Depuis quelques semaines, les prises de position et les manifestations contre les mesures sanitaires visant à freiner la propagation du coronavirus se multiplient, s’intensifient. Les arguments sont souvent les mêmes : faiblesse ou non-efficacité de ces mesures, absence de stratégie claire, louvoiement des autorités, mesures liberticides, fin de la responsabilité individuelle, complots des pharmas, de la caste d’experts… Les plus virulents parlent d’autoritarisme, voire de dictature sanitaire. Au sein de la patientèle, dans notre entourage, on entend aussi, ça et là, des propos empreints de scepticisme au sujet de ces mesures. Des questions, souvent légitimes, sont ainsi posées. Prenons-en une comme illustration : une quarantaine de 10 jours, n’est-ce pas excessif ? S’il l’on prend pour exemple la France, qui vient de décider, dans le cadre d’un certain pragmatisme de santé publique, de passer de 14 à 7 jours, n’est-il pas temps de favoriser l’adage « le mieux (> 10 jours) est parfois l’ennemi du bien (< 10 jours) » ? Mais certains pays, plus (trop ?) prudents, prônant encore 14 jours (Belgique, Canada, Grèce…), les cantons suisses ne font-ils finalement pas, en l’état des connaissances, un bon compromis, une balance d’intérêts appropriée ?
Il faut se mettre dans la position de l’autre, être à l’écoute, comprendre ses mécanismes de résistance
Les questionnements sont là. Le débat est lancé, il doit être maintenu, c’est une évidence dans une société ouverte, démocratique. Mais comment quittancer ces questionnements, animer le débat sans donner trop de place aux énervés de tous bords, aux complotistes de toutes chapelles ? Rendre l’échange possible, oui, mais dans quelle mesure ? Les informations factuelles circulent moins que les fausses, car ces dernières ont un contenu sensationnaliste et un fort impact émotionnel. Les médias traditionnels ont donc une forte responsabilité de transmettre une information de qualité et de rétablir un certain équilibre. Prenons l’exemple des émissions des médias publics et le temps respectif donné aux arguments des «pour» et «contre» les mesures sanitaires : ces derniers doivent-il bénéficier du même temps d’antenne que les premiers ? Si la réponse est oui (ce que nous pensons), alors il faut une stratégie de communication bien huilée en amont !
Un des axes de cette communication pourrait privilégier la proportionnalité des mesures. Porter un masque, garder la distance sanitaire et se laver régulièrement les mains, est-ce si disproportionné par rapport à l’impact majeur de cette pandémie ? Plusieurs pays d’Europe, dont l’Italie et la France, ont vu leurs systèmes de santé débordés par l’afflux de patients Covid-19 aux soins intensifs suite à la circulation du virus dans la population générale. Des secteurs entiers de l’économie sont fortement touchés suite aux mesures prises par les gouvernements, avec des conséquences sociétales et sociales importantes. La situation d’un pays (le Brésil) dont le président a ignoré cette proportionnalité peut être un levier motivationnel : au début de l’été, pas loin d’un tiers des décès (31 %) dus au Covid-19 concernait les moins de 60 ans ! Cela nous rappelle d’ailleurs les débats sur le port obligatoire de la ceinture de sécurité et le casque pour motocyclistes dans les années septante et huitante du siècle passé. Les propos d’alors font aujourd’hui sourire et semblent incongrus.
Mais si informer et expliquer est nécessaire, ce n’est souvent pas suffisant ! Il faut se mettre dans la position de l’autre, être à l’écoute, comprendre ses mécanismes de résistance, et « rouler » avec cette résistance, comme nous le faisons avec les personnes peu enclines à changer de comportement (consommation excessive d’alcool, tabagisme régulier, sédentarité…). Il faut aussi choisir des actions de communication spécifiques, adaptées, plus ciblées, faire du storytelling sur les réseaux sociaux. Il est urgent que le monde médical, de la santé, les autorités changent de stratégie de communication. N’est-il pas temps de viser directement les « jeunes » dans l’espace public, afin de montrer, par exemple, que l’on peut faire la fête tout en faisant preuve de solidarité sociétale ? Il faut créer une rhétorique propre aux jeunes sur le risque d’externalité de leur comportement. Des pistes sont certes actuellement explorées, malheureusement sans concertation et évaluation. La récente mise en quarantaine de 2500 étudiants d’une haute école vaudoise illustre bien cette urgence de santé publique ! D’autres actions et messages sont également nécessaires pour les moins jeunes. Rappelez-vous les discours quand les actions de lutte contre le tabagisme passif ont été lancées. On nous prédisait l’échec : « Jamais les fumeurs n’accepteront de ne pas fumer dans les restos et les bars ! Et je ne vous parle pas des jeunes dans leurs discos : cela ne marchera jamais ! ». On y est arrivé grâce à cette concertation, à une convergence de vues entre experts.
Comme on dit dans le cyclisme : il faut maintenant changer de braquet ! Car un grand défi est devant nous : la gestion de la vaccination, mère de toutes les batailles, contre le coronavirus ! Afin de proposer une approche consensuelle sur les grandes questions liées à cette vaccination, Unisanté a lancé, avec le soutien de la Task Force nationale Covid-19 et les autorités fédérales sanitaires (Office fédéral de la santé publique, Commission fédérale pour les vaccinations), une enquête Delphi, méthodologie utilisée pour trouver un consensus entre experts en présence de données préliminaires (ce sera le cas dès les premiers résultats des essais cliniques rendus publics), peut-être non concordantes. Les professionnels de la santé publique et de la médecine devront mettre en place un processus de synthèse rapide des connaissances et se mettre d’accord, une fois les premiers résultats disponibles, sur les recommandations à faire : quel degré d’efficacité doit-on obtenir avant de recommander la vaccination ? Quels sont les groupes cibles prioritaires (personnes âgées, enfants) ? Que recommander pour les femmes enceintes avec des données de sécurité probablement lacunaires ? Cela en tenant compte de la disponibilité des vaccins et de leur coût dans un contexte de « guerre » que se livrent actuellement les pays.
Un grand défi est devant nous: la gestion de la vaccination contre le coronavirus
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