Introduction
Durant la pandémie de COVID-19, l’identification précoce des patients suspects d’infection due au SARS-CoV-2, leur isolement, et l’évaluation du risque de complications ont été des enjeux majeurs. Avec l’expérience du nord de l’Italie et du Tessin en février, nos services d’urgences s’attendaient à un afflux important de patients. Face à un grand nombre de cas potentiels, et à une présentation somme toute très polymorphe du COVID-19, les critères de triage usuels à l’admission aux urgences ont nécessité une adaptation (tableau 1). Ces critères avaient une double fonction : d’une part, identifier les patients nécessitant une hospitalisation en raison de symptômes sévères ou pouvant à l’inverse bénéficier d’une évaluation ambulatoire ; et dans le même temps, assurer une sécurité des collaborateurs et des autres patients non COVID en définissant des itinéraires spécifiques sécurisés.
Tableau 1
Tri des patients aux urgences ambulatoires d’Unisanté
Critères de gravité dits « drapeaux rouges », « drapeaux orange » et « facteurs de risque » utilisés pour le tri des patients (version 11 juin 2020).
Ce qu’on sait
- Lors de la prise en charge aiguë de patients suspects de COVID-19, l’isolement respiratoire doit commencer dès l’entrée des urgences et continuer durant toute la prise en charge, jusqu’à la levée complète du doute ou la confirmation du diagnostic.
- La nécessité impérative d’assurer une sécurité optimale des autres patients, des collaborateurs et des institutions au sens large a nécessité durant le mois de mars 2020 cinq à dix fois plus d’isolements que lors des pics de grippes saisonnières.
- En parallèle, durant la même période, l’activité des services d’urgences, en particulier ambulatoire, s’est réduite de 20 à 30 % avec la mise à l’arrêt de la société.
- La mise en place de filières dédiées aux frottis des patients peu symptomatiques et sans critères de risque a permis d’éviter un engorgement des structures d’urgences usuelles.
- Les présentations cliniques peuvent être très diversifiées et souvent peu spécifiques, en particulier chez les personnes âgées.
- Pour les patients avec des symptômes typiques, et avec une forte probabilité prétest, il ne faut pas hésiter à répéter le test en cas de résultat négatif, en maintenant l’isolement et les mesures de protection dans l’intervalle.
- Il faut rester vigilant car les patients atteints de COVID-19 peuvent décompenser rapidement sur le plan respiratoire. Unisanté a instauré à ce titre un suivi à 2, 4 et 8 jours après un frottis nasopharyngé, selon la sévérité et durée des symptômes. 623 personnes ont été suivies, presque entièrement par téléphone.
- Les services d’urgences doivent rester vigilants avec la réapparition de cas depuis mi-juin et l’éventualité d’une nouvelle vague à la rentrée ou durant l’hiver.
Ce qu’on ignore encore
- Est-ce que chaque frottis nasopharyngé devrait être accompagné d’une évaluation des éventuels drapeaux rouges et orange ou d’une consultation médicale ?
- Comment assurer une séparation stricte des flux entre patients potentiellement infectés par SARS-CoV-2 et ceux qui consultent pour d’autres pathologies, tout en permettant une perméabilité entre secteurs ?
- Est-ce que le suivi téléphonique en période de pandémie évite des décompensations dangereuses à domicile ou constitue une forme d’« ingérence médicale » ?
Conflit d’intérêts :
Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.
Implications pratiques
▪ L’utilisation de critères de tri aux urgences permet l’identification des patients suspects d’infections et à risque accru de complications
▪ Notre expérience confirme l’intérêt de se baser sur les signes vitaux, la durée des symptômes, et les éventuels facteurs de risque pour définir le niveau de soins à proposer
▪ La prise en charge de ces patients dans des itinéraires spécifiques permet d’assurer la sécurité des autres patients, ainsi que des collaborateurs de nos institutions