L'insuffisance cardiaque reste un problème majeur. La spironolactone est une adjonction bienvenue à l'association de diurétiques, inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) et digitaliques. Les bêta-bloquants semblent améliorer le pronostic. Les antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II prennent une place de choix aux côtés des IEC. Le rôle favo-de l'entraînement physique ne doit pas être négligé.Les nouveaux antiplaquettaires sont plus puissants que l'aspirine. La ticlopidine a été remplacée,en raison de ses effets secondaires, par le clopidogrel. Ce dernier est donc utilisé aujourd'hui après implantation de stents coronariens et chez les patients qui ne supportent pas l'aspirine. Les héparines à bas poids moléculaire doivent remplacer l'héparine standard pour le traitement des syndromes coronariens aigus. Les statines occupent une place croissante dans la prévention secondaire de la maladie corona-rienne.
Il n'y a pas eu récemment de progrès révolutionnaire dans le traitement de l'insuffisance cardiaque. Une meilleure approche thérapeutique a cependant été développée face à l'une des principales causes actuelles de morbidité et de mortalité.
L'association diurétiques-inhibiteurs de l'enzyme de conversion-digitaliques reste la base du traitement de l'insuffisance cardiaque. Les antagonistes de l'aldostérone étaient peu utilisés pour le traitement moderne de l'insuffisance cardiaque. On pensait en effet que les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC) suffisaient à supprimer la formation d'aldostérone (ce qui s'est révélé inexact) et que l'utilisation combinée des deux classes de médicaments risquait d'induire une hyperkaliémie sévère. L'étude multicentrique RALES (Randomized aldactone evaluation study)1 a été consacrée à l'effet dans l'insuffisance cardiaque de la spironolactone (Aldactone®), antagoniste des récepteurs de l'aldostérone. Elle a porté sur près de 1700 patients avec insuffisance cardiaque sévère (NYHA stade III ou IV). La grande majorité d'entre eux prenaient un diurétique de l'anse, un inhibiteur de l'enzyme de conversion et de la digitale. Deux groupes ont été constitués : l'un prenant, en plus du traitement de base, un placebo, l'autre de la spironolactone (en général 25 mg par jour). L'étude a été interrompue de manière prématurée pour des raisons éthiques en raison d'une diminution significative de la mortalité dans le groupe spironolactone. Au cours des 24 mois de durée d'observation moyenne par patient, il y a eu 386/841 décès (46%) dans le groupe placebo et 284/822 (35%) dans le groupe spironolactone, soit une réduction du risque de 30%.
L'étude RALES1 sur la spironolactone représente ainsi un progrès important pour le traitement de l'insuffisance cardiaque, même s'il ne s'agit là que d'une étude isolée, et si «le matraquage» publicitaire utilisé à cette occasion peut paraître excessif.
Il est bien établi maintenant que les bêta-bloquants ou en tout cas certains d'entre eux (bisoprolol, carvedilol, métoprolol, propranolol, timolol) peuvent améliorer le pronostic de l'insuffisance cardiaque. Il n'en reste pas moins qu'il s'agit là d'un traitement potentiellement dangereux qui ne peut être administré sans discernement à tous les patients et qui doit être prescrit à doses initialement très faibles et progressivement croissantes. Les recommandations adoptées en Italie visent à proposer ce traitement aux patients avec insuffisance cardiaque congestive, atteinte myocardique de n'importe quelle origine, fraction d'éjection inférieure à 40%, classe de la NYHA II-III et cliniquement stables sous inhibiteurs de l'enzyme de conversion, diurétiques et digitales. Les contre-indications proposées sont la maladie pulmonaire obstructive chronique sévère, le bloc auriculo-ventriculaire du 1er degré sévère (PQ > 0,28 sec), le bloc auriculo-ventriculaire du 2e degré (Mobitz II ou de degré avancé), les patients traités par des médicaments isotropes intraveineux, une fréquence cardiaque
Deux études viennent d'apporter une nouvelle contribution au rôle bénéfique des bêta-bloquants dans l'insuffisance cardiaque en montrant une amélioration de la survie. Il s'agit de l'étude CIBIS-II2 réalisée avec le bisoprolol (Concor®) et l'étude MERIT-HF3 réalisée avec le loprésor (Beloc® dans ce travail). L'étude MERIT-HF (métoprolol CR/XL randomized intervention trial in congestive heart failure)3 a porté sur près de 4000 patients avec insuffisance cardiaque chronique (NYHA classe III-IV) et fraction d'éjection ¾ 40%, stabilisés par un traitement standard optimal. Après randomisation, la moitié des patients a reçu un placebo et l'autre du métoprolol retard (Beloc® dans cette étude) en commençant avec 12,5 ou 25 mg par jour, le but étant d'atteindre après huit semaines 200 mg en une prise quotidienne. L'étude a été interrompue sur recommandation du Comité d'éthique après un an en moyenne, car la mortalité a été significativement plus basse dans le groupe métoprolol (7,2% par patient/année de follow-up) que dans le groupe placebo (11%).
Quant à l'étude comparant le métoprolol et le carvedilol,l4 elle n'a pas montré de différence significative dans les résultats à long terme.
L'efficacité des inhibiteurs de l'enzyme de con-version dans le traitement de l'insuffisance cardiaque est bien connue. Les résultats à long ter-me de l'étude CONSENSUS I viennent d'être publiés.5 Il s'agissait de patients avec insuffisance cardiaque sévère (NYHA IV) traités par énalapril (Reniten®) ou par placebo. Le follow-up à dix ans montre le maintien à long terme de l'amélioration symptomatique due à l'énalapril. Quant à la survie, elle a été prolongée en moyenne de 50% (781 jours vs 521).
L'utilisation des antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II dans l'insuffisance cardiaque est de plus en plus répandue et les bons résultats hémodynamiques en sont maintenant démontrés.6 Ils sont bien sûr très utiles en cas d'effets secondaires des inhibiteurs de l'enzyme de con-version (toux surtout). Leur efficacité est probablement comparable à celle des inhibiteurs de l'enzyme de conversion, mais il faut noter qu'il n'y a pas encore de publication prouvant leur efficacité sur la diminution de la mortalité. Dans la mesure où les deux classes de médicaments ne sont pas identiques, il existe des arguments théoriques pour leur utilisation combinée : cette combinaison peut être utilisée aujourd'hui dans l'insuffisance cardiaque réfractaire mais l'efficacité n'en est pas prouvée pour le moment.
Rappelons enfin l'importance de l'entraînement physique chez les insuffisants cardiaques. Considéré autrefois comme dangereux, un tel entraînement est appliqué aujourd'hui dans le cadre de programmes de réadaptation ambulatoires ou institutionnalisés. Le but principal est bien sûr de tenter d'améliorer l'aptitude physique et la qualité de vie. Une étude italienne randomisée7 a comparé l'évolution de deux groupes d'insuffisants cardiaques stables, l'un sans entraînement physique, l'autre avec (3 x 1 h par semaine pendant huit semaines puis 2 x par semaine pendant un an). Cette étude a montré que l'entraînement physique des insuffisants cardiaques améliore la capacité fonctionnelle, la consommation maximale d'O2, la perfusion myocardique et la qualité de vie et tend à diminuer les réhospitalisations et la mortalité cardiovasculaire.
La prévalence de l'insuffisance cardiaque augmente dans les pays industrialisés en raison du vieillissement de la population. En dépit des progrès réalisés, la morbidité et la mortalité de l'insuffisance cardiaque restent très importantes. De nombreuses autres possibilités thérapeutiques sont à l'étude : nouveaux médicaments inotropes positifs et vasodilatateurs (utilisés par voie intraveineuse ou orale), pacing, assistance circulatoire temporaire, chirurgie, promotion de l'angiogenèse. Les progrès thérapeutiques vont certainement se poursuivre. Mais le progrès principal consistera sans doute en une meilleure prévention de l'insuffisance cardiaque par une amélioration de la prévention et du traitement de la maladie coronarienne et de l'hypertension.
La ticlopidine (Ticlid®) avait constitué un important progrès par rapport à l'as-pirine, mais ses effets secondaires (neutropénie, agranulocytose, thrombocytopénie) en limitaient l'emploi. L'introduction du clopidogrel (Iscover®, Plavix®), un nouvel antagoniste sélectif des récepteurs de l'ADP qui inhibe l'agrégation plaquettaire, est donc particulièrement bienvenue. Ses effets secondaires sont en effet rares, des contrôles sanguins ne sont pas nécessaires et l'administration en est simple (un comprimé par jour). L'étude CAPRIE (Clopidogrel vs aspirin in patients at risk of ischemic events)8 avait démontré la supériorité du clopidogrel sur l'aspirine pour la prévention des récidives chez des patients avec antécédents récents d'accident vasculaire cérébral, d'infarctus myocardique ou d'artériopathie périphérique.
L'étude CLASSICS (Clopidogrel aspirin stent international cooperative study) dont les résultats ont été présentés en 1999 à la réunion annuelle de l'American college of cardiology, est une grande étude multicentrique comparant, après implantation de stents coronariens, l'efficacité de l'adjonction à l'aspirine, du clopidogrel ou de la ticlopidine. L'efficacité des deux médicaments semble identique mais les effets secondaires et par conséquent l'incidence d'ar-rêt du traitement ont été beaucoup plus faibles avec le clopidogrel. Le traitement anticoagulant ayant été abandonné, l'association de clopidogrel et d'aspirine constitue aujourd'hui le trai-tement initial standard après implantation d'un stent coronarien. Le clopidogrel est également indiqué chez les patients vasculaires à hauts risques et chez ceux qui ne supportent pas l'as-pirine, mais son coût élevé en empêche par ailleurs l'utilisation systématique.
L'étude TIMI 11B,9 portant sur près de 4000 patients, a confirmé les avantages des héparines de bas poids moléculaire (héparines fractionnées) pour le traitement des syndromes coronariens aigus (angor instable et infarctus non-Q). L'énoxaparine (Cle-xane®) s'est en effet révélée plus efficace que l'héparine standard (non fractionnée) intraveineuse en ce qui concerne les décès et les accidents cardiaques ischémiques, sans augmentation significative du taux d'hémorragie sévère. La méta-analyse combinant les études TIMI 11B et ESSENCE,10 basées toutes deux sur l'énoxaparine, montre que les héparines de bas poids moléculaire permettent de diminuer d'environ 20% les décès et les accidents cardiaques ischémiques sévères par rapport à l'héparine non fractionnée. Compte tenu de la simplicité de l'administration sous-cutanée, de l'absence de nécessité de contrôles de laboratoire, de l'efficacité du traitement et de la diminution des coûts, l'héparine de bas poids moléculaire constitue aujour-d'hui le traitement antithrombinique de choix
dans les syndromes coronariens aigus.
Les études qui ont montré ces dernières années l'efficacité des inhibiteurs des récepteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa dans les syndromes coronariens aigus, en particulier en cas d'élévation de la troponine, reposaient sur l'association avec l'héparine non fractionnée. Les résultats de l'association avec les héparines à bas poids moléculaire ne sont donc pas encore connus.
Les arguments en faveur d'une utilisation quasi systématique des statines en prévention secondaire, en particulier après infarctus du myocarde, même si les taux de cholestérol paraissent «normaux», continuent à s'accumuler.
L'étude «Atorvastatin vs revascularization treatment»11 a randomisé des patients ayant une maladie coronarienne stable, une fonction systolique ventriculaire gauche relativement normale et un cholestérol LDL >= 3 mmol/l en deux groupes : l'un était traité en moyenne par 80 mg d'atorvastatine (Sortis®) par jour, l'autre par une angioplastie suivie des traitements habituels. Au terme d'un suivi de 18 mois, 21% des patients du groupe angioplastie et 13% des patients du groupe atorvastatine ont eu un événement ischémi-que, soit une baisse (pas tout à fait statistiquement significative) de 36%. Les auteurs concluent prudemment que chez les patients à ris-que faible avec maladie coronarienne stable, un traitement hypolipémiant est «au moins aussi efficace» qu'une angioplastie.
Il est évident que cette étude, qui ne porte que sur quelques centaines de patients, ne résout pas tous les problèmes qu'elle pose. Mais elle ouvre de nouvelles perspectives pour le traitement de certains groupes de coronariens, traitement basé sur une approche médicamenteuse coûteuse mais efficace.