C’est une observation inattendue : depuis plusieurs semaines, nombre de spécialistes ORL et d’infectiologues européens ont observé, chez des patients souffrant de Covid-19, l’existence de troubles de l’odorat et du goût. Ces anosmies et dysgueusies (partielles ou totales) ont été retrouvées chez un grand nombre de patients infectés en Allemagne, France, Italie, Espagne, Angleterre et aux USA.
Un groupe de spécialistes ORL de la fédération internationale des sociétés d’ORL (IFOS) a développé un questionnaire permettant d’investiguer ces troubles de l’odorat et du goût chez des patients souffrant du Covid-19 (infection confirmée par un test PCR). Le Dr Jérôme Lechien (Hôpital Foch, Suresnes, France) et le Pr Sven Saussez (Université de Mons, Belgique) ont coordonné cette étude réalisée par 33 médecins spécialistes d’ORL et chercheurs dans douze hôpitaux européens.1
Cette étude a été réalisée sur 417 patients présentant une forme non-sévère de Covid : 263 femmes (63 %) et 154 hommes (37 %). Les symptômes généraux les plus fréquents de la maladie ont été retrouvés : toux, douleurs musculaires, perte d’appétit et fièvre. Les symptômes ORL les plus fréquents étaient des douleurs faciales et une obstruction nasale. 86 % des patients infectés ont présenté des troubles partiels ou complets de l’odorat et 88 % des troubles partiels ou complets du goût. Ces troubles de l’odorat surviennent soit avant l’apparition des symptômes (généraux et ORL) (dans 12 % des cas), soit pendant (65 % des cas), soit après (23 % des cas). « De manière surprenante, les femmes sont nettement plus atteintes par cette anosmie, et cette différence liée au sexe est significative sur le plan statistique, notent les auteurs. 44 % des patients ont déjà récupéré leur odorat dans un délai court de 15 jours. Les autres patients doivent garder un bon espoir de récupération qui pourrait se faire dans les 12 mois suivant l’apparition des symptômes (la récupération nerveuse est un processus lent). »
A ce stade, trois recommandations sont formulées par les auteurs. Tout d’abord, qu’une anosmie et/ou une dysgueusie survenue après le 1er mars 2020 chez des patients ne présentant aucun antécédent ORL (sinusite chronique, polypes nasaux, chirurgie nasale ou sinusale) doit être considérée comme un symptôme spécifique de l’infection à COVID-19 et devrait être officiellement ajoutée à la liste des autres symptômes reprise par l’OMS. Ensuite, que les patients atteints d’une anosmie/dysgueusie isolée (sans autres symp tômes de la maladie) devraient être considérés comme potentiellement infectés et donc isolés pour une période minimale de 7 jours (à discuter avec le médecin traitant). Enfin, que les traitements habituellement prescrits pour traiter l’anosmie (les corticoïdes oraux ou nasaux en spray) sont, ici, contrindiqués.
Plusieurs études ont démontré l’importance du scanner thoracique chez les patients suspects et atteints de Covid-19 – et ce à la fois pour le diagnostic des lésions pulmonaires et pour l’évaluation du pronostic. Sur cette base, la Société française de radiologie vient d’annoncer la création d’une base de données nationale de scanners thoraciques pour améliorer la prise en charge des patients positifs au Covid-19. Il s’agit ici d’un partenariat avec la société NEHS Digital, spécialisée dans l’imagerie médicale, la télémédecine et l’organisation du service médical d’interprétation. Objectif : favoriser, avec des établissements volontaires, une collecte d’images de scanners thoraciques de cas suspects ou confirmés de Covid-19 – et ce afin de constituer une base de données anonymisées.
« Collecter les images d’un grand nombre de scanners nous permettra d’avoir une connaissance précise de la sémiologie diagnostique et de déterminer des biomarqueurs pronostiques », explique le Pr Jean-François Meder, président de la Société française de radiologie. Toutes les images sont intéressantes, même quand le scanner est normal ou dépiste d’autres pathologies que celle suspectée au départ. Le but est de construire une base de données pour améliorer les connaissances, favoriser la recherche et optimiser la prise en charge des patients. »
Déjà la silhouette d’un Big Brother sanitaire… Un sondage réalisé fin mars auprès d’un échantillon représentatif de plus d’un millier de Français possédant un téléphone mobile, conclut qu’une nette majorité de Français seraient favorables à l’utilisation d’une application enregistrant leurs interactions sociales, les avertissant s’ils ont été en contact avec une personne malade du Covid-19 ou prévenant ceux qu’ils ont côtoyés s’ils sont eux-mêmes infectés.
Il faut toutefois savoir ici, comme le souligne Le Monde,2 que ce sondage a été commandé par une équipe de recherche de l’Université britannique d’Oxford qui, précisément, travaille sur ce type d’application pour lutter contre la pandémie – et dont les derniers travaux viennent d’être publiés dans Science.3
Ces chercheurs ont modélisé mathématiquement l’effet d’une application de pistage permettant d’identifier immédiatement les personnes risquant d’être infectées – et ce avant même qu’elles présentent des symptômes du Covid-19 (ce qui n’est pas sans faire songer à Minority Report). Ils ont estimé qu’une telle application était de nature à « contrôler l’épidémie sans avoir besoin de recourir à des mesures prolongées et très coûteuses de confinement général ».
Il s’agit, en pratique, d’une application installée sur un smartphone et utilisant la technologie sans fil Bluetooth, capable de détecter si un autre téléphone mobile équipé de cette même application se trouve à proximité immédiate. L’application, telle qu’elle est envisagée, n’accède à rien d’autre qu’au Bluetooth (pas d’accès au répertoire, aux messages…) et ne permet pas de géolocalisation : elle se borne à enregistrer les appareils munis de la même application ayant été dans son environnement immédiat pendant au moins quinze minutes – situation tenue pour présenter un risque infectieux vis-à-vis du SRAS-CoV2. Lorsque le possesseur d’une telle application est diagnostiqué positif au Covid-19, ceux que le malade a côtoyés sont avertis immédiatement et il leur est demandé, par les autorités sanitaires, de se mettre en quarantaine stricte. Pour autant, les personnes ainsi alertées ne savent pas qui leur a fait courir le risque d’être contaminé, ni où.
Les chercheurs notent qu’en Allemagne, au Royaume-Uni et en Italie (où des sondages ont également été effectués), les résultats sont « très similaires » à ceux observés en France. Ailleurs dans le monde, des projets d’applications censées identifier les individus risquant d’être infectés pour avoir côtoyé un malade se multiplient et la Chine comme Singapour ont déjà mis en œuvre cette approche.
En France, le gouvernement laisse entendre qu’un dispositif de suivi pourrait être envisageable s’il reposait sur la base du volontariat. La question de l’opportunité de sa mise en place a été soumise à un conseil scientifique ad hoc4 présidé par Françoise Barré-Sinoussi, colauréate du prix Nobel de médecine 2008 pour ses travaux sur la découverte, en 1983, du VIH.
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