ISO 690 Nuber-Champier, A., Voruz, P., Cionca, A., Alcântara, I., J., D., Péron, J., A., Assal, F., Covid long : aspects neurologiques, Rev Med Suisse, 2023/827 (Vol.19), p. 972–974. DOI: 10.53738/REVMED.2023.19.827.972 URL: https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2023/revue-medicale-suisse-827/covid-long-aspects-neurologiques
MLA Nuber-Champier, A., et al. Covid long : aspects neurologiques, Rev Med Suisse, Vol. 19, no. 827, 2023, pp. 972–974.
APA Nuber-Champier, A., Voruz, P., Cionca, A., Alcântara, I., J., D., Péron, J., A., Assal, F. (2023), Covid long : aspects neurologiques, Rev Med Suisse, 19, no. 827, 972–974. https://doi.org/10.53738/REVMED.2023.19.827.972
NLM Nuber-Champier, A., et al.Covid long : aspects neurologiques. Rev Med Suisse. 2023; 19 (827): 972–974.
DOI https://doi.org/10.53738/REVMED.2023.19.827.972
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covid long
17 mai 2023

Covid long : aspects neurologiques

DOI: 10.53738/REVMED.2023.19.827.972

Long COVID : neurological aspects

The study of post-COVID-19 symptomatology revealed a first wave of post-acute (persistence of symptoms less than 3 months) neurocognitive symptoms. However, some of these symptoms worsened, while others improved. To our knowledge, these symptoms may persist for up to 1 to 2 years after infection. The intensity, variability and persistence of neurocognitive symptoms may rise the hypotheses of accelerated neurodegenerative processes, as well as neuropsychiatric and/or genetic vulnerabilities that are still poorly understood. Moreover, the multi-organ manifestations of post-COVID-19 symptoms remind us of the importance of promoting an interdisciplinary perspective at both clinical and fundamental levels. Finally, many social and economic issues parallel to the neuropathological consequences remain to be investigated.

Résumé

L’étude de la symptomatologie post-Covid-19 a permis de mettre en évidence une première vague de symptômes neurocognitifs postaigus (persistance des symptômes inférieurs à 3 mois). Certains se sont aggravés, tandis que d’autres se sont améliorés. Ils peuvent perdurer jusqu’à 1 à 2 ans après l’infection. L’intensité, la variabilité et la persistance des symptômes neurocognitifs pourraient suggérer des hypothèses d’accélération de processus neurodégénératifs et des vulnérabilités neuropsychiatriques et/ou génétiques encore mal comprises. De plus, les manifestations multi-organiques des symptômes post-Covid-19 nous rappellent l’importance de promouvoir une perspective multidisciplinaire sur les plans clinique et fondamental. Finalement, de nombreuses questions sociales et économiques parallèles aux conséquences neuropathologiques restent à investiguer.

Introduction

La phase aiguë du Covid-19 a laissé apparaître diverses physiopathologies1 et des conséquences postaiguës impliquant des dysfonctions dans de multiples organes.2 Ainsi, les conséquences inflammatoires et/ou neurotrophiques du SARS-CoV-21 ont laissé place, dans la phase postaiguë (persistance de symptômes inférieurs à 3 mois), à des symptomatologies variées et, notamment, des troubles cognitifs, psychiatriques et neurologiques.3-6 Ces mêmes troubles neurocognitifs et émotionnels persistent chez certains patients et cela des années après l’infection.7 Cet article revient sur les conséquences neurocognitives à long terme issus du syndrome post-Covid-19 (persistance des symptômes plus de 3 mois après le Covid-19) et les distinctions phénotypiques pouvant en résulter. Finalement, nous abordons les questions d’avenir concernant des hypothèses d’accélération du vieillissement cérébral, de vulnérabilité neuropsychiatrique encore mal comprises et les facteurs socio-économiques associés au syndrome post-Covid-19.

Syndrome post-covid-19 neurologique

Conséquences neurocognitives et neurologiques

À long terme, certaines conséquences neurocognitives observées en phase postaiguë persistent. Plus spécifiquement, Voruz et de Alcântara4 démontrent que les populations hospitalisées en phase aiguë avaient des scores cognitifs significativement plus déficitaires concernant la mémoire et les fonctions exécutives par rapport à une population normative, 6 à 9 mois après l’infection. De plus, Douaud, Lee8 ont mis en évidence des changements structurels de la matière grise, principalement au niveau des structures appartenant au système limbique. Ces troubles cognitifs et changements structurels sont souvent accompagnés de manifestations neurologiques telles que des neuropathies, une fatigue et des troubles du sommeil.3 Toutefois, l’ensemble des séquelles neurocognitives observées reste très hétérogène dans la population. C’est pourquoi, une discrimination de sous-groupes de patients présentant des phénotypes similaires est actuellement recherchée.

Phénotypes du syndrome post-Covid-19 neurologique

En réponse à ces symptomatologies persistantes, l’étude de ces dernières a permis la distinction de phénotypes neurocognitifs spécifiques. En effet, plus que la sévérité de la forme respiratoire en phase aiguë, des travaux démontrent que c’est la conscience des troubles cognitifs 6 à 9 mois après infection qui discrimine le mieux les phénotypes cliniques.9 À l’une des extrémités du spectre, des profils de personnes anosognosiques ont été observés, ces dernières présentent une symptomatologie relativement similaire à celle de la maladie d’Alzheimer, associant des troubles du stockage en mémoire épisodique, des troubles émotionnels et une anosognosie des troubles mnésiques.9 À l’autre extrémité de ce spectre, on identifie des profils de personnes « hypernosognosiques » avec de nombreuses plaintes cognitives, des scores psychiatriques élevés (notamment d’anxiété et de dépression, auto-évalués), en regard de troubles objectifs de relativement basse intensité.

Sur la base de ces observations, des travaux ont cherché à identifier les marqueurs prédictifs de ces phénotypes cliniques. Certaines études les ont reliés à des variations de l’immunité innée, démontrant, par exemple, une augmentation du taux de monocytes en phase aiguë chez les personnes anosognosiques comparativement aux autres profils neurocognitifs.10 D’autres auteurs mettent en évidence des phénotypes distincts selon l’atteinte physique et mentale.7 Les auteurs sont parvenus à mettre en évidence 4 phénotypes de symptômes post-Covid-19 en combinant les atteintes cognitives (par exemple, troubles de la mémoire) avec des troubles organiques multisystémiques (par exemple, anomalies pulmonaires). Plus spécifiquement, d’autres auteurs font état de phénotypes cognitifs caractérisés par des difficultés mnésiques, attentionnelles et exécutives parallèles à des atteintes organiques multisystémiques.1,2 Des hypothèses de dysfonctionnement vasculaire ou encore de latence virale11 sont également à l’étude afin de caractériser les risques de symptômes à long terme dans l’ensemble de la population. Finalement, le caractère persistant des symptomatologies neurologiques, cognitives et psychiatriques et, en particulier, la proximité du phénotype des patients anosognosiques de leurs troubles cognitifs avec des profils neurodégénératifs de type maladie d’Alzheimer, a laissé émerger des hypothèses d’accélération du vieillissement cérébral.12,13

Possibles effets à très long terme

Les conséquences à long terme, voire à très long terme sur le cerveau, en particulier sur le vieillissement de celui-ci, suite au Covid-19, font l’objet d’intenses recherches. En effet, de nombreuses études font l’hypothèse de l’accélération de processus neurodégénératifs suite à l’infection virale.12,13 Certains auteurs mettent en évidence des signatures moléculaires de l’accélération du vieillissement cérébral,13 tandis que d’autres observent des symptomatologies cognitives et comportementales proches de celles observées dans certaines pathologies neurodégénératives.9,10 De récents travaux mettent en évidence l’importance de considérer des infections virales sévères telles que la grippe, la pneumonie ou le zona dans les risques associés au développement de pathologies neurodégénératives.12

Finalement, les examens neurologique, neuropsychologique et psychiatrique ne permettent pas de mesurer l’entièreté du syndrome post-Covid-19, mais ils restent des mesures fragmentées d’un syndrome multisystémique complexe, parallèle à des vulnérabilités préexistantes associées à de multiples comorbidités. Toutefois, la fatigue surtout, l’anxiété, les troubles du sommeil et parfois les céphalées persistantes sont des facteurs importants à prendre en compte.

Impact sur la qualité de vie et les données socio-économiques

Les répercussions des symptômes issus du syndrome post-Covid-19 ne sont pas uniquement observables d’un point de vue sémiologique à l’échelle individuelle, mais également aux niveaux social et économique. Comme le souligne Nehme, Braillard14 la chronicisation des symptômes post-Covid-19 entraîne une diminution de la qualité de vie, une augmentation des difficultés dans les activités quotidiennes et une forte nécessité envers les institutions de santé 7 à 15 mois après l’infection. De plus, selon les auteurs, les difficultés cognitives semblent être associées à la chronicisation des symptômes à long terme. En ce qui concerne l’impact économique, les premières études d’estimation sur un modèle américain évaluent que pour 5 à 20 % des personnes présentant un syndrome post-Covid-19, le coût économique annuel serait estimé aux alentours de 600 milliards de dollars.15 Toutefois, ce constat préliminaire ne considère pas l’ensemble des coûts et n’estime pas au-delà de 20 % les personnes souffrant de syndrome post-Covid-19. Il semble donc crucial d’évaluer l’impact social humain et économique dans notre société afin d’être en mesure de répondre aux multiples problématiques pouvant survenir à l’avenir.

Conclusion

Le Covid-19 a engendré, de la phase aiguë à la phase chronique, des répercussions physiopathologiques multisystémiques avec, notamment, un impact significatif sur les aspects neurologiques, cognitifs et psychiatriques. Les comorbidités et les fragilités intrinsèques (par exemple, physiologiques et sociales) laissent émerger de nombreux phénotypes cliniques à long terme. Ainsi, la caractérisation de ces différents profils et les suivis pluridisciplinaires médical et social semblent essentiels dans les futures prises en charge des patients présentant des symptômes neurocognitifs issus du syndrome post-Covid-19.

Conflit d’intérêts :

Les auteurs n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

Implications pratiques

• Les symptômes neurocognitifs post-Covid-19 peuvent perdurer à notre connaissance au moins un an après l’infection.

• En plus des symptômes cognitifs, la fatigue, les troubles du sommeil, l’anxiété et les céphalées sont des éléments importants dont il faut tenir compte, expliquant des répercussions fonctionnelles hétérogènes.

• Il est nécessaire de considérer l’existence de différents phénotypes symptomatologiques parallèlement à des difficultés préexistantes. Concernant l’avenir, l’impact du syndrome post-Covid-19 en tant que facteur de vulnérabilité pour le développement de pathologies neurodégénératives, ainsi que les répercussions sociales et économiques restent à investiguer.

Auteurs

Anthony Nuber-Champier

Laboratoire de neuropsychologie clinique et expérimentale, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève
1211 Genève 4
anthony.nuber@unige.ch

Unité de neurologie cognitive, Service de neurologie, Hôpitaux universitaires de Genève
1211 Genève 14
anthony.nuber@unige.ch

Philippe Voruz

Laboratoire de neuropsychologie clinique et expérimentale, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève
1211 Genève 4
philippe.voruz@unige.ch

Unité de neurologie cognitive, Service de neurologie, Hôpitaux universitaires de Genève
1211 Genève 14
philippe.voruz@unige.ch

Faculté de médecine, Université de Genève
1211 Genève 4
philippe.voruz@unige.ch

Alexandre Cionca

Laboratoire de neuropsychologie clinique et expérimentale, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève
1211 Genève 4
alexandre.cionca@unige.ch

Isabele Jacot De Alcântara

Laboratoire de neuropsychologie clinique et expérimentale, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève
1211 Genève 4
isabele.jacotdealcantara@unige.ch

Julie Anne Péron

Laboratoire de neuropsychologie clinique et expérimentale, Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation, Université de Genève
1211 Genève 4
julie.peron@unige.ch

Unité de neurologie cognitive, Service de neurologie, Hôpitaux universitaires de Genève
1211 Genève 14
julie.peron@unige.ch

Frédéric Assal

Service de neurologie, Département de neurosciences cliniques, Hôpitaux universitaires de Genève et Faculté de médecine, Université de Genève
1211 Genève 4
frederic.assal@hug.ch

Centre de la mémoire, Département de réhabilitation et gériatrie, Hôpitaux universitaires de Genève
1211 Genève 14
frederic.assal@hug.ch