Une des nouvelles de Jack London relate l’abandon du vieux chef indien Koskoosh dans la neige et le froid glacé du Yukon. La tribu, tiraillée par la faim, doit partir chercher de meilleures terres et laisse l’aïeul, aveugle et trop lent dans ses déplacements, seul avec quelques bûches et un feu qui bientôt s’éteindra. Koskoosh s’estime lui-même en fin de vie, telle une « veille feuille à peine accrochée à sa branche, qui tombera au premier souffle ». Il accepte dignement cette fin : « n’est-ce pas la loi de la vie ? ».1
Le monde a bien changé depuis et la Suisse du 21e siècle n’a rien à voir avec le Yukon de 1901. Pourtant, en 2019, le SARS-CoV-2 est venu nous rappeler notre vulnérabilité et nos difficultés face à des moyens qui paraissent limités devant les défis posés par les grandes pandémies. La question de l’âge s’est encore posée, d’autant plus qu’il représente un facteur de risque de gravité de la maladie. Plusieurs entités ont édicté des directives dans un effort de transparence par rapport aux règles qui devraient gouverner l’accès aux ressources et tout particulièrement aux soins intensifs.
La simplicité n’est pas de mise, les décisions nécessitent une évaluation complète et des avis experts
Si dans certaines situations particulièrement difficiles, l’âge chronologique semble avoir été utilisé comme critère d’accès,2 la plupart des directives ont plutôt considéré que l’âge en soi ne devait pas être un élément décisionnel. L’Association suisse des sciences médicales (ASSM) a indiqué qu’un tel critère violerait l’interdiction de discriminer inscrite dans la Constitution fédérale, et l’American Geriatrics Society a pris une position similaire.3,4 Au même titre, la durée de vie restante estimée, c’est-à-dire le remplacement d’une addition des années réellement vécues par une soustraction de ces dernières à une durée de vie totale encore virtuelle ne saurait être recevable. La valeur des années qui restent à vivre souffre du même biais antiâge.4
La reconnaissance d’une grande variabilité dans la population âgée a fait naître la notion d’âge biologique,5 mais comment mesurer ce dernier ? Comment prendre en compte, l’environnement, les soutiens formels et informels, les valeurs et souhaits personnels et les multiples autres domaines qui influent sur les décisions liées à la santé des vieilles personnes ? Un des articles de ce numéro fait le point de la situation.5 Il est clair que la question reste complexe. Dans une autre publication récente, la mortalité d’une série de 235 personnes de 65 à 101 ans, pour la plupart très âgées (en moyenne 86 ans), hospitalisées en gériatrie aiguë en raison d’une infection par le SARS-CoV-2, s’est révélée sans lien avec les différences d’âge dans ce groupe. De plus, si les divers scores cliniques, de comorbidité, de fonctionnalité ou fragilité jouaient tous un rôle pronostique important, aucun n’a pu, à lui seul, expliquer plus de 20% de la variabilité de survie de cette population.6 Depuis l’avènement de la pandémie de Covid-19 de nombreuses publications proposent des scores prédictifs de mortalité de cette maladie, mais l’exercice reste périlleux et les résultats doivent être interprétés avec prudence. Dans un article très récent, qui estime proposer le score le plus performant, il est intéressant de noter que la survie reste proche de 40 % dans le groupe le plus sévèrement atteint.7 En attendant mieux, la simplicité n’est pas de mise. Les décisions thérapeutiques chez les personnes âgées nécessitent une évaluation complète et des avis experts.
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