Pour les troubles fonctionnels digestifs, la principale acquisition thérapeutique de l'année est l'inefficacité, définitivement démontrée, de l'éradication d'Helicobacter pylori chez les patients dyspeptiques, indépendamment du symptôme dominant.
L'endoscopie est justifiée à notre avis chez les sujets avec symptômes chroniques de reflux et nécessitant un traitement au long cours, quel que soit leur âge, pour rechercher une éventuelle métaplasie dans la muqueuse de l'sophage distal (Barrett) et, dans le but de prévenir l'adénocarcinome de l'sophage.1 Elle est également indiquée en cas de symptômes d'alarme (dysphagie, saignement, perte pondérale, douleurs rétrosternales), en cas de symptômes ORL évocateurs de reflux (toux chronique, dyspnée nocturne non expliquée, enrouement chronique) et en cas de non-réponse au traitement d'épreuve.2
Les mesures générales et diététiques qui pourraient améliorer les symptômes de reflux sont, sur la base de travaux antérieurs (en général peu convaincants) : la surélévation de la tête du lit, la perte d'un excès pondéral, la suppression des aliments (en particulier les graisses, la caféine et l'alcool) et de la nicotine qui relâchent le tonus du sphincter sophagien inférieur, le fractionnement des repas, la suppression des boissons citriques et gazeuses.
Les antacides et l'acide alginique sont plus efficaces que le placebo.2
Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) (oméprazole, lanzoprazole, pantoprazole et rabéprazole) constituent le traitement de choix en cas de symptômes de reflux sévères et ont une efficacité supérieure à celle des anti-H2.3,4 Le traitement optimal en cas de reflux chronique consiste en une prescription intermittente «à la demande» lors de la récidive des symptômes ; en fait, les sujets ainsi traités prennent leur IPP deux jours sur trois en moyenne.5
Le cisapride peut provoquer de graves trou-bles du rythme cardiaque dans un certain nombre de situations où la prudence s'impose : association avec d'autres médicaments (inhibiteur du cytochrome 3A4, antimycosiques azolés, antibiotiques macrolides, antiprotéases VIH notamment) ou entraînant un allongement de l'intervalle QT (comme certains antiarythmiques, neuroleptiques et antidépresseurs) ; situations à risque sur le plan cardiaque (hypokaliémie, hypomagnésémie, QT allongé, affection cardiaque sérieuse).6 Le médicament n'est pas supérieur aux antisécréteurs et ne nous paraît donc indiqué que dans certaines situations particulières (présence de nausées et de constipation associées).
L'éradication d'Helicobacter pylori (Hp) peut entraîner l'apparition d'une symptomatologie de reflux chez environ un tiers des sujets pendant un suivi de douze mois7 et une sophagite, surtout en présence d'une hernie hiatale et d'une gastrite du corps marquée.8 Cet effet négatif de l'éradication d'Hp n'est cependant pas retrouvé dans d'autres séries.9,10Cette éradication n'est donc pas recommandée en cas de reflux.
La nifédipine (10 à 20 mg avant les repas) est efficace chez un petit nombre de patients sélectionnés (diamètre de l'sophage inférieur à 5 cm, bonne réponse manométrique aux médicaments), 25% environ ayant poursuivi ce traitement à long terme.11
L'injection de toxine botulinique (Botox ®) dans le sphincter inférieur est moins efficace que la dilatation pneumatique (DP) dans les deux études randomisées comparant ces traitements.12,13 La durée moyenne de l'effet après une seule série d'injections est de sept mois.14 Au fil des années, l'avantage de la DP sur Botox ® sem-ble s'accentuer.15 Finalement, Botox ® semble rendre une myotomie laparoscopique ultérieure plus difficile.16 Les coûts de Botox ® sont plus élevés que ceux de la DP.17
La dilatation pneumatique (DP) donne de bons résultats à long terme chez 85% des patients suivis pendant six ans et demi en moyenne.18 Une baisse de la pression du sphincter sophagien inférieur à la manométrie post-dilatation de plus de 17 mmHg ou de plus de 40% constitue un facteur de bon pronostic.19 Le risque de perforation de la DP est d'environ 4%.
La myotomie selon Heller est de plus en plus pratiquée par voie laparoscopique avec des résultats comparables à ceux de la chirurgie ouverte.20 A long terme, les résultats de la chirurgie sont meilleurs que ceux de la DP.21
Le reflux gastro-sophagienchronique nécessite un examen gastroscopique. Si les antacides associés aux mesures générales sont insuffisants, le traitement repose sur les IPP. En présence d'Helicobacter pylori dans l'estomac, l'éradication peut provoquer une sophagite et n'est donc en règle générale pas recommandée.
Avec le recul croissant, il apparaît que les injections intrasphinctériennes de toxine botulinique donnent des résultats nettement moins bons que la DP. Comme cette dernière comporte un risque non négligeable de perforation, les injections peuvent néanmoins être recommandées comme traitement de première intention chez les patients de plus de 50 ans. En cas d'échec de ces deux méthodes, la myotomie selon Heller (sans fundoplication) par voie laparoscopique constitue l'option de choix.
Des préparations à base de plantes se sont avérées supérieures au placebo dans deux études portant sur quatre semaines ; l'une est composée d'un mélange d'huile de menthe et d'huile de caraway,22 l'autre d'un mélange de plantes (Iberogast ®).23
L'oméprazole est plus efficace que le placebo24,25 et que la ranitidine25 dans la DF dans trois grandes études incluant au total 2064 patients. La dose de 10 mg semble être moins efficace que celle de 20 mg et le traitement par IPP plus efficace chez les patients, infectés par Hp que chez les sujets non infectés.27
L'éradication d'Hp n'apporte un avantage à long terme que dans l'une des quatre grandes études (tableau 1) respectant les critères de qualités indispensables et dans cette étude26 la réponse au placebo est inhabituellement basse. Une méta-analyse de ces quatre études montre que le gain obtenu par l'éradication est cliniquement minime et statistiquement non significatif.30 Par contre, une méta-analyse avec inclusion non critique d'études incorrectement sélectionnées parvient à la conclusion à notre avis erronée d'une relation entre Hp et DF.31 Une revue de la relation entre Hp et DF sur les plans physiopathologique, épidémiologique et thérapeutique a été publiée.32
L'approche du patient avec symptômes dyspeptiques non investigués reste controversée. Une réunion d'experts internationaux a élaboré récemment des directives.33 Le premier objectif en présence d'un patient dyspeptique est de rechercher les symptômes d'alarme (tableau 2). En l'absence de tels symptômes et chez les sujets «jeu-nes», (la limite d'âge pouvant être arbitrairement fixée à 40 ans), plusieurs stratégies sont possibles ; les plus fréquemment discutées sont les suivantes :
Traitement symptomatique «à la demande» (antacides, anti-H2, prokinétiques, IPP).
Test sérologique d'Hp et endoscopie des sujets positifs.
Test sérologique d'Hp et éradication des sujets positifs.
Endoscopie immédiate.
La première option a pour effet que des patients ulcéreux ne sont pas traités de manière adéquate ; les récidives seront fréquentes et le caractère économique de cette attitude n'est pas démontré.
Dans la deuxième option, les sujets négatifs n'ont qu'une chance minime d'être porteur d'un ulcère et sont traités symptomatiquement. Chez les sujets positifs, 40% ont un ulcère bulbaire, 13% un ulcère gastrique et 12% une sophagite.34 Dans les régions avec une prévalence d'Hp élevée, cette stratégie entraîne une grande demande d'endoscopies.
Dans la troisième option, les sujets positifs reçoivent un traitement éradicateur et les sujets négatifs un traitement empirique. Comme dans les deux premières options, l'endoscopie n'est ici souvent que retardée ;35 quant aux patients positifs, un nombre appréciable est éradiqué sans bénéfice certain.
Pour ce qui concerne la quatrième option, elle est sûrement la moins économique mais l'endoscopie a un effet rassurant et donc thérapeutique chez nombre de patients.36 Elle peut diminuer la consommation de médicaments et les consultations médicales.37,38
A notre avis, il faut donc s'abstenir de directives rigides et choisir le moment opportun pour effectuer la gastroscopie en fonction d'une appréciation globale du patient et en tenant compte de la durée et de l'intensité de ses symptômes, de sa qualité de vie et de son niveau d'anxiété.
Des préparations à base de plantes pourraient venir s'ajouter aux médicaments «classiques» dans le traitement de la DF. L'oméprazole est plus efficace que le placebo ou la ranitidine chez les patients avec DF. L'éradication d'Hp n'est pas justifiée chez les patients avec DF et endoscopie normale. Nous ne recommandons pas la stratégie d'éradiquer Hp sans endoscopie préalable chez les sujets présentant des symptômes dyspeptiques.
Les recommandations qui sont habituellement faites aux patients constipés qui se plaignent de selles rares et dures sont : buvez plus, bougez plus et mangez plus de fibres. La consommation accrue de liquides isotoniques ou hypotoniques ne modifie pas le poids des selles de volontaires sains.39 La pratique d'une activité physique régulière ne modifie pas la constipation des patients constipés.40 Si les patients constipés mangent à calories égales relativement moins de fibres (10 versus 7 grammes/jour) ils produisent significativement beaucoup moins de matières fécales par semaine (590 versus 150 grammes/semaine).41 Quel est le rôle de la flore intestinale ? Une des conséquences possibles pourrait être d'encourager la surconsommation de fibres.
Le polyéthylène glycol à faible dose (dernier laxatif doux promu sur le marché) a été comparé au lactulose.42 Il semble plus efficace et mieux toléré. L'utilisation chronique n'entraîne pas d'effets secondaires après trois mois.
L'automassage abdominal, par rotations horaires d'une balle de tennis, peut soulager certains patients.43
Le biofeedback n'a pas permis, dans une étu-de, de guérir la constipation terminale des fem-mes qui avaient eu un accouchement par voie basse et présentaient un défaut de relaxation de la sangle pubo-rectale à la défécographie.44 Le périnée descendant de plus de 4 cm semble un mauvais facteur pronostique.45 Ces résultats en contradiction avec de nombreuses études antérieures46 témoignent de la variabilité du succès de la méthode selon les équipes (mode de sélection, prise en charge et motivation des patients).
En cas de pseudo-obstruction colique aiguë (syndrome d'Olgivie), avant la coloscopie de décompression, on peut, si l'état cardiovasculaire du patient le permet, tenter une stimulation parasympathique par de la néostigmine 2 mg i.v.47,48
Le recours à la chirurgie pour traiter la constipation invalidante réfractaire peut être envisagé, lorsque tous les moyens médicaux ont échoué. Deux nouvelles stratégies, moins mutilantes, l'appendicocæcostomie (dite de Malone) ou la mise en place d'une stomie transverse sans colectomie, permettent de procéder à des lavements antérogrades pour obtenir une vidange colique tant chez les patients constipés qu'incontinents. Chez l'enfant, l'opération de Malone se pratique depuis environ dix ans. Le taux de succès est de 50 à 80% selon l'indication.49,50,51 Chez l'adulte, cette technique permet des résultats initiaux comparables.52 L'alternative est la mise en place d'un conduit colique en position transverse, nettement plus efficace qu'en position sigmoïdienne (70% de succès versus 30%).53
Si après changements d'habitude de vie, prescription de mucilages, de laxatifs osmotiques, de polyéthylène glycol, de biofeedback, d'huile minérale, de laxatifs salins et irritants, la constipation invalidante persiste, on peut envisager une intervention chirurgicale. Après évaluation physiologique complète, on peut probablement obtenir des résultats significatifs chez bon nombre de patients, sans procéder à une amputation digestive, par mise en place de stomie permettant de réaliser des lavements antérogrades.
Le SII se répartit cliniquement en trois groupes : les patients avec principalement des douleurs, des diarrhées ou de la constipation. Les douleurs, qu'on retrouve dans tous les groupes, sont les plus difficiles à soulager.
L'intolérance au lactose ou la cliakie peuvent mimer le SII.54,55
La polémique sur l'importance de la flore bactérienne dans la genèse du SII demeure.56,57,58
La prise en charge globale des patients en recommandant un comportement plus favorable à un bon état de santé (nutrition, exercice physique, gestion du stress) peut diminuer les symptômes de SII.59
Les antidépresseurs sont d'un usage plus fréquent pour le SII aux Etats-Unis qu'en Europe. Leur efficacité est reconnue.60 Les tricycliques semblent ralentir le transit, les agents sérotoninergiques plutôt l'accélérer.
Les substances qui agissent sur les voies sérotoninergiques font encore l'objet de nouvelles publications. On tend à utiliser les agonistes de la 5-hydroxytryptamine 4 (5HT4) (prucalopride, tégasérod) chez les patients constipés et les antagonistes de la 5HT3 (alosétron) chez les patients diarrhéiques. Le tégasérod 4 mg ou 12 mg/j comparé au placebo permet une réduction de 20% du nombre de jours avec douleurs.61,62 Il augmente la fréquence des selles.62 Ce produit doit prochainement être commercialisé. La campagne de promotion dont il est l'objet (présentation aux milieux économiques, tapage médiatique dans la presse non médicale)63 avant la commercialisation, malgré un faible gain thérapeutique, témoigne des risques de dérive éthique qui menacent le monde scientifique lorsque les intérêts économiques prennent le dessus. Le public réclame déjà cette substance avant son enregistrement. Le nom protégé en est déjà divulgué (Zelmac).63 Les responsables du marketing omettent de dire qu'il ne s'agit peut-être que d'un laxatif supplémentaire. Après la tendance, par la pratique des médicaments «over the counter», à court-circuiter les pharmacies, la stratégie des producteurs pharmaceutiques est de vouloir mettre les prescripteurs sous pression. Le coût du produit n'est pas encore connu. Il est exceptionnel que les nouvelles substances soient moins chères que les anciennes. On relèvera que la substance a été testée chez environ 2500 personnes pour une durée maximale de douze mois.64,65 Le prucalopride semble se profiler comme un laxatif.66,67 L'alosétron améliore significativement la qualité de vie des patients diarrhéiques.68
Le dexloxiglumide, un antagoniste de la CCK, s'avère plus efficace que le placebo chez les patients avec SII sans diarrhées (60% vs 42% de réponse positive). On ne connaît pas encore les effets à long terme de cette substance.69
Deux études à double insu démontrent la supériorité, vis-à-vis du placebo, de préparations phytothérapeutiques tibétaine, Padma 179,70 ou chinoise.71
Les produits à base de menthe ont été évalués dans une méta-analyse.72 Leur efficacité est partielle. La qualité scientifique des études cliniques est faible, rendant des conclusions définitives aléatoires.
Pour les femmes préménopausées, fortement handicapées par le SII, après échec des autres traitements, on pourrait tenter en dernier ressort, une hormonothérapie par gonadotropine.73
L'hypnothérapie pratiquée avec un enregistreur est moins rentable (56% versus 76% des résultats positifs) qu'avec un hypnothérapeute.74 Elle permet une économie de moyens et probablement une sélection de patients nécessitant une prise en charge individuelle. Le bénéfice de ce traitement dépasse la sphère digestive75 mais nécessite une prise en charge à long terme.76
La prise en charge initiale globale et le soutien psychologique sont les premières étapes du traitement du SII. Si, selon les symptômes dominants, les mucilages (constipation), lopéramide (diarrhées) ou spasmolytiques (douleurs) échouent, on tentera la prescription d'un antidépresseur, indépendamment de l'état psychique du patient. L'hypnothérapie, la psychothérapie ou l'hormonothérapie seront proposées aux échecs des étapes précédentes. Les substances qui agissent sur la 5HT soulagent les symptômes de certains patients. Les évidences scientifiques de la supériorité de ces substances sur les traitements actuels manquent cruellement.