Les bronchodilatateurs b2-stimulants adrénergiques sont des médicaments majeurs du traitement de l'asthme. L'essentiel de leur action porte sur la contracture du muscle lisse bronchique. Les mécanismes d'action des b2-stimulants passent par le déclenchement de la synthèse d'AMPc dont l'augmentation provoque l'activation des protéines kinases A et G. La régulation des effets des b2-stimulants passe par des mécanismes de découplage fonc-tionnel et de réduction du nombre de récepteurs b2-adrénergi-ques. Des polymorphismes du gène codant pour les récepteurs b2-adrénergiques ont été décrits chez des patients asthmatiques. Les conséquences cliniques et thérapeutiques de ces polymorphismes sont en cours d'évalua-tion.
Les b2-stimulants adrénergiques, bronchodilatateurs de référence représentent, avec les anti-inflammatoires, les bases du traitement de l'asthme.1Les progrès en pharmacologie moléculaire permettent de mieux comprendre les mécanismes d'action de ces molécules et la régulation de leurs effets. Récemment, des polymorphismes de ces récepteurs ont été mis en évidence et leurs conséquences cliniques sont en cours d'évaluation.
L'essentiel de l'effet des b2-stimulants dans le traitement de l'asthme reste la relaxation du muscle lisse bronchique in vitro, et une bronchodilatation in vivo.
Les b2-mimétiques peuvent également exercer leur action bronchodilatatrice de manière indirecte : tout d'abord, en diminuant le tonus parasympathique au niveau des ganglions sympathiques ou des terminaisons nerveuses parasympathiques ; ensuite, en inhibant les mécanismes biochimiques de la réponse contractile du muscle lisse à des agonistes comme l'acétylcholine, l'histamine, la bradykinine et les leucotriènes, exerçant ainsi un effet bronchoprotecteur.
Une haute densité de récepteurs b a été localisée par autoradiographie au niveau des glandes à mucus et des cellules épithéliales des bronches humaines. La fixation des b2-agonistes sur ces récepteurs augmente la sécrétion de mucus et d'eau et par conséquent accroît la clairance mucociliaire. Les cellules de Clara ont également des récepteurs b2 dont l'activation induit une sécrétion de lipides qui pourrait agir comme le surfactant pour prévenir l'atélectasie des petites bronches.
Les b-stimulants possèdent des effets anti-inflammatoires modestes car ils sont généralement observés qu'expérimentalement et pour des doses élevées. Ces effets anti-inflammatoires ne peuvent en aucun cas être considérés actuellement comme ayant un intérêt significatif en clinique.
Les récepteurs b2 sont présents sur les muscles lisses bronchiques, des grosses bronches jusqu'aux bronchioles, ce qui contraste avec une innervation sympathique très peu dense des muscles lisses bronchiques démontrée chez l'homme. Les étapes déterminantes de la relaxation des muscles lisses induite par la stimulation des récepteurs b2 passent par le déclenchement de la synthèse d'AMPc dont l'augmentation provoque l'activation de protéines kinases qui vont déclencher une cascade de réactions de phosphorylation de protéines impliquées dans la régulation du tonus musculaire lisse. Ainsi, les protéines kinases activées vont favoriser trois types principaux de réponses qui vont concourir à la relaxation des muscles lisses : une diminution des concentrations en calcium cytosolique, l'inhibition des interactions actine-myosine et l'ouverture de canaux potassiques Ca++-dépendants de conductance élevée (BK) conduisant à une hyperpolarisation et à une mise au repos de la cellule.
L'AMPc pourrait aussi activer ou inhiber selon les doses la transcription de nouveaux récepteurs b2-adrénergiques et l'activité de la kinase activable par les mitogènes (MAPK) dont l'une des fonctions est de stimuler par phosphorylation des facteurs de transcription tels que Myc et Jun. L'inhibition de MAPK expliquerait les effets anti-prolifératifs des b2-stimulants.
La stimulation prolongée d'un récepteur membranaire par son propre ligand (homologue) induit souvent un état de désensibilisation interrompant la transmission du signal. Cet état de désensibilisation est défini par une diminution de l'intensité de la réponse cellulaire malgré la présence continue d'un stimulus d'égale intensité. Les mécanismes impliqués sont un découplage fonctionnel de survenue rapide et une diminution du nombre de récepteurs à plus long terme. La désensibilisation homologue des récepteurs b2-adrénergiques par leurs propres agonistes a longtemps été mise en avant pour expliquer toute baisse d'efficacité des b2-mimétiques. Il est cependant difficile de démontrer une diminution des effets bronchodilatateurs des agonistes b2-adrénergiques induite par utilisation de ces mêmes agonistes chez l'asthmatique. Cette désensibilisation a surtout été étudiée sur des lymphocytes circulants. Toutes les études réalisées sur le muscle lisse bronchique ont montré son extraordinaire résistance à la désensibilisation nécessitant, pour observer un effet significatif, une augmentation des concentrations de b2 mimétiques bien au-delà des concentrations thérapeutiques. Cette résistance des récepteurs b2-adrénergiques du muscle lisse à la désensibilisation peut s'expliquer par le renouvellement rapide des récepteurs comme en atteste la relativement faible densité de récepteurs b2 et la très forte densité d'ARN messager codant pour ces récepteurs dans le muscle lisse. Ceci est à l'inverse de ce qui est observé sur les autres cellules résidantes du poumon.2
L'accent a été mis plus récemment sur les effets inhibiteurs des médiateurs de l'inflammation et des agents bronchoconstricteurs sur la fonction des récepteurs b2-adrénergiques. Cette désensibilisation par des mécanismes différents de ceux qui sont mis en jeu par la stimulation b2-adrénergique, peut être qualifiée d'hétérologue. Ce phénomène pourrait expliquer la diminution de réponses aux b2-mimétiques lors des crises d'asthme sévères et être responsable du délai, pouvant atteindre plusieurs jours, entre le début du traitement anti-asthmatique et l'amélioration de la fonction respiratoire.3, 4 Il justifie l'utilisation concomitante de glucocorticoïdes dans les traitements prolongés par les b2-stimulants.
Les mécanismes de cette désensibilisation sont de mieux en mieux connus (fig.1). La contraction bronchique induite par des agents tels que l'acétylcholine ou des médiateurs de l'inflammation (bradykinine, histamine, sérotonine, leucotriènes, neurokinines, etc.) via l'activation de la phospholipase C provoque l'activation de la PKC qui, par phosphorylation des récepteurs b2 et de la protéine Gs, diminue les capacités de stimulation de l'adénylate cyclase par découplage fonctionnel récepteur-adénylate cyclase. Par ailleurs, la stimulation des récepteurs muscariniques M2 par l'acétylcholine stimule une protéine Gi qui inhibe l'adénylate cyclase et diminue aussi l'effet des b2-stimulants. Le traitement anti-inflammatoire entrepris précocement permettrait de diminuer la synthèse de médiateurs de l'inflammation participant au phénomène d'antagonisme fonctionnel et d'augmenter la synthèse et/ou de restaurer la fonction des récepteurs b2-adrénergiques notamment en inhibant la protéine kinase C.5
L'étude des fonctions physiologiques des récepteurs b2-adrénergiques a permis d'observer une grande variabilité interindividuelle dans la réponse et une régulation dynamique variable selon les individus. L'hypothèse de modifications génétiques du récepteurs b2-adrénergique a ainsi été explorée. Une étude pour recenser les mutations faux-sens (polymorphismes) du gène du récepteur b2-adrénergique a été réalisée par le groupe de Stephens Liggett6 chez 56 sujets normaux et 51 patients souffrant d'asthme modéré ou sévère. Neuf mutations, chacune d'entre elles se traduisant par la modification d'une seule base dans la séquence codante du gène, ont été mises en évidence (fig. 2). Cinq de ces mutations, correspondant aux acides aminés en position 84, 175, 351, 366 et 413 sont dites «silencieuses» car elles sont sans conséquences sur la structure du récepteur. Quatre autres mutations s'accompagnent d'une substitution d'acides aminés au niveau du récepteur : deux concernent l'extrémité N-terminale : arginine (Arg) 16 Æ glycine (Gly) et glutamine (Gln) 27 Æ acide glutamique (Glu) ; une la jonction extrémité N-terminale-TM1 : valine (Val) 34 Æ méthionine (Met) et la dernière, le TM4 : thréonine (Thr) 164 Æ isoleucine (Ile).
En terme de fréquence, les mutations 34 et 164 sont peu fréquentes (de l'ordre de 1 et 3% respectivement) et existent uniquement à l'état hétérozygote. Par contre, les mutations 16 et 27 sont fréquentes à la fois à l'état hétérozygote et homozygote. Ces mutations ne sont toutefois pas plus fréquentes chez les patients asthmatiques que chez les sujets normaux. Ceci conforte donc l'hypothèse que ces mutations ne sont pas causales dans la maladie.
Le mutant Met 34 est normal. Par contre, le mutant Ile 164 a une affinité quatre fois moindre pour l'isoprénaline et la stimulation de ce récepteur s'accompagne d'une activité adénylylcyclase deux à trois fois moindre que celle des récepteurs sauvages. Enfin, il est trois fois moins internalisé que le récepteur sauvage. Ces résultats démontrent que la mutation Ile 164 s'accompagne d'anomalies de couplage notables. Cependant, la fréquence très faible de cette mutation (# 3%) et le fait qu'elle existe uniquement à l'état hétérozygote ne permet pas pour l'instant d'apprécier l'importance clinique de ce polymorphisme.
Comme le laisse supposer les relations structure-fonction (les b2-stimulants se fixent sur le récepteur au niveau des passages trans-membranaires), les mutations Gly 16 et Glu 27 ne s'accompagnent pas de modification de la fixation du ligand sur le récepteur. Par contre, ces mutations s'accompagnent de modifications de la régulation négative (down-regulation) du récepteur. In vitro, la substitution de l'Arg en 16 par la Gly s'accompagne d'une augmentation du phénomène physiologique de l'internalisation du récepteur en réponse à une stimulation par un agoniste b2-adrénergique. Au contraire, la substi-tution de la Gln 27 par du Glu s'accompagne d'une disparition de l'internalisation.7Lorsque les deux mutations sont présentes simultanément, l'effet de la mutation en 16 domine sur celui de la mutation en 27. L'internalisation reste donc accrue dans ce cas. Ces variations dans l'internalisation de ces récepteurs mutés semblent en rapport avec des variations dans les phénomènes de recyclage-dégradation qui impliqueraient donc l'extrémité N-terminale.
Dans la mesure où ces mutations ne sont pas spécifiques de l'asthme, les conséquences cliniques ont été étudiées en comparant, au sein de la population des asthmatiques, ceux présentant l'une des mutations décrites précédemment par rapport à ceux ne présentant pas de mutation. Les résultats in vitro permettent de formuler l'hypothèse que la mutation Gly 16 s'accompagne d'une majoration de la réactivité bronchique (liée à une internalisation accrue du récepteur b2-adrénergique par les catécholamines endogènes) alors qu'au contraire la mutation Glu 27 s'accompagne d'une diminution de réactivité bronchique (liée à une résistance accrue à l'internalisation du récepteur b2-adrénergique). Des études cliniques vont dans le sens de cette hypothèse. Ainsi, dans l'asthme nocturne, une forme clinique d'asthme associée à une diminution nocturne de l'expression des récepteurs b2-adrénergiques, la fréquence de l'allèle Gly 16 est d'environ 80% contre 52% dans le groupe des asthmatiques ne présentant pas d'asthme nocturne.8 De plus, des résultats préliminaires suggèrent que les asthmatiques présentant la forme Gly 16 du récepteur b2-adrénergique ont une hyperréactivité bronchique plus sévère. Réciproquement, la mutation Glu 27 s'accompagne d'une diminution de la réactivité des voies aériennes. Dans une étude conduite sur 65 asthmatiques, il a été montré que les homozygotes Glu 27 avaient une PD20 de la métacholine environ quatre fois supérieure à celle des homozygotes Gln 27, les hétérozygotes ayant une PD20 intermédiaire.9 De plus, il existe une association entre polymorphisme des b2-récepteurs en position 27 et la concentration sérique d'IgE.10 Les mutations en 16 pourraient aussi s'accompagner de modification de fonction. Dans une étude sur 188 enfants, la probabilité de répondre au salbutamol par une augmentation de 15% du VEMS est 5,3 fois plus faible chez les homozygotes porteurs de la substitution Gly 16 que chez les sujets Arg 16, les hétérozygotes ayant une probabilité de réponse intermédiaire.11 Cependant, dans une étude sur 61 asthmatiques, il n'a pas été retrouvé de différence de contrôle de l'asthme par le fénotérol12 ou le formotérol13 en fonction des polymorphismes en 16 ou 17 du récepteur. Ces différences entre salbutamol et fénotérol ou formotérol pourraient être liées au caractère agoniste complet du fénotérol ou formotérol et agoniste partiel du salbutamol. En effet, un agoniste complet partiel a son effet directement proportionnel au nombre de récepteurs disponibles, un agoniste complet disposant de récepteurs de réserve a besoin de moins de récepteurs fonctionnels et peut donc conserver son effet plus longtemps en cas de désensibilisation de récepteurs. Ces résultats pourraient peut être expliquer l'observation de réponses bronchodilatatrices différentes selon le b2-mimétique utilisé chez certains patients.14,15
Quoi qu'il en soit, les études concernant la réponse aux agonistes b2-adrénergiques restent encore fragmentaires et ne permettent pas de tirer des conclusions définitives sur le plan clinique.
Les mécanismes d'action des b2-mimétiques sont de mieux en mieux connus. Leur connaissance permet d'explorer les régulations de la fonction de ces récepteurs. La découverte de mutations du gène codant pour le récepteur b2-adrénergique, responsables d'un polymorphisme de ces récepteurs, permet d'entrevoir des modifications phénotypiques de l'asthme liées à ces polymorphismes voire des différences de réponse aux différents agonistes b2 en fonction de ces polymorphismes.