Les enfants sont sous-représentés durant la pandémie COVID-19 actuelle. Contrairement aux autres virus respiratoires, dans la majorité des clusters familiaux, ce sont les parents qui infectent les enfants. Les évidences cliniques chinoises et italiennes suggèrent que les enfants présentent souvent un tableau clinique peu sévère et qu’ils sont fréquemment asymptomatiques. Notamment, les enfants présentent moins de fièvre, de toux et de pneumonies comparés aux adultes. Toutefois, plus de cas de pneumonies ont été reportés chez des enfants infectés par SARS-CoV-2 que chez ceux qui le sont par H1N1. Aucun cas de transmission verticale de SARS-CoV-2 n’a été démontré récemment.
Depuis décembre 2019, le syndrome aigu respiratoire sévère du au coronavirus-2 (SARS-CoV-2), responsable de la maladie COVID-19, a été reconnu comme agent causal de pneumonies sévères dans la population adulte principalement.1 Les pneumonies aiguës d’acquisition communautaire sont des causes de mortalité chez plus d’un million d’enfants chaque année, dont plus de 80 % chez des enfants de moins de 2 ans.2 De ce fait, l’implication de SARS-CoV-2 comme agent causal de pneumonies chez l’enfant reste de première importance. Durant les précédentes épidémies à SARS-CoV-1 et Middle-East Respiratory Syndrome Coronavirus (MERS), les enfants étaient également sous-représentés en termes de fréquence, avec par exemple seulement 31 enfants identifiés MERS positifs entre 2012 et 2016.3,4 Plusieurs papiers reportent sur l’impact de la pandémie actuelle de COVID-19 chez les enfants. Cet article a pour but de résumer les connaissances actuelles sur les infections à SARS-CoV-2 chez les enfants en reprenant les questions habituelles du pédiatre ou généraliste installé en cabinet.
Les critères de suspicion COVID-19 englobent ceux reportés chez l’adulte, à savoir un ou plusieurs des symptômes suivants : toux, dyspnée et odynodysphagie, fièvre supérieure ou égale à 38°C. Plus récemment, plusieurs études chinoises ont reporté que jusqu’à 12 % des enfants infectés par SARS-CoV-2 présentaient également des vomissements et des diarrhées.1,5 Dès lors, tout symptôme gastro-intestinal isolé ou associé à un tableau respiratoire chez un enfant avec critères d’hospitalisation rentre également dans la définition de cas pédiatrique. Plusieurs cas d’anosmie et/ou de dysgueusie isolée d’apparition aiguë ont également été rapportés chez des adultes infectés par SARS-CoV-2. Ces symptômes sont désormais inclus ajoutés à la définition de cas pédiatrique pour les enfants au-delà de 7 ans et les adolescents.
Une analyse de laboratoire, sous forme de recherche de SARS-CoV-2 par RT-PCR dans un frottis nasopharyngé essentiellement est recommandée chez les enfants répondant aux critères de suspicion ci-dessus en cas d’hospitalisation ou lors du développement des symptômes précités au cours d’une hospitalisation pour un autre motif. Les critères de dépistage actuels englobent également les patients hospitalisés avec pneumonie bilatérale ou syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA) d’étiologie indéterminée, tableau retrouvé dans moins de 10 % des cas pneumonies pédiatriques versus plus de 25 % des pneumonies adultes à SARS-CoV-2.1,6 L’office fédéral de la santé publique (OFSP) recommande également le dépistage pour les groupes à risque, pour lesquels une adaptation pédiatrique a été estimée sur la base d’opinions d’experts pédiatriques des sous-spécialités concernées au Centre Hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV) et aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Ainsi, tout enfant immunocompromis, présentant avec une maladie cardiovasculaire, pulmonaire, rénale, métabolique et neurologique chronique avec répercussion sur la fonction cardiaque et pulmonaire sont considérés comme à risque et doivent être considérés pour un dépistage (tableau 1). Prochainement, un dépistage systématique par le système PCR de GenExpert, permettant un diagnostic rapide, sera proposé à tout enfant hospitalisé au CHUV. Cette stratégie devrait permettre d’avoir une meilleure estimation du taux d’enfants in fectés bien que paucisymtomatique voire asymptomatiques, situation rapportée jusqu’à 30 % dans la littérature chinoise. 1,5
Maladies chroniques pour lesquelles un dépistage pour SARS-CoV-2 est indiqué
(Adapté de réf.19).
À ce stade, il n’y a que très peu de données pédiatriques disponibles. Les enfants sont clairement sous-représentés en termes de fréquence, les patients < 20 ans ne représentant que 1 à 2% des cas documentés en Italie et en Chine.7,8 Ceci pourrait être du a une probabilité moindre d’infection, mais aussi à une plus haute proportion de cas asymptomatiques, paucisymptomatiques ou avec présentations cliniques atypiques. La sous-représentation des enfants dans la maladie COVID-19 va de pair avec les données disponibles non seulement pour le SARS-CoV-1 et le MERS,3,4 mais aussi pour les coronavirus humains (HCoV) circulant dans la communauté, tels que HCoV-229E, -NL63, -OC43 and -HKU1.9
La majorité des évidences cliniques1,5 suggèrent que les enfants infectés par SARS-CoV-2 présentent une clinique significativement moins sévère que les adultes (0 vs 23% ; p<0,0001).1 Les données épidémiologiques chinoises et ita liennes portant sur des milliers de cas n’ont rapporté initialement que très peu d’admissions aux soins intensifs et aucun décès.7,8,10-12 Depuis lors, de rares cas supplémentaires de décès pédiatriques ont été rapportés, dont moins de 10 enfants, à priori sans comorbidités associées. Ceci va de pair avec les infections à SARS-CoV-1, MERS et HCov, lors desquelles les enfants présentent une clinique moins sévère que les adultes, notamment moins de pneumonies.3,4,9 L’âge médian des cas pédiatriques varie entre 3 ans (écart interquartile ; interquartile range (IQR) 2-9) et 10 ans (IQR 4,5-15,5).11,12 Parmi les enfants infectés, le jeune âge a été décrit comme un facteur de risque de sévérité.11 D’après une étude chinoise récemment publiée, les enfants présentent significativement moins de fièvre (36 vs 86 %), de toux (19 vs 62 %) et de pneumonie (53 vs 95 %) comparés aux adultes. Sur le plan biologique, les enfants entre 5 et 16 ans, présentent une leucopénie et une lymphopénie plus importantes que ceux de moins de 5 ans, et une procalcitonine moins élevée; leur temps de négativations de la PCR SARS-CoV-2 étant plus longues (11 versus 9 jours) possiblement en lien avec une charge virale plus importante, bien que ce dernier point reste débattu. Enfin, lorsque comparés au SARS-CoV-1, les enfants infectés par SARS-CoV-2 présentent aussi un tableau clinique moins sévère. Toutefois, comparés aux infections à H1N1, le tableau clinique montre un taux plus élevé de pneumonies et moins de symptômes respiratoires hauts.1
Il a été clairement démontré en Chine que les enfants s’infectaient dans 75 à 90 % des cas dans un contexte de cluster familial.12 De manière surprenante, il a été démontré que dans la majorité des clusters familiaux, c’était les parents qui infectaient leurs enfants et non le contraire,13 suggérant que, contrairement aux autres virus respiratoires, les enfants ne sont pas le moteur de l’épidémie. Ceci-pourrait aussi être partiellement lié à la fermeture précoce des établissements scolaires.
Récemment, plusieurs informations ont été publiées sur les réseaux sociaux sur le danger d’utiliser les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS) de même que les stéroïdes en cas d’infection à SARS-CoV-2. Ce postulat, sans aucune justification scientifique sous-jacente s’est basé sur la prétendue description de cas d’adultes <65 ans sans comorbidités associées chez lesquels une prise d’AINS durant leurs symptômes initiaux aurait précipité des tableaux cliniques sévères. Bien qu’une revue récente ait suggéré que les AINS, au même titre que le diabète et l’hypertension artérielle favorisaient la surexpression des récepteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine-2 (ACE-2), récepteur que le SARS-CoV-2 utilise pour infecter les cellules humaines, aucune évidence scientifique n’a pu être retrouvée.14,15 Devant le manque d’évidence scientifique soutenant une association entre AINS et tableaux cliniques sévère, l’OFSP et la Société suisse de pédiatrie, précédés par l’organisation mondiale de la santé, ont adopté le consensus d’utiliser l’ibuprofène sans restriction selon les critères habituels tout en privilégiant le paracétamol comme analgésique de premier choix. (Paediatrica publié en ligne le 23.03.2020).
À ce stade, plusieurs médicaments, tels que le lopinavir/ritonavir, l’hydroxychloroquine avec ou sans azithromycine, le remdésivir et certains immunomodulateurs sont des candidats potentiels au traitement de la maladie COVID-19. Malheureusement, à ce stade, aucun essai clinique randomisé contrôlé n’a pu mettre en évidence de bénéfice chez les patients adultes.
Les enfants étant sous-représentés en termes de fréquence et sévérité dans la maladie COVID-19, ils ne sont pas la cibles des essais cliniques en cours. Il est donc impossible de préconiser un traitement spécifique à ce stade pour les enfants. Il faudra attendre la publication très prochaine de plusieurs essais cliniques dans la population adulte afin de pouvoir peut-être émettre des recommandations pédiatriques.
Contrairement à SARS-CoV-1, MERS et H1N1/pdm09, il ne semble pas que les femmes enceintes soient à risque augmenté d’infection sévère à SARS-CoV-2. Cependant, comme lors de toute infection respiratoire – surtout touchant les voies respiratoires inferieures – les femmes enceintes infectées sont à risque augmenté d’accouchement prématuré et de retard de croissance.
À ce stade, aucune transmission verticale du SARS-CoV-2 n’a été formellement démontrée.16,17 Cependant, une publication récente a montré la présence d’IgM dans le sang d’unnouveau- né de mère avec une infection a SARS-CoV-2 quelques heures après la naissance, suggérant indirectement une transmission verticale, les IgM ne passant en principe pasle placenta.18
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
▪ Les enfants ne représentent que 1 à 2% des cas documentés actuellement, ce qui laisse suggérer une plus haute proportion de cas asymptomatiques
▪ Les enfants présentent un tableau clinique significativement moins sévère que les adultes avec très peu d’admissions aux soins intensifs et de décès
▪ Contrairement aux autres virus respiratoires, les enfants sont le plus souvent infectés par leur parents. Ils pourraient donc ne pas être le moteur de l’épidémie
▪ Les AINS peuvent être prescrits sans restriction chez l’enfant et selon les critères habituels tout en privilégiant le paracétamol
▪ Actuellement, aucune transmission verticale du SARS-COV-2 n’a été formellement démontrée
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Les enfants sont sous-représentés durant la pandémie COVID-19 actuelle. Contrairement aux autres virus respiratoires, dans la majorité des clusters familiaux, ce sont les parents qui infectent les enfants. Les évidences cliniques chinoises et italiennes suggèrent que les enfants présentent souvent un tableau clinique peu sévère et qu’ils sont fréquemment asymptomatiques. Notamment, les enfants présentent moins de fièvre, de toux et de pneumonies comparés aux adultes. Toutefois, plus de cas de pneumonies ont été reportés chez des enfants infectés par SARS-CoV-2 que chez ceux qui le sont par H1N1. Aucun cas de transmission verticale de SARS-CoV-2 n’a été démontré récemment.
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