Quelle étrange mouche a, durant le confinement parisien, pu piquer Bernard-Henri Lévy (BHL), écrivain, philosophe, cinéaste, romancier, essayiste, dramaturge, homme d’affaires et intellectuel français ? Il y a peu, l’homme était invité sur les ondes radiophoniques publiques française pour faire la promotion de son dernier opuscule : « Ce qui virus qui rend fou ».1 Une promotion qui vit l’écrivain quelque peu approximatif attribuer à Paul Valéry la célèbre formule de René Leriche (1879-1955) : « La santé, c’est la vie dans le silence des organes ».
De cette promotion, on ne retiendra guère, outre l’immanquable référence à Michel Foucault et au « biopouvoir » (ce pouvoir qui s’exerce sur la vie des corps et de la population) que quelques réflexions sur les rapports actuels entre le pouvoir politique et le pouvoir médico-scientifique. Un pouvoir politique français qui cherche à se relégitimer grâce à un « supposé savoir » associé à un « abus d’autorité incroyable ».
« Ces médecins qui passaient leur temps à nous faire la leçon à la télévision, pardonnez-moi mais moi, à l’oreille j’entendais l’abus d’autorité, accuse BHL. Ce pouvoir médical, cela fait des siècles qu’il se cherche, des siècles qu’il tente de s’imposer. Et là il a failli triompher ! La République ce n’est pas le pouvoir des experts ! La République, c’est le pouvoir des politiques. La République ce n’est pas l’hygiénisme, ce n’est pas le pouvoir des médecins qui transforme la politique en clinique, qui font la chasse au virus …. La politique, ce n’est pas le pouvoir médical … »
Et BHL d’accuser journalistes, médias et spectateurs d’avoir accepté cette « prise de pouvoir par les médecins ». « D’ailleurs les meilleurs d’entre eux savaient que c’était absurde, ils étaient embarrassés de ce rôle, ils savent qu’ils ne sont pas d’accord les uns avec les autres, que la médecine n’est que très partiellement une science exacte, que la médecine c’est plein de querelles, que c’est encore pire que la philosophie … ».
Selon lui, le président de la République française a eu tort de parler de « guerre » ; les médecins et les médias ont eu tort d’entretenir un sentiment de peur, cette « mauvaise conseillère ». Avec, en toile de fond, des « émerveillés du confinement » en attente d’un monde qui serait (enfin) débarrassé des humains. Et BHL d’évoquer (lui aussi) le Pr Didier Raoult, chantre de l’hydroxychloroquine, qu’il n’est pas sans admirer.
« Moi je connais la chloroquine, je suis un vieux paludéen, c’est aussi un bon médicament, il m’a sauvé la vie il y a cinquante ans, a-t-il ajouté. Le spectacle qu’ont donné les médecins à cette occasion, ce tintamarre, cette pétarade, cette chamaillerie, cette pétarade à la table du roi, c’était l’illustration du pire de ce que je dis sur les exagérations du pouvoir médical. » Durant le confinement français BHL n’est pas allé à la campagne. Il est resté à Paris et n’a fait que deux reportages, l’un au Bangladesh, l’autre à Lesbos.
Le médicament anakinra (commercialisé sous la marque Kineret par la firme Swedish Orphan Biovitrum) dans certaines indications rhumatismales (polyarthrites rhumatoïdes), donne des résultats « encourageants » dans les formes graves de Covid-19 en réduisant le risque de décès et le besoin d’être mis sous respirateur en réanimation. Telle est la conclusion d’une étude française qui vient d’être publiée dans The Lancet Rheumatology.
On savait que l’anakinra neutralise l’activité biologique de l’interleukine-1alpha (IL-1alpha) et de l’interleukine-1ß (IL-1ß) par inhibition compétitive de la liaison de l’IL-1 à son récepteur de type I (IL-1RI). L’objectif, ici, était de contrer l’« orage cytokinique », cette violente réaction inflammatoire incontrôlée observée dans les formes graves de pneumonie de la Covid-19. Ce phénomène évolue généralement vers un syndrome de détresse respiratoire aigu (SDRA) imposant l’assistance d’une ventilation artificielle avec l’utilisation de respirateur.
L’essai a consisté en l’administration par injection sous-cutanée pendant dix jours d’anakinra à 52 patients atteints d’une forme grave de COVID-19. Ce qui a permis d’obtenir une « réduction statistiquement significative du risque de décès et de passage en réanimation pour assistance respiratoire par ventilation mécanique ». Un quart des patients traités avec l’anakinra ont été transférés en réanimation ou sont décédés, contre près de 73 % de ceux n’ayant pas eu cette thérapie. Le groupe témoin était constitué de 44 patients qui avaient été auparavant pris en charge dans la même institution. Dans le groupe recevant l’anakinra, une diminution rapide des besoins en oxygène a été également observée au bout de 7 jours de traitement. « En l’absence d’accès à des essais thérapeutiques incluant des médicaments immunomodulateurs pour nos patients, la décision a été prise de proposer l’anakinra, selon des critères de gravité décidés de manière consensuelle explique le Pr Jean-Jacques Mourad, (service de médecine interne, Hôpital Paris Saint-Joseph, Paris) co-signataire de l’étude Le bénéfice était palpable au quotidien. »
C’est une tribune originale, dérangeante, provocatrice publié dans Le Monde.3 Un texte signé de deux anciens directeurs généraux français de la santé et qui alimentera diverses polémiques dans les champs politique, judiciaire et journalistique. Un texte que Le Monde présente et résume ainsi : « Pour les anciens directeurs généraux de la santé Jean-François Girard et Joël Ménard, les leçons à tirer de la crise sanitaire liée au Covid-19 ne le seront ni par le journalisme d’investigation ni par les commissions d’enquête ou des actions judiciaires collectives ».
« Des journalistes reconnus pour leurs investigations du monde politique enquêtent aujourd’hui sur l’étrange mélange de la médecine et de la politique, de la santé publique et de l’économie, qui s’est installé depuis février, écrivent les auteurs de cette tribune. De nos jours, la pression exercée au travers de la course aux nouvelles des multiples chaînes d’information continue est démultipliée par les interprétations que chacun propose ou invente sur les réseaux sociaux. Le démenti d’une fausse nouvelle est en soi une nouvelle de plus. »
Selon eux, dans la confrontation aux médias, s’infiltrent des biais « comme la peur, la défausse, la rancœur, voire la vengeance ou la possibilité de faire parler de soi ». Savoir que l’on est interrogé par des journalistes orienterait les réponses, consciemment ou inconsciemment. « Les narrations du journalisme d’investigation accompagnent l’actualité, ont un style particulier d’accroche, en particulier dans les titres, mais leur démarche narrative n’est pas l’histoire » ajoutent-ils.
Avant de conclure que, selon eux, les leçons à tirer de la pandémie ne le seront pas par le journalisme d’investigation, ni par les commissions d’enquête, les actions judiciaires collectives ou les débats télévisés ». Question : comment ferons-nous, collectivement, pour élaborer au mieux ces indispensables leçons ?
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