C’est un nouvel épisode démontrant ce qu’il peut en être en France de la politique de réduction des risques. Lors de l’entretien télévisé accordé à la presse le jour de la fête nationale du 14 juillet, Emmanuel Macron, président de la République, annonçait que le port du masque chirurgical à des fins préventives serait bientôt rendu obligatoire « dans les espaces publics clos ». Des voix de plus en plus nombreuses s’élevaient alors pour réclamer au gouvernement d’imposer cette obligation. Quatorze médecins « de renom » et dont la plupart étaient, depuis quelques mois, les invités réguliers des médias généralistes avaient notamment publié une tribune dans le quotidien Le Parisien.1
« La première vague du Covid-19 est passée, avec toutes les conséquences humaines, économiques et sociales que nous connaissons. Pour nous tous, la tentation est grande et compréhensible de reprendre une vie normale, d’oublier le virus, de profiter de l’été, des plages, des soirées entre amis et de la proximité retrouvée. Malheureusement le virus, lui, ne nous oublie pas, et cherche encore à se répandre partout où il le peut », écrivaient-ils, observant que le pic de la première vague de la pandémie n’était pas encore atteint dans de nombreux pays et qu’en France, si les indicateurs étaient encore au vert, des « signaux faibles » commençaient à apparaître devant alerter les autorités sanitaires sur un possible redémarrage massif des transmissions. « Or, c’est à ce stade qu’il faut agir pour éviter une nouvelle vague massive et meurtrière, expliquaient-ils. Quand les clusters seront plus nombreux et non contrôlables, il sera trop tard pour éviter un nouveau confinement, plus ou moins complet (…) Le port du masque est une condition importante pour limiter la diffusion du virus. Nous y sommes habitués, même si cela reste inconfortable, et nous avons aujourd’hui les stocks nécessaires. Si vous ne le faites pas pour vous, faites-le pour vos parents plus âgés, votre frère ou sœur hypertendus ou vos proches fragiles chez qui le virus pourrait être mortel. »
Et d’exhorter le gouvernement à imposer le port du masque obligatoire dans tous les lieux publics clos, la distanciation physique autant que possible, et le lavage des mains. « #MasquésMaisEnLiberté ! ». On attendit alors la réponse de Jean Castex, nouveau Premier ministre qui avait été précédemment aux commandes pour piloter les opérations de « déconfinement ». Silence. Puis c’est le chef de l’État qui s’exprima depuis le palais de l’Élysée. « Nous avons des signes que ça repart quand même un peu, nous devons prévenir et nous préparer, déclara-t-il. Et donc, il faut continuer d’appliquer les gestes barrière. Là-dessus, on voit des faiblesses. J’ai demandé qu’on passe une étape au gouvernement et je souhaite que dans les prochaines semaines, on rende obligatoire le masque dans tous les lieux publics clos. »
Et d’annoncer que l’obligation s’imposerait « à partir du 1er août ».
« Pendant la crise sanitaire liée au Covid-19, le nombre de décès a fortement augmenté en France, avec des différences marquées selon le pays de naissance des personnes décédées », explique, à l’occasion de la publication d’une étude menée par deux de ses chercheurs,2 l’Institut national français de la statistique et des études économiques (Insee). Cette étude conclut qu’au plus fort de la pandémie, pendant les mois de mars et avril, l’augmentation du nombre de décès a été deux fois plus forte pour les immigrés que pour les personnes nées en France.
Plus précisément, il y a eu 129 000 décès dans tout le pays, entre les mois de mars et d’avril, toutes causes confondues, contre 102 800 à la même période en 2019. Cette surmortalité étant liée au Covid-19. Pour les personnes nées en France, la hausse du nombre de décès a été de 22 %, alors qu’elle a atteint 48 % pour celles nées à l’étranger.
La hausse des décès aura été la plus forte pour les personnes nées en Afrique : + 54 % pour celles nées dans les pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie, avec 8 300 décès en mars-avril 2020 contre 5 400 en mars-avril 2019) et + 114 % pour celles nées dans un autre pays d’Afrique (2 000 décès contre 900). La hausse est également élevée pour les personnes originaires d’Asie (+ 91 %, avec 1 600 décès contre 800). Pour les personnes nées en Europe (hors France) et celles nées dans un pays d’Amérique ou en Océanie, la hausse des décès est proche de celle observée pour les personnes nées en France.
C’est la première fois que cette inégalité est mise en lumière dans l’Hexagone – et ce alors que plusieurs pays ont révélé des situations similaires. Ainsi, en Suède, dès le mois d’avril, l’agence de santé publique du pays avait révélé que les résidents suédois nés en Somalie étaient surreprésentés parmi les personnes nécessitant des soins face au Covid-19 – suivis par ceux nés en Irak, en Syrie, en Finlande ou encore en Turquie.
Comment expliquer ce phénomène ? « Le plus fort excédent de décès pour les personnes nées en Afrique ou en Asie peut notamment s’expliquer par le fait qu’elles résident plus souvent en Ile-de-France, région de loin la plus fortement touchée par le Covid-19 », écrivent les auteurs de l’étude. Outre le lieu de résidence, c’est aussi « l’environnement des personnes », et en particulier les conditions de logement, les moyens de transport utilisés ou le métier exercé, qui ont « joué un rôle dans l’ampleur de la hausse des décès ».
La vulnérabilité, en France, des personnes nées à l’étranger face au Covid-19 est aussi révélée par l’âge auquel elles sont décédées. « Parmi les personnes nées à l’étranger hors Europe, le nombre de décès de personnes de moins de 65 ans a fortement augmenté (+ 30 % pour les personnes nées dans un pays du Maghreb, + 96 % pour celles nées dans un autre pays d’Afrique), alors qu’il est quasiment stable pour les personnes nées en Europe (+ 3 % pour les personnes nées en France) », révèle ainsi l’Insee. Les éléments tels que le lieu de résidence ou la profession ne permettent pas à eux seuls d’expliquer les différences observées.
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