Les services d’urgences sont en première ligne dans la gestion des cas de COVID-19, qu’il s’agisse du dépistage ou de la prise en charge des cas les plus sévères. La clinique associée au COVID-19 va de symptômes non spécifiques au syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte. Le diagnostic repose sur la PCR à partir d’un frottis nasopharyngé et le traitement d’urgence sur l’oxygénothérapie. L’orientation du patient (retour à domicile, hospitalisation, indication aux soins intensifs) est un aspect central de la prise en charge aux urgences. Le passage de la stratégie de reconnaissance systématique des cas potentiels à celle de la mitigation de l’épidémie a impliqué pour les services d’urgences hospitaliers la mise en place de mesures exceptionnelles afin de garantir une capacité d’accueil et d’hospitalisation.
Le 25 février 2020, le premier cas de COVID-19 était confirmé en Suisse. Depuis, le nombre de cas n’a cessé d’augmenter, en particulier au Tessin et en Suisse Romande. Les services d’urgences sont en première ligne dans la gestion des patients, qu’il s’agisse du dépistage ou de la prise en charge initiale des cas les plus sévères. Cet article résume les aspects cliniques pertinents pour les urgences et décrit les mesures de gestion de crise mises en place au CHUV et aux HUG.
L’Organisation Mondiale de la Santé décrit plusieurs tableaux cliniques associés au COVID-19, évolutifs dans le temps.1 Lors de maladie modérée, les patients présentent une infection des voies respiratoires supérieures non compliquée, avec des symptômes aspécifiques : fièvre, fatigue, toux, anorexie, maux de gorge, myalgie, malaise, congestion nasale, céphalée.2 Plus récemment, anosmie et agueusie ont été décrits.3 Des diarrhées et des symptômes digestifs sont possibles. Le stade suivant est celui d’une pneumonie modérée, ne nécessitant pas d’oxygène et sans dysfonction d’organe. Des douleurs thoraciques peuvent compléter le tableau. Au stade de pneumonie sévère, on note une tachypnée et une dyspnée au moindre effort. Le tirage respiratoire et le balancement thoraco-abdominal sont à rechercher. On retrouve une désaturation à l’air ambiant imposant l’administration rapide d’oxygène. La gazométrie confirme l’hypoxie avec volontiers un pH normal ou une alcalose respiratoire modérée. Un syndrome de détresse respiratoire aiguë (ARDS) survient chez 3 à 8 % des patients hospitalisés,2,4 après 8 à 10 jours d’évolution. La détresse respiratoire est majeure avec tirage, tachypnée > 30/minute, désaturation sévère et troubles de l’état de conscience. L’hémodynamique reste en principe stable, réalisant un tableau de défaillance mono-organe respiratoire. Dans de rares cas (1 %), les patients présentent un choc septique.4
Le diagnostic repose sur l’identification de l’ARN du SARS-CoV2 par PCR. Il est réalisé à partir d’un frottis nasopharyngé. Malgré une très bonne sensibilité de la PCR (95 %),5 la technique et le choix du site du frottis impliquent une sensibilité inférieure, entre 83 et 91 %.6,7 Les examens paracliniques ne permettent pas de poser le diagnostic, mais peuvent améliorer la suspicion clinique. La radiographie thoracique permet d’objectiver la pneumonie associée au COVID-19 (figure 1). Elle montre des consolidations diffuses, des images en verre dépoli avec une distribution périphérique et/ou périhilaire et plutôt inférieure. Les constations radiologiques sont évolutives dans le temps avec une acmé autour du 10e et 12e jour.7 Elles ne constituent pas un élément de gravité en soi : 98 % des patients admis à l’hôpital présentent une atteinte bilatérale, indépendamment de l’orientation aux soins intensifs ou en médecine interne.9
L’ultrasonographie ciblée pleuropulmonaire est un examen facile et rapide. Les signes associés au COVID-19 sont ceux d’une pneumonie (figure 1) ou d’un ARDS, avec une sensibilité supérieure à la radiographie thoracique.8 Les signes décrits dans le COVID-19 sont un épaississement de la ligne pleural, des lignes B multifocales, des lignes B confluentes, des consolidations affectant plus de 2 lobes pulmonaires. Les épanchements pleuraux sont rares.1figure 1) ou d’un ARDS, avec une sensibilité supérieure à la radiographie thoracique.8 Les signes décrits dans le COVID-19 sont un épaississement de la ligne pleural, des lignes B multifocales, des lignes B confluentes, des consolidations affectant plus de 2 lobes pulmonaires. Les épanchements pleuraux sont rares.10
Le CT thoracique est très sensible pour détecter les lésions pulmonaires.11 Toutefois, son apport dans la localisation des lésions périphériques, inférieures et bilatérales, n’est pas supérieur à la radiographie thoracique.7 Il n’y a pas d’indication au CT thoracique pour le dépistage, ni pour l’orientation. Son indication doit être réservée aux évolutions défavorables, pour rechercher une embolie pulmonaire, une surinfection bactérienne ou un empyème. Même si une étude a montré qu’un score basé sur les constatations du CT permet de prédire la mortalité, sa généralisation aux urgences reste limitée, compte-tenu du risque accru de contamination pour les soignants et les autres patients.12
Au niveau biologique, la leucopénie et la neutropénie sont fréquentes en début de maladie. L’augmentation de la créatininémie est fréquente à partir du 8e jour. On retrouve une augmentation non spécifique des LDH, ASAT, ALAT et D-dimère, pouvant être associée à une surmortalité.2,13
Le traitement d’urgence repose essentiellement sur l’oxygénothérapie. Le recours au support ventilatoire doit être réalisé dans un environnement de soins intensifs, afin de diminuer l’aérosolisation du virus. Le traitement médicamenteux n’est usuellement pas initié aux urgences et ne sera pas développé dans cet article.
L’orientation des patients (figure 2) doit prendre en compte les dysfonctions d’organe, et notamment en premier lieu la défaillance respiratoire. Les patients présentant uniquement une maladie légère à modérée peuvent rentrer à domicile avec un confinement strict en attente du résultat de la PCR. L’hospitalisation de ces patients n’est pas nécessaire. Un suivi ambulatoire est par contre recommandé en raison du risque d’aggravation. Les patients présentant une pneumonie paucisymptomatique peuvent rentrer à domicile en cas d’absence de défaillance d’organe. L’analyse des comorbidités et des facteurs de risque, dont l’âge, sont à prendre en compte pour la décision d’hospitalisation (figure 2) doit prendre en compte les dysfonctions d’organe, et notamment en premier lieu la défaillance respiratoire. Les patients présentant uniquement une maladie légère à modérée peuvent rentrer à domicile avec un confinement strict en attente du résultat de la PCR. L’hospitalisation de ces patients n’est pas nécessaire. Un suivi ambulatoire est par contre recommandé en raison du risque d’aggravation. Les patients présentant une pneumonie paucisymptomatique peuvent rentrer à domicile en cas d’absence de défaillance d’organe. L’analyse des comorbidités et des facteurs de risque, dont l’âge, sont à prendre en compte pour la décision d’hospitalisation (tableau 1). Les patients oxygéno-dépendants sont hospitalisés. Le Early Warning score for COVID-19 permet de stratifier la gravité afin d’orienter de façon appropriée.14 Les critères d’admission au soins intensifs peuvent être variables d’un établissement à un autre, mais comprennent la FiO2 et le débit d’oxygène et la défaillance hémodynamique et respiratoire. Une SpO2 < 90 % avec FiO2 > 40 % (débit d’O2 > 6l) est en principe une indication aux soins intensifs.
Prise en charge aux urgences des cas supects de COVID-19
La radiologie du thorax n’est pas un élément de gravité. 98 % des patients admis à l’hôpital présentent une atteinte bilatérale (pas de différence entre ceux admis en ICU et à l’étage).26 La sémiologie radiologique est fonction du temps avec une acme des signes radiologiques à J10 - J12 (infiltrat interstitiel, foyer alvéolaire, zone de verre dépolie).27 Le diagnostic de pneumonie peut être effectué sur une radiographie thoracique (debout, incidence face-profil) et/ou par échographie pleuropulmonaire (ligne B diffuse, lignes B confluentes, épaississement pleurale, zone de condensation sous-pleurale ou trans-lobaire).28
Du fait de leurs positions « charnières » entre la communauté et l’hôpital, les services d’urgences jouent un rôle central dans toute crise sanitaire, en organisant les flux et préservant les structures hospitalières, en évitant les hospitalisations inappropriées et en maintenant l’accueil des urgences vitales. Ces activités sont directement influencées dans le contexte du COVID-19 par le stade de l’épidémie, les ressources à disposition et le dispositif hospitalier spécifique à chaque canton.
Durant cette phase de l’épidémie, la stratégie vise à éviter le développement d’une épidémie sur le territoire Suisse et s’appuie sur la reconnaissance systématique des cas potentiels. Les patients suspects sont identifiés dès leur arrivée, sur la base de critères cliniques et épidémiologiques. Une enquête d’entourage et/ou des mesures de quarantaine sont appliquées en cas de confirmation. À ce stade, le nombre de cas est limité et n’a que peu d’impact sur les ressources ou les capacités hospitalières. Les enjeux portent principalement sur l’implémentation des frottis nasopharyngés, la mise en place de circuits d’évaluation parallèles, l’isolement des patients, et sur les mesures de protection pour les collaborateurs. Les principales difficultés sont : 1) la mise à jour en temps réel des régions considérées à risque et 2) la coïncidence du COVID-19 avec l’épidémie saisonnière de grippe (présentation identique, co-infection). Le port du masque par les équipes médico-soignantes, dans le cadre de l’épidémie de grippe, a pu être, de ce point de vue, un élément protecteur favorable.
Début mars, le nombre d’infections à SARS-CoV-2 en Suisse se monte à 100 et le 6 mars, la situation passe en stade épidémique. De nouvelles recommandations sont émises par l’OFSP, dans le but de protéger les populations vulnérables. La Confédération met en place des mesures de confinement et d’éloignement social. À ce stade, le nombre de cas suspects augmente rapidement. Les stratégies mises en place pour y répondre s’appuient alors sur : 1) une augmentation des capacités de tests diagnostiques ; 2) la mise en place de structures dédiées au dépistage hors des urgences ; 3) l’isolement des patients suspects en attente de résultats et 4) un regroupement (cohortage) des cas positifs hospitalisés.
Au niveau institutionnel, cette nouvelle étape est illustrée par la mise en place de mesures exceptionnelles visant à garantir une capacité d’accueil et d’hospitalisation : structure de pilotage de crise, coordination cantonale, réduction de l’activité clinique dans certains secteurs (ex : chirurgie élective, ambulatoire), suspension des vacances, redistribution du personnel entre services. L’augmentation de la capacité d’hospitalisation permet d’assurer une disponibilité des lits d’aval pour absorber les fluctuations d’activités aux urgences et maîtriser l’augmentation des admissions.15 En fonction de l’organisation des réseaux hospitaliers, l’identification d’hôpitaux spécifiquement destinés à accueillir les patients COVID-19 permet de réorganiser les flux et de préserver des établissements pour l’accueil des patients « non-COVID ».
Sur le plan des ressources, une attention particulière est portée à la gestion du personnel, en anticipant des réserves et des renforts, pour palier à des maladies et/ou à des augmentations de l’activité.16,17 La mise en place de plans de continuité, l’identification des fonctions-clés, et la planification du personnel participent à cette gestion de crise.18,19 Une coordination permanente avec l’hygiène hospitalière et la médecine du personnel permettent par ailleurs d’adapter régulièrement les mesures de protection des collaborateurs et les règles de quarantaine. Des mesures dégradées peuvent être mises en place afin de préserve les activités cliniques: modification du skill-mix dans les équipes, réduction du ratio collaborateurs/patients, renfort par du personnel externe, retour au travail plus rapide en cas d’infection paucisymptomatique. Au niveau logistique, l’identification de surfaces architecturales permettant d’étendre les soins intensifs et les services d’urgences est capitale. En raison du profil des patients COVID-19, une attention particulière doit être portée aux ressources en oxygène et aux dispositifs d’assistance ventilatoire, aux capacités d’évaluation (radiologie, laboratoire) et aux matériels de protection personnelle du personnel.20 L’accompagnement des équipes, le suivi régulier des mesures d’hygiène hospitalière et la qualité de l’information sont déterminantes pour assurer la cohésion des collaborateurs et leur adhésion aux nombreuses modifications engendrées par la crise.21
Le tableau 2 décrit les mesures de gestion des urgences intrahospitalières mises en place au CHUV et aux HUG. Le tableau 3 résume les indicateurs de suivi d’activités quotidiens nécessaires à la gestion de la crise
La situation, début avril, est marquée par une augmentation linéaire et importante du nombre de cas suspects ou positifs nécessitant une hospitalisation, et par une importante montée en puissance des services de soins aigus et d’hospitalisation. Le profil des patients admis aux urgences évolue, avec une prédominance de pathologies respiratoires. Plusieurs situations révèlent par ailleurs le caractère peu symptomatique du COVID-19 chez les personnes âgées, motivant une utilisation étendue des tests diagnostiques, par exemple en cas d’état confusionnel non expliqué.
On note en parallèle une forte réduction de l’activité usuelle des urgences (« Covid paradox »), vraisemblablement en lien avec les appréhensions de la population (peur d’être infecté en venant à l’hôpital, crainte de « déranger »), ainsi qu’avec les mesures de confinement (réduction des activités professionnelles, sportives ou festives). Cette réduction de l’activité n’est pas sans susciter des inquiétudes pour les semaines à venir, avec le risque d’une « seconde vague » de patients présentant des pathologies chroniques décompensées. Par ailleurs, les mesures de confinement, si elles réduisent certaines activités à risque, pourrait favoriser l’augmentation des violences interpersonnelles, abus de substances ou troubles psychiatriques.
Les urgences doivent donc se réorganiser pour faire face à cette crise sanitaire inédite. Plusieurs mesures sont essentielles et s’inspirent directement des principes de médecine de catastrophe (tableau 4). Néanmoins, toutes ces mesures seront inefficaces sans une réponse systémique et coordonnée, incluant les structures privées et publiques en « amont » et en « aval » des urgences. La situation ces prochaines semaines dépendra du maintien ou de l’allégement des mesures de confinement et de l’évolution de l’épidémie dans les populations à risque, en particulier dans les EMS.22
les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article
▪ À l’interface entre l’hôpital et la communauté, les services d’urgences sont en première ligne lors de crise sanitaire et jouent un rôle crucial pour suivre le développement de l’épidémie, identifier les cas, stratifier leur gravité et les orienter dans le système de santé
▪ Les services d’urgences jouent également un rôle « tampon » et protecteur pour les institutions hospitalières en assurant l’identification des cas suspects et leur isolement
▪ La prise en charge aux urgences repose sur l’isolement des cas, la réalisation de frottis nasopharyngé, l’évaluation clinique et radiologique, ainsi que le soutien respiratoire
▪ L’activité clinique des services d’urgences a été marquée par une diminution des admissions pour des admissions pour des cas « non-COVID », impliquant un risque dans le futur d’augmentation des cas de pathologies chroniques décompensées
Les services d’urgences sont en première ligne dans la gestion des cas de COVID-19, qu’il s’agisse du dépistage ou de la prise en charge des cas les plus sévères. La clinique associée au COVID-19 va de symptômes non spécifiques au syndrome de détresse respiratoire aiguë de l’adulte. Le diagnostic repose sur la PCR à partir d’un frottis nasopharyngé et le traitement d’urgence sur l’oxygénothérapie. L’orientation du patient (retour à domicile, hospitalisation, indication aux soins intensifs) est un aspect central de la prise en charge aux urgences. Le passage de la stratégie de reconnaissance systématique des cas potentiels à celle de la mitigation de l’épidémie a impliqué pour les services d’urgences hospitaliers la mise en place de mesures exceptionnelles afin de garantir une capacité d’accueil et d’hospitalisation.
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