Plusieurs centaines d’études, un consensus scientifique, une obligation légale et une évidence pour beaucoup. Pourtant, à plusieurs reprises, se sont tenus des rassemblements d’opposition au port du masque.
La majorité des Suisses comprennent la nécessité de cette mesure qui tente d’endiguer une pandémie ayant déjà coûté la vie à plus d’un million de personnes à travers le monde. Pourtant, une partie de la population refuse en bloc ce qu’elle perçoit comme une atteinte à ses droits fondamentaux. Se crée alors une querelle entre ces deux groupes. La population générale critique les antimasques pour leurs comportements irresponsables, les sceptiques qualifient le reste de crédules assujettis aux autorités. Chaque partie se sent assaillie par l’autre, les opinions se durcissent et le dialogue est rompu.
Différentes actions pourraient être entreprises dans le but de renouer le dialogue
Il est pourtant connu depuis bien longtemps que les agressions verbales et morales ne font ni bouger les opinions ni changer les comportements. Dans les années 80, lorsque l’épidémie du VIH ravageait les États-Unis, différentes campagnes essayaient de ralentir la propagation de ce virus mortel. Une partie de ces dernières cherchaient simplement à humilier les individus ayant des comportements à risque avec des slogans tels que « Une mauvaise réputation n’est pas la seule chose que tu risques en couchant à droite et à gauche ».1 Il fût bien vite démontré qu’associer plaisir et protection était beaucoup plus efficace. Modifier un comportement en rabaissant son auteur ne fonctionnait pas pour les préservatifs et ne fonctionnera pas mieux pour les masques.
On peut ainsi comprendre l’entêtement des antimasques au vu des réactions agressives qu’ils inspirent au reste de la population. Il reste néanmoins à déterminer la cause originelle de leur refus. Comment un citoyen lambda peut-il en arriver à croire de parfaits inconnus en ligne et à rejeter un gouvernement envers lequel il avait accordé sa confiance ? Les causes du refus remontent plus loin que cette crise.2 En France, les antimasques interrogés révèlent des taux de confiance envers leurs institutions historiquement bas.3 Le désaccord profond existant entre la population et les institutions va au-delà des simples mesures sanitaires appliquées, c’est toute la politique gouvernementale qui est remise en question. Si chez nous la confiance envers les autorités de la population est bien plus haute,4 le problème est néanmoins présent. Les autorités suisses ont d’ailleurs donné de la matière à ces mouvements par leur discours changeant sur la question de l’efficacité des masques. En fonction des réserves dont le pays disposait au début de la pandémie, les masques devinrent soudainement inefficaces puis, une fois en quantité suffisante, retrouvèrent leur utilité. Ce discours permit aux autorités d’allouer les masques aux soignants sans soulever trop de protestation. Ce mensonge a malheureusement créé pour certains une brèche de confiance à l’intérieur de laquelle sont venus s’engouffrer les arguments antimasques.
Pour ne pas arranger les choses, notre cerveau a la fâcheuse tendance à être sujet à différents biais, dont celui de confirmation. Nous avons ainsi tous tendance à très facilement accepter les informations qui abondent dans notre sens et à rejeter avec véhémence les arguments inverses.2 Les antimasques se retrouvent ainsi méfiants envers un gouvernement leur ayant menti, en possession d’innombrables théories confortant leurs idées et confrontés à une population les stigmatisant et les humiliant.
La situation semble indémêlable, mais différentes actions pourraient être entreprises, chacune à leur niveau, dans le but de renouer le dialogue. Chaque citoyen ou citoyenne peut changer sa manière d’aborder un sceptique. La honte ne fonctionnait pas en 1980, pourquoi serait-elle d’actualité quarante années plus tard ? Et si le double discours des autorités sur l’efficacité des masques est compréhensible, il représente un mensonge éhonté, relevé par nombre de personnes. Reconnaître ce fait et expliquer sa pertinence représenterait le premier pas vers le rétablissement d’un lien de confiance entre les autorités et les antimasques.
Recevez une fois par semaine, le résumé des actualités Covid-19 par email.
Je m’inscrisRetrouvez les conférences du colloque du 2 Juillet 2020 organisé par Unisanté dans la rubrique Colloques/Unisantéil.
Accéder aux conférences