La sexologie doit-elle à tout prix s'aligner sur les caractéristiques propres aux autres spécialisations médicales actuelles ? Ne devrait-elle pas plutôt constituer un modèle pour la médecine de demain ?Elle propose en effet des problématiques inédites dans la médecine classique. Notamment celle de la gestion du plaisir, qui est aussi celle de la santé. Ou encore, la prise en compte du patient dans sa totalité, à savoir non seulement dans son individualité, mais aussi dans son attitude et son activité relationnelle.Sur la base de ces considérations générales, d'autres aspects, plus pratiques et cliniques, sont envisagés et discutés. Tant par rapport aux troubles sexuels dysfonctionnels que par rapport à des comportements déviants, classés autrefois comme pervers.
A bien des égards la sexologie se configure comme la spécialité médicale la plus à même de détecter et de soigner les troubles relatifs à la fonction sexuelle. Néanmoins, d'emblée des questions se font jour quant aux limites que cette spécialisation devrait accepter, ou auxquelles, pour le moins, elle devrait se soumettre.
En effet, dans la mesure où la fonction sexuelle au sens large implique la reproduction, le sexologue devrait pouvoir s'occuper aussi, sinon des aspects strictement réservés au gynécologue, tout au moins des problèmes de stérilité. Il devrait également être capable de prendre en charge la prévention, la détection et la thérapie des maladies sexuellement transmissibles ; de même qu'il devrait se montrer compétent en matière d'endocrinologie et d'andrologie. Enfin, dans tous les cas, il devrait être féru de psychiatrie et de psychothérapie.
En d'autres termes, la sexologie peine à s'imposer dans le monde médical comme une véritable spécialisation au sens classique, et c'est la raison pour laquelle elle est démembrée et partiellement intégrée à d'autres spécialisations, lesquelles, à leur tour, peinent à contenir, chacune en son sein, l'ensemble complexe qu'elle représente. D'autant que les interférences philosophiques, sociologiques et culturelles sont nombreuses qui contaminent ses propensions thérapeutiques, mettant ainsi en cause son appartenance intrinsèque à la médecine.
Toutefois, plutôt que de voir la sexologie comme une branche de l'activité médicale, il conviendrait peut-être de l'appréhender com-me une perspective particulière, présente dans la médecine tout entière. Notons à ce propos, par exemple, que la sexologie met en exergue la problématique du plaisir tandis que la médecine semble ne vouloir s'occuper que de souffrance.
Assez souvent, par ailleurs, les personnes faisant état de troubles sexuels sont difficiles à placer dans un contexte proprement pathologique. Au point qu'on est tenté parfois de les considérer comme des malades imaginaires ou des hypocondriaques. Rien ne semble vraiment menacer leur santé et, dans bien des cas, il n'est pas aisé en ce qui les concerne de parler de symptôme, de thérapie ou encore de guérison au sens strict.
Pourtant, si nous parvenions à nous défaire de ce préjugé qui voudrait que les manifestations relatives à la sphère sexuelle soient de moindre importance, nous arriverions probablement à une position assez paradoxale, à savoir, à ce postulat que la sexologie ne soigne pas la maladie mais la santé même.
En effet, en sexologie, la qualité et la durabilité des résultats thérapeutiques sont directement liées au but visé ; il ne s'agit pas de se contenter d'une vague amélioration du fonctionnement sexuel ; bien souvent il faut «viser haut», prôner une remise en cause approfondie de la personne, tant dans ses relations avec les autres que dans son rapport à soi.
Ceci étant, bien plus que d'autres domaines de la médecine, la sexologie subit l'influence des événements individuels et collectifs ; une influence qui peut aller jusqu'à modifier les critères de diagnostic et les mesures thérapeutiques. Que l'on pense notamment à l'impact de l'émancipation féminine ou à celui de la croissance exponentielle de la technologie et des moyens de communication.
D'autre part, au sein même de la médecine, des faits nouveaux se produisent aujourd'hui, qui d'ores et déjà semblent avoir des répercussions indiscutables sur le comportement sexuel non seulement dans sa forme la plus simple : au niveau physiologique, mais aussi dans ses débordements pathologiques éventuels. Pensons par exemple à l'impact social et psychologique de la procréation médicalement assistée, qui ne peut manquer d'influer sur la sexualité du couple, ou encore à l'effet paradoxal des anxiolytiques et des antidépresseurs, qui, selon une logique élémentaire, devraient améliorer le fonctionnement sexuel alors qu'au contraire ils ne font souvent qu'empirer les choses.
Pour prolonger cette réflexion sur l'influence des aspects socio-culturels dans le domaine sexologique, il suffit de se pencher sur les conséquences des diktats sociaux en matière de sexualité. En effet, la société se déclare tantôt libérale, tolérante, voire encourageante, tantôt, à l'inverse, elle se montre répressive et moralisatrice eu égard aux murs sexuelles. Force nous est de constater que l'attitude antirépressive et tolérante de la société occidentale contemporaine à l'endroit du sexe a amené deux réactions imprévues. La première consiste à banaliser les différents comportements sexuels, tandis que la seconde, notamment à cause du Sida, mais aussi de toutes les autres MST, consiste à hygiéniser la sexualité. L'une et l'autre figurent aujourd'hui aux premiers rangs des causes de la chute du désir érotique, motif le plus fréquent de la demande d'aide sexologique.
Penchons-nous maintenant sur la physiologie de la sexualité.
De nos jours, le terme d'instinct, comme aussi celui de pulsion paraissent un peu désuets ; ils évoquent des entités relativement abstraites, auxquelles nous serions soumis malgré nous et qui nous contraindraient sans discernement à une forme ou une autre d'activité sexuelle.
Nous préférons penser aujourd'hui qu'à la base de l'activité sexuelle se trouve le désir ; une notion qui conjugue parfaitement la poussée libidinale d'origine organique et l'apport subjectif délibéré. Autrement dit, le désir n'est pas perçu comme réaction passive à une force aveugle, mais comme alliance entre l'énergie vitale et la participation mentale et émotionnelle de chacun.
Mais d'où vient-il donc, ce désir : souvenir, rencontre, décision ? S'agit-il d'un éveil, d'une perte de contrôle, d'un manque, d'une surcharge ? Même si nous reconnaissons l'importance capitale de l'apport neuro-hormonal, nous savons aussi que ce n'est pas là que nous devons chercher le primum movens absolu du désir.
Une fois le désir enclenché, l'excitation à suivre devrait suffire à son maintien et à sa réalisation dans la satisfaction, fût-elle explosive comme dans l'orgasme, ou plus discrète et plus anodine. Or, cette satisfaction, dont on pense qu'elle vient mettre un terme au cheminement érotique, et que l'homme en particulier identifie souvent avec l'orgasme, constitue peut-être le véritable point de départ du cycle de la réponse sexuelle telle que la définit Masters. En effet, on conçoit aisément qu'une pleine satisfaction sexuelle puisse être à l'origine d'un redémarrage du désir. En revanche, si ce cycle de réponse sexuelle doit se conclure par une déception, il est évident que la réapparition du désir sera beaucoup plus problématique à court, moyen et même à long terme. A noter que ces critères de satisfaction ou d'insatisfaction valent surtout pour les couples à durée limitée, car s'agissant de satisfaction sexuelle dans le cadre d'un couple stable, il faut tenir compte aussi de la fréquence et des modalités de l'activité sexuelle.
Autre ingrédient d'une importance capitale dans le déclenchement du désir et de l'excitation : les fantasmes. Ce que nous entendons ici par fantasme va bien au-delà du scénario érotique stéréotypé, puisqu'il s'agit avant tout d'envisager les fantasmes comme une perspective permanente d'ajustement des déficiences de la réalité, comme une anticipation des séquences de l'acte sexuel ; toutes choses qui garantissent le maintien de la stimulation nécessaire.
Ceci nous amène tout naturellement à évoquer le problème plus vaste et plus complexe du plaisir. Envisagé dans son acception la plus commune, le plaisir devrait se situer aux antipodes de la douleur. Pourtant, au plan neurophysiologique, notamment si l'on pense au noyau de l'amygdale dans le cerveau limbique, nous devons nous rendre à l'évidence que les centres cérébraux du plaisir se superposent à ceux de la douleur, ne serait-ce que dans le déclenchement de l'angoisse. D'autre part, il est clair que les fibres et les faisceaux dévolus au transport des sensations agréables sont ceux-là même qui transportent les sensations désagréables. Etant donné que l'ensemble des perceptions plutôt désagréables semble dépasser nettement celui des perceptions agréables au point de vue quantitatif, on peut supposer que la douleur possède toujours une longueur d'avance sur le plaisir. Notons ici, en outre, que la fugacité du plaisir, dans l'orgasme par exemple, fait de lui une entité précaire et somme toute assez fragile. Parce que souvent on craint de le perdre ou de ne pas en user de façon appropriée, le plaisir est également susceptible d'engendrer de l'angoisse. Cette dernière peut à son tour nous inciter à une manière d'évitement du plaisir, ou, pour le moins, à un renoncement à ses formes les plus intenses.
Au niveau «physiologique» toujours, il est un autre problème que nous nous devons d'évoquer ici : celui de la gestion du couple, et en particulier du couple stable. Au départ, la confrontation avec un modèle idéal de couple complique singulièrement la vie du couple ordinaire. Sans compter qu'il est malaisé, à long terme, de concilier l'activité sexuelle et les autres manifestations affectives et relationnelles au sens large ; car cela implique, à d'autres niveaux de communication, de savoir conserver des distances adéquates et de gérer correctement les rythmes de stimulation ou d'apaisement réciproques. L'élargissement du couple avec la présence des enfants peut encore compliquer les modalités de gestion du temps et de l'espace existentiels.
Enfin, nul ne peut ignorer que la gestion des rythmes de repos et de travail ou d'activité en général implique une harmonisation entre sommeil et veille, entre jour et nuit. Or, assez souvent, l'activité sexuelle se concrétise de nuit plutôt que de jour, interférant ainsi sur le repos et la détente. En effet, alors qu'en soi elle se configure comme une détente et un désengagement des soucis quotidiens, l'activité sexuelle se traduit dans bien des cas par un engagement sensoriel, sensitif, musculaire et narcissique très intense et stressant. N'oublions pas que les stimulations sexuelles demandent à être fréquemment renouvelées et que le couple est exposé à des risques non indifférents eu égard à la satisfaction de chacun des partenaires. Il arrive que ceux-ci tentent de se rassurer en recherchant l'orgasme simultané, mais ce dernier, outre qu'il nécessite un véritable «entraînement», demande aussi un «monitorage» permanent tout au long de l'acte sexuel et une adéquation temporelle de chacun au degré d'excitation du partenaire. Il est donc fort probable, en définitive, que ce qui devait constituer le summum du bon fonctionnement du couple se transforme en obsession de la performance, ou s'assimile à un exercice d'ordre sportif assez éloigné de l'érotisme authentique.
Alors que par le passé, les dysfonctions les plus courantes étaient l'éjaculation précoce pour l'homme et l'anorgasmie pour la femme, hommes et femmes situent aujourd'hui leurs dysfonctions majeures en amont du désir lui-même.
Mais avant d'aborder cette question, revenons à ce passé auquel nous venons de faire allusion pour noter que tandis que la femme qui avait peine à jouir s'estimait handicapée, l'hom-me capable de contrôler son réflexe éjaculatoire assez longtemps pour ne plus même pouvoir éjaculer se considérait comme un champion. Par extension, on pensait des femmes jouissant très vite qu'elles étaient particulièrement douées en la matière. Cela nous ouvre une piste très intéressante, qui est justement celle de la mauvaise gestion du plaisir. Car à considérer les choses ainsi, on peut imaginer que les hommes et les femmes d'alors redoutaient de perdre le plaisir s'ils ne le cueillaient pas lorsqu'il venait tout juste d'éclore, ou, au contraire, qu'ils voulaient s'assurer à l'extrême de sa présence réelle avant de se laisser aller à le savourer.
Au jour d'aujourd'hui, c'est en vain que l'on cherche à isoler la cause prépondérante de cette «chute du désir» ; car nul ne peut encore dire si elle est due d'abord et surtout à la peur du Sida, à l'émancipation des femmes, à une participation émotionnelle insuffisante des hommes ou à cet excès de tolérance qui banalise l'érotisme en le privant de toute possibilité de transgression. Tous, hommes et femmes, s'accordent sur l'importance de la sexualité dans le couple, mais il n'est personne pour poser des conditions assez précises pour retrouver et surtout pour maintenir un élan érotique suffisant.
Parallèlement à cet affaiblissement de l'élan érotique, qui n'est plus ressenti comme un besoin instinctuel irrésistible, nous assistons à une intensification et à une extension des comportements dits pervers. Nous nous trouvons là devant un large éventail de pratiques, qui vont de la tentative parfois bien maladroite d'insérer ponctuellement un comportement pervers dans la vie ordinaire du couple, au recours systématique à la «perversion», qui, dès lors, devient indispensable. Les accessoires et les modalités varient eux aussi en fonction du but recherché. La lingerie érotique et les positions coïtales extravagantes, très efficaces pour les uns, ne satisferont pas totalement aux exigences des adeptes du bounding ni à ceux de certaines formes de sado-masochisme ; pas plus qu'ils ne parviendront à exciter les asphyxiophiles, stimulés essentiellement par une légère strangulation qui leur permet d'exploiter une certaine hypoxie cérébrale.
Le passage de l'emploi irrégulier de techni-ques de type pervers, ou encore de leur emploi répétitif à un comportement pervers stable et avéré n'est pas toujours bien saisissable. Le fait est que les rencontres SM (sado-masochistes) se multiplient et qu'à l'occasion de ces rencontres, outre de subir ou de commettre des actes destinés à provoquer la douleur, il est possible de boire de l'urine ou même de se mettre tout à fait à l'aise avec des matières fécales. Si en théorie ces rencontres visent l'obtention du plaisir érotique dans toutes ses formes, dans les faits, la douleur est reine puisqu'on y pratique aussi bien le piercing que la flagellation, les brûlures, la «mise en cage» et autres humiliations.
Au sens classique, le terme de pervers désigne celui ou celle qui opte pour des comportements sexuels «anormaux» et qui, poussant cette tendance à l'extrême, finit par ne plus pouvoir jouir suffisamment par d'autres biais.
Les comportements pervers qui prévalaient il n'y a pas si longtemps encore, à savoir le fétichisme, la zoophilie, la nécrophilie, la gérontophilie, le voyeurisme ou le transvestisme ne semblent pas augmenter. En revanche, on assiste à une augmentation indiscutable de la pédophilie. Il semble d'ailleurs que les comportements pédophiles impliquent un nombre croissant de femmes, ce qui contribue peut-être à réduire la disproportion entre hommes et femmes eu égard aux comportements pervers en général.
Quoi qu'il en soit, nous sommes en droit de penser qu'il existe un rapport entre la chute du désir et l'augmentation des comportements pervers. En effet, ces derniers pourraient bien cons-tituer une ultime tentative pour retrouver un élan érotique spontané, et échapper tant que faire se peut à la sophistication et aux complications qui entravent souvent la recherche de l'excitation sexuelle.
A cet égard, nous pourrions bien sûr parler de la multiplication des comportements homosexuels et bisexuels, et ceci en dépit de la tendance actuelle présente aussi en médecine à ne pas vouloir considérer ces tendances comme relevant d'une éventuelle pathologie. Mais notre propos n'est pas là.
Car si nous avons abordé la question de la perversion, c'est aussi pour ouvrir notre réflexion sur la violence intrinsèque de tout comportement sexuel. Il peut s'agir de violence simulée ou contenue, comme dans certaines pratiques sado-masochistes, ou de violence non contrôlée, visant à blesser l'autre, voire à le supprimer. La violence sexuelle couvre aussi bien le viol et la délinquance sexuelle notamment le meurtre d'enfants par des pédophiles, que la violence ordinaire au sein du couple, dont il faut noter qu'elle n'est pas toujours l'apanage exclusif de l'homme.
Le slogan hippie, fameux entre tous, qui prônait de «faire l'amour et pas la guerre» semblait dissocier totalement sexualité et violence, pourtant nous devons bien admettre que ces deux propensions humaines sont intimement liées.
Il convient toutefois d'insister sur le degré et sur l'aspect quantitatif du phénomène. Autrement dit, si l'emploi d'une certaine violence, lorsqu'il est léger et transitoire auquel cas, nous devrions peut-être parler plutôt de véhémence , reste dans les limites de la norme, nous tombons dans la pathologie sitôt qu'il y a excès.
Comme toutes les autres branches de la médecine, la sexologie établit une distinction fondamentale entre thérapie symptomatique et thérapie causale.
Chercher à maîtriser l'insuffisance érectile d'un point vue purement mécanique au moyen du sildénafil (Viagra ®), par exemple, équivaut à accomplir un geste thérapeutique de type strictement symptomatique.
En effet, pour bien faire il faudrait commencer par déterminer l'origine véritable de l'impuissance ; et ce n'est pas chose facile en sexologie, où, de manière générale, symptôme et maladie se superposent. Ainsi, la dysfonction érectile, en même temps qu'elle constitue un trouble en soi, se configure aussi comme symptôme majeur d'une maladie à laquelle on pourrait donner le nom d'impuissance.
D'autre part, quelle que soit l'origine de l'insuffisance : conflits psychologiques, troubles circulatoires ou encore souci extrême de performance, la toile de fond du problème subsiste et la dysfonction érectile peut persister ou réapparaître même lorsque le conflit ou l'anxiété ont été résolus, même lorsque l'on a pu créer un by-pass du trouble circulatoire présumé.
Dès lors que nous ne constatons aucune lésion neurologique spécifique les seules qui jouent un rôle direct indéniable dans ce type de pathologie sexuelle , nous en sommes réduits aux hypothèses, et nous sommes contraints, le plus souvent, de reconnaître que les causes présumées de la dysfonction ne contribuent souvent que marginalement à la pathologie de l'impuissance. Même si, en amont de ces causes, nous trouvons des problèmes aussi importants que la gestion du plaisir, ou encore l'identité sexuelle et les aptitudes relationnelles du sujet.
Au vu de ces différents constats, et pour revenir à ce qui fait l'objet de ce chapitre, à savoir les perspectives thérapeutiques en sexologie, il faut bien avouer qu'hormis les dysfonctions érectiles et l'éjaculation précoce, il n'est pas de dysfonction sexuelle que nous puissions traiter par la pharmacologie à l'heure actuelle ; et même dans ces deux cas, l'intervention reste nettement symptomatique. Pour toutes les autres dysfonctions sexuelles, comme l'éjaculation difficile ou impossible, ou comme les troubles sexuels féminins, nous ne disposons pour l'heure d'aucun médicament spécifique et efficace.
En revanche, il n'est pas une école psychothérapeutique qui ne prétende pouvoir traiter les troubles sexuels dysfonctionnels ; sans pour autant proposer des méthodes spécifiques.
Quant aux sexothérapies pratiquées en leur temps par Masters et Johnson, par exemple, et au sensate focus préconisé par Helen Kaplan, ils ont aujourd'hui perdu de leur impact. Il n'empêche que le sexologue, fort de toutes ces expériences, s'efforce toujours de personnaliser au mieux chacune de ses interventions thérapeutiques, prenant en compte non seulement l'anamnèse médicale et la symptomatologie présentée par son patient, mais aussi son histoire personnelle vécue ou fantasmée. C'est bien là ce qui fait la richesse et la complexité de la sexologie ; une complexité qui ne peut que stimuler l'inventivité du thérapeute et l'inciter à élargir au maximum son champ d'investigations.
Mais laissons maintenant les troubles dysfonctionnels pour aborder les troubles dits pervers ou paraphiliques. Nous constatons d'emblée que très rares sont les sujets souffrant de tels troubles qui expriment une demande directe d'aide thérapeutique. Lorsqu'ils ont recours à la thérapie sexologique, c'est toujours de manière détournée, en manifestant éventuellement un état dépressif, par exemple, ou des troubles paniques, ou encore des troubles psychosomati-ques. Chez de tels patients, la question de la gestion du plaisir est centrale ; elle est même particulièrement aiguë chez les sado-masochistes et les pédophiles.
Enfin, en ce qui concerne les problèmes de couples un domaine en soi , signalons qu'ici aussi les écoles sont nombreuses à proposer leurs outils. Pourtant, il n'en est pas une qui se distingue par son efficacité, et à ce jour, nous ne disposons d'aucune technique vraiment fiable.
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Quoi de plus décourageant, direz-vous ; car à bien des égards, nous l'avons vu, la sexologie fait figure de parent pauvre de la médecine.
Or, ce constat nous renvoie tout naturellement aux questions que nous nous posions au début de cet article, en l'occurrence : quelles sont les caractéristiques foncières de la sexologie, ses limites, ses résultats effectifs, et enfin ses prérogatives ? Doit-elle, et peut-elle, mener une existence autonome par rapport à ses voisines, l'andrologie, la gynécologie, l'endocrinologie, l'urologie et l'infectiologie ?
Plus que toute autre spécialisation médicale traditionnelle, la sexologie suppose des investigations qui aillent au-delà des apparences. Elle nous contraint à des réflexions constantes, à des remises en cause. Elle nous interdit de nous arrêter aux succès que nous avons pu obtenir ici ou là en traitant tel comportement ou tel symptôme de manière efficace. Il n'est rien en elle que nous puissions simplifier, aucune promesse miraculeuse. Elle fait appel à notre esprit pionnier, à notre imagination, à notre faculté de revoir ou de modifier nos hypothèses ; nous devons être capables, le cas échéant, de reconnaître nos erreurs d'évaluation, ainsi que la part de notre investissement émotionnel, de notre enthousiasme.
Si, pour l'heure, la sexologie occupe une position particulière, en ce sens qu'elle semble tirer profit des connaissances acquises dans d'autres domaines de la médecine sans rien proposer de concret en échange, il est fort probable, qu'à l'avenir, c'est la médecine tout entière qui bénéficiera des acquis nouveaux de la sexologie.