C’est aujourd’hui une question récurrente qui témoigne de l’inquiétude actuelle de nombre de personnes asthmatiques : comment distinguer les signes liés au Covid-19 avec ceux d’une crise d’asthme ? Une inquiétude d’autant plus compréhensible que nombre d’informations erronées continuent ici ou là de circuler quant aux meilleures conduites thérapeutiques à ternir pour soigner son asthme, qu’il s’agisse de traitements de fond ou de ceux de la crise. C’est dire, ici, l’importance pratique des mises au point que vient de faire l’Association Asthme & Allergies1 en rassemblant les recommandations de plusieurs structures référentes de la pneumologie et de l’allergologie (Société de pneumologie de langue française, Société pédiatrique de pneumologie et allergologie, Société française d’allergologie, Fédération française d’allergologie).
On sait que dans le cas de l’asthme, les symptômes les plus courants sont l’essoufflement, les difficultés à respirer et la toux. En principe, ces symptômes sont rapidement soulagés par l’inhalation d’un bronchodilatateur. En aucun cas, l’asthme n’a pour symptômes une fièvre, des maux de tête, une perte du goût ou de l’odorat, une fatigue très importante – ce qui est fréquemment observé chez les personnes souffrant du Covid-19.
Autre question pratique :2 quelle différence entre l’anosmie brutale en cas d’in fection Covid-19 et la perte d’odorat des rhinites allergiques ? La perte ou diminution de l’odorat avec obstruction nasale en cas d’allergie est bien connue et reconnue par les patients allergiques habitués à leurs symptômes. Or, l’anosmie et l’agueusie sans obstruction nasale n’existent pas dans l’allergie - et peuvent donc signifier qu’on a contracté le Covid-19.
En cas de doute, il est recommandé de rechercher l’existence ou l’absence d’obstruction à l’interrogatoire (en vidéo-consultation, on peut, si besoin faire un test avec un miroir positionné horizontalement sous les narines, la présence de buée en expirant par le nez établissant que l’obstruction n’est pas totale). Pour les pneumologues et allergologues : « L’équation à retenir est : agueusie/anosmie sans obstruction = Covid-19 »
Les corticoïdes inhalés doivent impérativement être poursuivis
On sait que les infections liées aux virus à tropisme respiratoire (rhinovirus, virus respiratoire syncitial, virus grippaux…) constituent la principale cause d’exacerbation de l’asthme – et qu’elles peuvent être associées à des épisodes respiratoires sévères chez les patients asthmatiques. Plusieurs mécanismes physiopathologiques ont été mis en avant pour expliquer cette susceptibilité aux infections virales des asthmatiques. On sait aussi que l’émergence puis la progression de la pandémie Covid-19 liée au coronavirus SARS-CoV-2 est caractérisée, dans ses formes sévères, par des pneumonies graves pouvant conduire à un syndrome de détresse respiratoire aigu potentiellement mortel ; un phénomène faisant redouter un risque accru de formes graves chez les personnes asthmatiques. Le tropisme respiratoire des coronavirus est connu : certains d’entre eux ont déjà été impliqués ces dernières années dans des épidémies de pneumopathies sévères comme le SARS (Severe Acute Respiratory Syndrome) ou le MERS (Middle East Respiratory Syndrome).
« Dans une revue générale publiée en 2018, avant l’apparition du SARS-CoV-2, la prévalence d’identification d’un coronavirus dans les prélèvements respiratoires au cours d’une exacerbation d’asthme varie entre 8,4 % chez l’enfant et 20,8 % chez l’adulte ce qui place cette famille de virus au deuxième rang des virus identifiés chez l’adulte derrière les rhinovirus et au quatrième rang chez l’enfant après les rhinovirus, le VRS et les entérovirus », rappelle-t-on auprès de la Société de pneumologie de langue française (SPLF).
Pour la SPLF, on pouvait donc raisonnablement redouter que la situation épidémiologique actuelle s’accompagne d’un risque d’infection à Covid-19 plus important chez les personnes asthmatiques – risque associé à une augmentation des formes sévères. « Or curieusement, dans les premières publications que ce soit en Chine, en Italie ou aux USA, les patients asthmatiques paraissent sous représentés surtout si l’on considère la prévalence de l’asthme estimée entre 7 et 10 % selon les pays, observe-t-elle. Ces données sont corroborées par les premiers retours d’expérience des centres du réseau CRISALIS3 qui participent, au titre des services de pneumologie et soins intensifs respiratoires, à la première ligne de la lutte contre l’épidémie en France. »
Ces premières données devront être confirmées à grande échelle. Mais d’ores et déjà, deux hypothèses peuvent être avancées pour expliquer cette observation paradoxale. La première est l’éventuelle sous-estimation de l’asthme chez les patients infectés par le Covid-19 (et ce d’autant que les comorbidités respiratoires sont souvent mentionnées globalement sans que l’asthme fasse l’objet d’une attention spécifique). La seconde se focalise sur les traitements de fond de l’asthme et leur possible impact sur la diminution du risque d’infection ou de développement des symptômes.
Pour sa part, la SPLF a d’ores et déjà émis des recommandations de prise en charge des patients asthmatiques en période d’épidémie Covid-19. Et ce en soulignant trois points essentiels : la nécessité de ne pas interrompre les traitements de fond en cours notamment les corticoïdes inhalés ; la possibilité d’initier un traitement par biothérapie si le non contrôle et la sévérité de l’asthme le justifient, l’utilisation sans retard d’une corticothérapie systémique pour le traitement d’une exacerbation de l’asthme.
Toutes les sociétés savantes sont ici unanimes : les corticoïdes inhalés, pierre angulaire du traitement de fond de l’asthme, doivent impérativement être poursuivis. Tout patient asthmatique ayant un traitement de fond par corticoïdes inhalés doit le maintenir, même en période de pandémie au Covid-19. Tous les traitements de fond de l’asthme doivent être maintenus pendant la période de l’épidémie et adaptés pour que l’asthme soit parfaitement contrôlé – et tout particulièrement le traitement de fond par corticoïdes inhalés. « La corticothérapie orale au long cours doit, elle aussi, être maintenue à la dose minimale efficace pour contrôler l’asthme et doit être poursuivie si elle est nécessaire pour conserver un bon contrôle de l’asthme. Pour sa part, la Fédération française d’allergologie souhaite rassurer les asthmatiques sur le fait que « l’asthme n’est pas un facteur de risque de développer des formes plus sévères de COVID-19 les conduisant en réanimation, si l’asthme est bien contrôlé notamment par les corticoïdes inhalés ».
L’information de la survenue d’une infection Covid-19 est désormais recensée dans les cohortes nationales françaises incluant des asthmatiques. D’autre part, un protocole de recherche clinique multicentrique (visant à étudier le rôle protecteur de la corticothérapie inhalée dans les pneumopathies à Covid-19 nécessitant une hospitalisation hors services de réanimation – protocole INHASCO) va très prochainement débuter à l’initiative du Pr Camille Taillé (AP-HP, Hôpital Bichat). « Si les données actuellement disponibles ne démontrent pas une augmentation du risque d’infection à Covid-19 ou de formes sévères chez l’asthmatique, il convient de rester prudent et de poursuivre les recherches pour vérifier ces premières observations et les expliquer, souligne la SPLF. Elles ne doivent pas retarder le recours aux soins des patients asthmatiques en cas d’apparition de symptômes respiratoires ne répondant pas au traitement symptomatique habituel. Plus que jamais les mesures de prévention, mesures barrières et de confinement doivent être strictement appliquées chez les asthmatiques comme dans la population générale. »
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