Avec l’émergence du Covid-19 est apparue la description de différentes manifestations cutanées. Bien qu’aspécifiques et plus rares que les symptômes respiratoires, de nombreux rapports de cas ont été publiés durant l’année 2020, pouvant être classés en 3 catégories. L’analyse histopathologique associée aux prélèvements microbiologiques peut orienter le diagnostic. Les connaissances de ces manifestations cutanées peuvent parfois aider au diagnostic et permettre une détection plus précoce de l’infection par le SARS-CoV-2, notamment chez les patients ne présentant pas d’autres symptômes systémiques.
L’infection par le SARS-CoV-2 (Covid-19) se manifeste principalement par des symptômes respiratoires, les plus fréquents étant une rhinite, une toux et une dyspnée, pouvant conduire dans les cas les plus sévères au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Cependant, de multiples atteintes d’organes ont été rapportées et le tégument n’y fait pas exception. Avec l’émergence de ce nouveau virus est apparue la description de manifestations cutanées variées que nous allons détailler dans cet article.
Plus d’un an après l’arrivée du Covid-19 et avec environ 100 millions de cas diagnostiqués au niveau mondial, nous faisons face à l’augmentation d’une variété de manifestations cutanées décrites. Bien que celle-ci reste rare, l’atteinte des téguments est plus ou moins décrite en fonction des pays, allant de 20,4 % des patients (18 sur 88) dans une cohorte italienne1 à 1,8 % (2 patients sur 1099) dans une cohorte chinoise.2 Aux HUG, 3 % des patients hospitalisés ont présenté une éruption cutanée (soit 28 patients sur 8 mois en 2020). Le Covid-19 semblerait toucher davantage les hommes que les femmes (environ 60 versus 40 %) et les données épidémiologiques de l’OMS concluent à un taux de mortalité plus élevé chez les patients de sexe masculin, surtout chez les personnes âgées. Par ailleurs, une minorité d’enfants ont présenté certaines manifestations cutanées.
Bien qu’encore peu compris, deux mécanismes physiopathologiques des manifestations cutanées du Covid-19 semblent prédominer : une réponse immunitaire aux nucléotides viraux (comme observée dans les exanthèmes viraux) et des manifestations cutanées, secondaires à une réaction inflammatoire/immunitaire à la présence du virus dans l’organisme (notamment rencontrées pour les vasculites et vasculopathies thrombosantes).3
Selon les atteintes cutanées, plusieurs mécanismes pourraient jouer un rôle. Certaines études montrent l’implication des lymphocytes T directement infectés, voire l’augmentation des cytokines pro-inflammatoires (décrite dans le syndrome de libération de cytokines, notamment dans les cas sévères de SRAS, voire de défaillance multiorganique).4 En effet, il est démontré une implication particulière de l’interleukine 6 (IL-6) provoquant une atteinte cutanée en stimulant les macrophages, neutrophiles, mastocytes, lymphocytes et cellules dendritiques dermiques (vue principalement dans les exanthèmes, lésions urticariennes ou vésiculeuses). L’activation directe du complément (C5b-9 et C4d) par le virus pourrait également entrer en jeu, avec un mécanisme thrombotique par leurs dépôts (notamment dans le purpura rétiforme et le livedo).5 De même, l’implication de l’enzyme de conversion de l’angiotensine de type 2 (ACE2) est décrite dans la littérature,6 du fait de la nécessité du SARS-CoV-2 de s’y lier pour entrer dans la cellule hôte. Cette enzyme est présente dans de multiples organes, dont la peau, ce qui peut expliquer l’effet pathogène direct conduisant à une acantholyse et une dyskératose décrites en histopathologie. Enfin, une interféronopathie de type 1 induite par le virus a également été mise en évidence, avec l’augmentation significative de la production d’interféron alpha entraînant une inflammation biologique et ayant notamment comme conséquence au niveau cutané une inflammation lymphocytaire et des lésions vasculaires (comme rapportées dans les pseudo-engelures).7
Bien qu’aspécifiques et plus rares que les symptômes respiratoires, les atteintes cutanées peuvent être classées en 3 types de manifestations : paravirales, vésiculeuses et vasculitiques (figure 1).
Parmi les éruptions paravirales sont décrits :
La lésion primaire est une vésicule de localisation prédominante au niveau du tronc antérieur et postérieur (figure 3), évoluant rapidement vers des papules croûteuses. L’extension peut se faire également aux membres. Ces lésions sont parfois prurigineuses ou souvent asymptomatiques. Peu d’atteintes des muqueuses ont été rapportées. L’histologie est décrite ci-dessous et visualisable sur la figure 4. Le délai médian d’apparition par rapport aux symptômes généraux est de 10 jours. Une infection par le virus de la varicelle et du zona (VZV) et une affection herpétique doivent être exclues, de même qu’une maladie de Grover.
Les éruptions vasculitiques se caractérisent par 3 types d’éruption :
D’autres éruptions cutanées ont été rapportées, notamment des cas de maladie atypique de Kawasaki (syndrome inflammatoire multisystémique mimant une maladie de Kawasaki) chez de jeunes enfants survenant plusieurs semaines après l’infection par le SARS-CoV-2 (décrite dans plusieurs pays d’Europe et aux États-Unis).11,12 Des cas de panniculite à éosinophiles, dyschromie périorbitaire et ulcères buccaux ont été également décrits.3
Le diagnostic de Covid-19 est basé sur la clinique et la vérification par un test PCR nasopharyngé. Au niveau cutané et après exclusion des diagnostics différentiels, la biopsie cutanée peut orienter le diagnostic, même si elle reste peu spécifique. La détection du SARS-CoV-2 par PCR au niveau des biopsies cutanées a été démontrée dans quelques cas rapportés.13,14
Comme décrit plus haut, les mécanismes physiopathologiques peuvent différer en fonction des lésions et restent toutefois aspécifiques au Covid-19. Cependant, certains signes présents en histopathologie peuvent orienter le diagnostic :
La prise en charge reste majoritairement symptomatique, avec utilisation d’antipyrétiques et encouragement à une bonne hydratation. En cas de prurit important, comme dans les éruptions urticariennes ou dans certains exanthèmes, des antihistaminiques peuvent être associés, voire l’utilisation de dermocorticoïdes. Concernant les pseudo-engelures, l’évitement du froid et de l’humidité est recommandé. Dans les cas récalcitrants, l’utilisation de nifédipine est possible.
Bien que moins fréquente, l’atteinte des téguments fait partie des nombreuses manifestations du Covid-19 et ses symptômes variés (allant des éruptions paravirales et vésiculeuses, pour les plus fréquentes, au livedo réticulé) méritent d’être connus. Un œil attentif peut orienter le diagnostic et permettre la détection précoce de l’infection, notamment chez les personnes asymptomatiques. La reconnaissance de ces lésions cutanées pourrait permettre au patient de s’isoler plus précocement, et ainsi limiter la transmission. L’enjeu est important au vu du contexte pandémique actuel et de l’impact humain et économique au niveau mondial.
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
• Diverses manifestations cutanées se produisent dans le contexte du Covid-19, avec une physiopathologie similaire à d’autres organes
• La détection précoce de ces lésions peut amener au diagnostic de Covid-19, notamment chez la personne asymptomatique
• La détection de ces lésions pourrait être un critère diagnostique de l’infection par le SARS-CoV-2
Avec l’émergence du Covid-19 est apparue la description de différentes manifestations cutanées. Bien qu’aspécifiques et plus rares que les symptômes respiratoires, de nombreux rapports de cas ont été publiés durant l’année 2020, pouvant être classés en 3 catégories. L’analyse histopathologique associée aux prélèvements microbiologiques peut orienter le diagnostic. Les connaissances de ces manifestations cutanées peuvent parfois aider au diagnostic et permettre une détection plus précoce de l’infection par le SARS-CoV-2, notamment chez les patients ne présentant pas d’autres symptômes systémiques.
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