Chapitre 1.15. Le défi de la prise en charge des personnes issues de l’asile

Tout le monde n’est pas égal face au système de santé et les personnes issues de l’asile (les requérants d’asile, réfugiés et personnes déboutées) sont particulièrement à risque de mauvaises prises en charge et d’iniquités en santé. En effet, le contexte social, les différences linguistiques et culturelles, les ressources financières limitées, le manque d’information et la méfiance vis-à-vis des autorités constituent autant de barrières potentielles d’accès au système de santé et à des soins de qualité ¹. Sur mandat de la Confédération, Unisanté a donc décidé d’organiser un symposium romand sur l’équité en santé en lien avec l’asile. Son but est de sensibiliser à une meilleure intégration des requérants d’asile et réfugiés dans notre système de santé et de davantage thémati-ser cette problématique au niveau national. L’équité en santé, longtemps parent pauvre des systèmes de santé et de la recherche, est décrite par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « l’absence de différences évitables ou remédiables entre différents groupes de personnes, qu’ils soient définis selon des critères sociaux, économiques, démographiques ou géographiques ² ». Elle commence cependant à prendre de plus en plus d’importance lors de décisions concernant les politiques de santé ^3-5. En effet, l’efficience et la qualité ne suffisent pas à évaluer correctement les performances d’un système de santé et seule une approche intégrative permettra de limiter les iniquités entre différentes populations ou minorités ⁶. En Suisse également, les préoccupations concernant l’équité en santé se font de plus en plus importantes et les données manquent. L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) a donc décidé de mandater le Centre universitaire de médecine générale et santé publique (Unisanté) afin de renforcer l’enseignement sur cette thématique au niveau romand. Grâce à son département Vulnérabilités et médecine sociale, Unisanté joue un rôle clé d’expertise dans le domaine de l’équité en santé au niveau national ⁷.

C’est dans ce contexte qu’a eu lieu en juin le premier Symposium romand sur l’équité des soins, avec pour thème « L’asile aujourd’hui », mandaté et financé par l’OFSP. Près de deux cent cinquante personnes y ont participé. Une première partie, sous forme de conférence, visait à dresser un panorama descriptif et théorique des questions d’équité en lien avec la migration et l’asile. Animés par des acteurs clés de la prise en charge des personnes requérantes d’asile et réfugiées, différents ateliers ont été organisés afin de discuter des enjeux concernant l’équité en santé liés à une sous-population donnée (femmes, enfants), une situation particulière (prisons, urgences, hébergements) ou un enjeu clinique important (santé mentale). Lors de ces ateliers, trois questions ont été posées aux intervenants afin de cibler les discussions et faire ressortir les éléments essentiels de l’équité en santé en lien avec l’asile : – Quels sont les enjeux en matière d’équité en santé ? – Quelles sont les barrières principales de l’équité en santé ? – Quelles sont les solutions permettant d’améliorer l’équité en santé ? Pour chacune de ces questions, les participants étaient invités à réfléchir sur trois échelles : l’échelle de l’individu, de l’institution et de la société.

Figure 1 .

Assemblée nombreuse lors du Symposium, avec le Pr Patrick Bodenmann à la tribune.

La deuxième partie du Symposium a servi à synthétiser le contenu de ces ateliers afin de ressortir la quintessence des propos recueillis tout au long des discussions. Le principal constat est le suivant : malgré des thématiques variées, de nombreux points communs ont émergé des ateliers, mettant ainsi en lumière les enjeux, solutions et barrières de l’équité en santé chez les personnes issues d’asile dont la langue, le statut socio-économique, l’isolement social, le cadre légal et administratif, la formation du personnel (en particulier des compétences cliniques transculturelles), le financement et la continuité des soins. À ces similitudes s’ajoutent de nombreux enjeux, solutions et barrières spécifiques à une sous-population (le sexisme et les violences sexuelles dont sont victimes les femmes par exemple), une situation sociale (stigmatisation et méconnaissance des personnes incar-cérées) ou un problème de santé (enjeux culturels et linguistiques dans le contexte des maladies psychiques). Le détail complet de cette synthèse est présenté sous forme de tableau (cf. tableau I).

Tableau I.

Synthèse des enjeux, solutions et barrières principaux de l’équité en santé.

La réalisation de tels séminaires permet de réunir les différents acteurs autour de la thématique de l’équité en santé, afin d’échanger, de partager et de synthétiser les principaux enjeux et d’esquisser des pistes de solutions. Un élément clé – également ressorti du Symposium – réside dans la nécessité de la collaboration interprofessionnelle, en particulier dans un domaine comme l’asile, où le cadre légal ou politique est parfois insatisfaisant pour garantir une prise en charge optimale et durable. La tenue d’un tel symposium est donc un outil important de réseautage et de formation de l’ensemble des personnes actives et intéressées à améliorer l’accès et la qualité des soins des personnes issues de l’asile. Certaines conclusions de l’événement se retrouvent dans les travaux menés par les chercheurs canadiens d’Equip Health Care dont le but est de renforcer l’équité au sein du système de santé, en particulier les notions de structures adaptées, de formations spécifiques, de prise en compte des déterminants sociaux de la santé et d’implication du patient ⁸. Le prochain Symposium romand aura lieu en juin 2021. Il se concentrera sur l’équité en santé en lien avec l’orientation sexuelle et l’identité de genre.