Zuger et coll. semblent parfaitement résumer le contexte actuel : « Medicine is an inherently moral enterprise, the success and future of which depend to a great extent on the integrity of individual professionals as they face the duties the calling of healer entails. »8 La relève a su se montrer à la hauteur, ce qui semble être de bon augure pour le futur du corps soignant, sachant que cette pandémie ne sera probablement pas la dernière de l’histoire de l’humanité.
Il s’agit de notre devoir civique, moral et éducatif de permettre rapidement et de manière inventive aux étudiants d’agir avec altruisme, bravoure et sens du devoir. Ce sense of duty naît probablement d’une combinaison d’un sens d’identité et d’obligation professionnelle, de la morale ainsi que de la capacité à tolérer son ambiguïté et du niveau de résilience émotionnelle.9 Des qualités qu’il faut savoir valoriser et féliciter.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
au Pr Jacques Cornuz pour sa participation à la rédaction de l’article.
Medical students from the University of Lausanne volunteered rapidly and in great number to bolster health facilities across Switzerland in response to the COVID-19 pandemic. At Unisanté, Center for general practice and public health, University of Lausanne, students recruited as interns discovered the different aspects of primary care. This extraordinary period naturally involves considerable challenges but represents also a precious learning opportunity for future doctors.