Le syndrome sérotoninergique est une complication potentiellement létale des psychotropes. Il se caractérise par une altération de l'état mental et par la présence de troubles neurovégé-tatifs et neuromusculaires. Le plus souvent, ce syndrome est secondaire à la prescription de plusieurs médicaments responsables d'une augmentation du taux cérébral de sérotonine, mais il peut également survenir en monothérapie à des doses habituelles. L'interruption des médicaments en cause et un traitement symptomatique permettent une évolution clinique favorable dans la plupart des cas, mais la prescription d'antagonistes des récep-teurs de la sérotonine est parfois nécessaire. L'issue parfois fatale illustre la difficulté de reconnaître ce syndrome dans la pratique et sa gravité en l'absence de diagnostic précoce.
Une patiente de 87 ans, connue pour une cardiopathie hypertensive et valvulaire et une anamnèse d'affaiblissement intellectuel progressif depuis un an, a été admise à l'hôpital pour une incontinence urinaire, une apathie et des douleurs secondaires à une chute sans perte de connaissance. Une évaluation neuropsychiatrique a mis en évidence un état dépressif majeur et une démence modérée avec une atteinte frontale et des troubles mnésiques. La clairance calculée de la créatinine était de 26 ml/min, et les tests hépatiques étaient caractérisés par : ASAT 46 IU/L (norme 11-32), ALAT 84 (9-36), LDH 513 (204-412). Au 10e jour d'hospitalisation (J 10), de la fluvoxamine à raison de 100 mg/j a été introduite et le clométhiazole a été remplacé par du zolpidem dès le J 14. Suite à une chute accidentelle au J 18, du tramadol 150 mg/j a été prescrit pour contrôler des douleurs dues à une fracture ilio-pubienne. Le soir même, on note des sudations et une température rectale à 37,8°C. Des sudations profuses et des pics fébriles persistent malgré la prise de paracétamol 3 fois 1 gramme et une antibiothérapie empirique. Au J 24, la posologie de la fluvoxamine a été augmentée en raison d'une aggravation de l'apathie, d'un mutisme et d'une somnolence. Alors qu'elle était initialement constipée et qu'elle recevait des laxatifs stimulants et osmotiques, la patiente a présenté des selles défaites au J 25, et de la diarrhée au J 32. Le tramadol fut arrêté du J 29 au J 32. La température rectale diminua à 37-37,5°C. Au J 33, le tramadol 150 mg/j fut réintroduit et au J 34, on augmenta la fluvoxamine à 200 mg/j. Une tachycardie, une aggravation de l'insuffisance cardiaque, un état stuporeux s'ensuivirent et on arrêta tous les médicaments le J 35. Au 37e jour d'hospitalisation, en plus des autres symptômes, la patiente développa des myoclonies et des tremblements. Quatre jours plus tard, la patiente est décédée.
L'autopsie a révélé une ulcération gastrique hémorragique, une hypertrophie cardiaque, mais aucun signe d'infection, d'embolie pulmonaire, d'infarctus du myocarde ou d'anomalie cérébrale.
Ce cas clinique illustre la difficulté du diagnostic de syndrome sérotoninergique, la patiente ayant été traitée tour à tour pour une aggravation d'une dépression majeure, une suspicion d'infection et une possible embolie pulmonaire.
La première description clinique de cette réaction date de 1955 avec l'apparition d'un signe de Babinski positif, d'un clonus de la cheville et de myoclonies peu après l'introduction de péthidine chez un patient traité par de l'isoniazide pour une tuberculose pulmonaire.1 Certains métabolites de l'isoniazide possèdent un effet inhibiteur sur la monoamine oxydase, alors que la péthidine possède un effet inhibiteur sur la recapture de la sérotonine.2
En 1960, Oates et coll. ont observé que l'administration d'une dose de L-tryptophane (précurseur de la sérotonine) chez quatre patients hypertendus traités par un inhibiteur de la monoamine oxydase (IMAO) provoquait un changement de l'état mental, des vertiges, un clonus, une impatience motrice, une hyperréflexie prédominant aux membres inférieurs et une diaphorèse.3 La mise en évidence d'une augmentation du taux cérébral de sérotonine après administration de L-tryptophane chez l'animal a permis de suspecter une élévation du taux cérébral de sérotonine comme mécanisme initiateur. Quatre ans plus tard, cette hypothèse se confirme chez l'homme lorsque les effets du L-tryptophane ont pu être prévenus par un inhibiteur de la synthèse de sérotonine.
Le syndrome sérotoninergique (SS) est généralement une complication précoce d'une interaction médicamenteuse entre deux ou plus de deux substances responsables d'une augmentation du taux cérébral de la sérotonine. Une augmentation de la posologie, un surdosage, un changement de traitement sans un intervalle libre suffisant et l'adjonction d'un autre médicament représentent les facteurs déclenchants les plus souvent observés. Le mécanisme de cette augmentation semble déterminant puisque la survenue d'un syndrome sérotoninergique par surdosage d'un seul médicament est l'exception.
Le diagnostic est difficile, les formes bénignes pouvant passer inaperçues et les formes graves pouvant être mortelles. Certaines manifestations (hallucinations auditives, mutisme, repli sur soi ou au contraire, agitation) peuvent être confondues avec une exacerbation de la maladie de base (par exemple, une dépression). La plupart des critères diagnostiques proposés représentent des effets indésirables connus et fréquents des médicaments sérotoninergiques. Le concept de spectre de toxicité de ces médicaments a été proposé, en opposition avec le syndrome neuroleptique malin qui survient selon un mécanisme idiosyncrasique, indépendamment de la dose ou de la concentration plasmatique.4 Les données chronologiques représentent un élément déterminant pour ce diagnostic. La survenue précoce de tels symptômes après un changement thérapeutique doit faire suspecter le diagnostic, indépendamment de leur intensité.
L'incidence et la mortalité de ce syndrome ne sont pas connues. Le sexe et l'âge ne sont pas des facteurs déterminants, ce syndrome est aussi bien décrit chez l'enfant très jeune que chez la personne âgée. Il n'y a pas d'évidence de prédisposition familiale.
Les corps cellulaires des neurones sérotoninergiques sont localisés dans le tronc cérébral. Les projections ascendantes influencent la motricité, certaines fonctions cognitives, le sommeil, l'appétit et la thermorégulation. Les projections descendantes, quantitativement moins importantes, ont un rôle modulateur dans la transmission de la douleur. La sérotonine circulante a un effet sur la musculature lisse et l'hémostase.
La sérotonine est synthétisée à partir du L-tryptophane, puis stockée à l'intérieur de vésicules, ce qui la protège d'une dégradation par la monoamine oxydase (MAO). La MAO-A métabolise la sérotonine alors que la dopamine est métabolisée par la MAO-A et -B. Une fois dans la fente synaptique, la sérotonine agit sur les récepteurs post-synaptiques (transmission neuronale) et présynaptiques (rétrocontrôle négatif). La recapture par le neurone présynaptique est le principal mécanisme d'interruption de son effet. A l'intérieur du neurone, la sérotonine est recyclée dans les vésicules de stockage avant d'être libérée lors d'une prochaine stimulation ou métabolisée par la MAO-A avec la formation de 5HIAA (acide acétique 5-hydroxyindolique). Contrairement à la sérotonine, le 5-HIAA traverse la barrière hémato-encéphalique (BHE), puis est éliminé par voie urinaire. La stimulation des récepteurs 5-HT1A au niveau des corps cellulai-res à partir de neurones collatéraux permet également un rétrocontrôle négatif.2,5
Dans la plupart des cas, le syndrome sérotoninergique résulte d'une interaction médicamenteuse induisant une augmentation de la biodisponibilité de la sérotonine dans la fente synaptique. Une relation entre l'élévation de la sérotonine et la survenue d'un syndrome sérotoninergique est démontrée chez l'animal par microdialyse avec un effet dose-dépendant sur la mortalité.6 Le mécanisme de l'augmentation de l'activité sérotoninergique semble influencer la survenue de ce syndrome, puisqu'il est rarement décrit lors de surdosage avec un seul type de médicament.
Une hyperactivation post-synaptique des récepteurs 5-HT1A est l'hypothèse la plus fréquem-ment admise pour expliquer le syndrome sérotoninergique. Une implication centrale du récepteur 5-HT2 a également été suggérée. Ces arguments reposent sur des observations faites chez l'animal et leur extrapolation chez l'homme doit être prudente.7 La découverte d'agonistes et d'antagonistes sélectifs devrait permettre de réévaluer ces hypothèses.
Les effets d'une stimulation de certains récepteurs sérotoninergiques du SNC sont connus chez l'homme et permettent d'expliquer certains signes cliniques du syndrome sérotoninergique. Un état anxieux se développe par stimulation du récepteur 5-HT1D et un état confusionnel par stimulation des récepteurs 5-HT1D et 5-HT2. Une hyperactivation de ces récepteurs pourrait expliquer certaines altérations motrices comme les myoclonies, le tremor et l'hyperréflexie.8 La stimulation centrale du récepteur 5-HT2 ou 5-HT1A provoque respectivement une hyperthermie ou une hypothermie. La stimulation de ces deux récepteurs provoque également des effets opposés sur la fréquence cardiaque et la tension artérielle (augmentées par 5-HT2, diminuées par 5-HT1A).9
Des interactions entre les neurones sérotoninergiques et dopaminergiques pourraient également rendre compte de la similitude clinique observée entre le syndrome sérotoninergique et le syndrome neuroleptique malin par un effet inhibiteur des premiers sur les seconds.9
Plus de 95% de la sérotonine sont localisés hors du système nerveux central. Le rôle des récepteurs périphériques dans le SS est mal connu, mais par analogie avec certains signes cliniques observés avec le syndrome carcinoïde, une composante périphérique a été suggérée.9 L'effet des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sur la libération de sérotonine à partir des plaquettes est démontré.10 La sérotonine est inactivée par les cellules endothéliales et l'on observe une diminution de l'activité de la monoamine oxydase lors de pathologies vasculaires telles que l'athérosclérose, ce qui pourrait représenter un facteur de risque.9
En 1991, Sternbach analyse le tableau clinique de 38 patients et montre que les changements de comportement représentent la manifestation la plus fréquente avec une confusion (42%) ou une agitation (21%). Les manifestations motrices sont fréquen-tes, avec une impatience motrice (45%), des myoclonies (34%), une hyperréflexie (29%), un tremor (26%), une incoordination (13%). Une dysautonomie fait également partie du tableau clinique avec une diaphorèse (26%), des frissons (26%) et de la diarrhée (16%). Ces observations ont permis de proposer des critères diagnostiques (tableau 1).11
Le syndrome sérotoninergique est une complication précoce (habituellement durant les deux premiers jours) suite à un changement thérapeutique. La clinique est variable. En plus des symptômes proposés comme critères diagnostiques, des hallucinations auditives, des céphalées postérieures, une diplopie, des mouvements répétitifs anormaux stéréotypés, des vertiges, une rigidité, des crises d'épilepsie, un flush, des variations de la tension artérielle, une tachycardie, une hyperthermie et une mydriase sont occasionnellement observés. Les décès sont généralement attribués à des troubles du rythme cardiaque, une insuffisance rénale secondaire à une rhabdomyolyse ou une coagulation intravasculaire disséminée.
Le manque de données épidémiologiques est le reflet de la difficulté diagnostique et peut-être de la méconnaissance de ce syndrome. Les critères diagnostiques représentent les effets indésirables fréquemment décrits avec les sérotoninergiques et sont peu spécifiques.
Les résultats de quatre études prospectives montrent que l'incidence varie de 0,02% à 26% en fonction des critères retenus et du contexte clinique.
Chez 38 patients traités d'emblée par de la clomipramine (150 mg/j) après un intervalle libre suffisant pour exclure une interaction pharmacologique, seize patients (42%) ont présenté au moins un signe clinique de ce syndrome et quatorze (37%) un tremor et des myoclonies simultanément. Chez onze patients (26%), ces deux symptômes étaient accompagnés de diaphorèse et de frissons, permettant de retenir le diagnostic de syndrome sérotoninergique. Malgré la poursuite du traitement, les symptômes ont régressé, sauf chez un patient présentant l'ensemble des critères de Sternbach. Selon les auteurs, les effets observés sont transitoires et ne nécessitent pas l'interruption du traitement dans la plupart des cas. Bien qu'il n'y ait pas d'interaction médicamenteuse possible chez ces patients, l'incidence de syndrome sérotoninergique s'explique par la dose initiale très supérieure à la dose habituelle.12
Une autre étude a comparé l'incidence du syndrome sérotoninergique, selon que le diagnostic était posé en se référant aux critères de Sternbach ou à ceux de Dursun qui n'incluent pas certains symptômes tels que le tremor. L'incidence était respectivement de 12,1% et 3% lors d'une monothérapie avec de la clomipramine. Les auteurs concluent que les critères de Sternbach permettent de diagnostiquer un plus grand nombre de patients alors que les critères de Dursun, moins sensibles, isolent les cas graves.13
Cinquante-huit patients ont été admis pour un état d'agitation avec un bilan toxicologique positif. Les résultats ont montré la présence d'ISRS chez cinq patients. Deux patients présentaient les signes d'un syndrome sérotoninergique. Dans cet essai, l'incidence de syndrome sérotoninergique chez des patients investigués pour un état d'agitation d'origine toxique est de 3,45% (2/58).14
Finalement, aucun cas de syndrome sérotoninergique n'a été rapporté avec la fluvoxamine en monothérapie sur 8200 patients-jours de traitement.15
Les examens complémentaires sont peu contributifs. Hormis une leucocytose et une élévation de l'activité de créatine kinase, ils sont habituellement normaux (scanner cérébral, examen du liquide céphalo-rachidien). La détermination du taux urinaire de 5-HIAA (acide acétique 5-hydroxyindolique) est normale lorsqu'un inhibiteur de la monoamine oxydase est impliqué. L'utilité de cet examen devrait être réévaluée lorsque la voie de dégradation de la sérotonine n'est pas bloquée par ce type de substance, le syndrome sérotoninergique étant fréquemment décrit en l'absence d'IMAO. Les dosages plasmatiques des médicaments incriminés sont le plus souvent dans la norme. Cet examen ne permet pas d'exclure un syndrome sérotoninergique, mais permet d'exclure un surdosage de chacune des molécules prises isolément.
Le principal diagnostic différentiel est celui de syndrome neuroleptique malin. Ce syndrome est défini comme une réaction idiosyncrasique aux neuroleptiques, potentiellement mortelle, caractérisée par une rigidité musculaire, de la fièvre, un dysfonctionnement du système neurovégétatif et une altération de l'état de conscience (tableau 2).
La présence de trois critères majeurs ou de deux critères majeurs et deux critères mineurs rend le diagnostic probable.
Depuis l'introduction des neuroleptiques atypiques (par exemple, clozapine, olanzapine), de nombreux cas de syndromes neuroleptiques malins ont été rapportés. La clinique s'éloigne parfois de la description clinique classique, ce qui a donné lieu au concept de syndrome neuroleptique malin atypique.17 Cette classe de substances possède un effet antagoniste sur certains récepteurs sérotoninergiques (5-HT2 et 3), ce qui pourrait expliquer les différences de présentation clinique.
Dans l'attente d'une éventuelle confirmation de cette hypothèse, la prudence nous enjoint d'être attentifs à la possibilité d'un syndrome sérotoninergique ou d'un syndrome neuroleptique malin avec tout psychotrope, en raison de l'intrication des différentes voies de la neurotransmission, et du potentiel de modulation indirecte du système sérotoninergique et dopaminergique par de nombreux médicaments.
Le syndrome sérotoninergique est une conséquence connue de l'interaction pharmacodynamique entre les inhibiteurs de la monoamine oxydase et les autres antidépresseurs. En effet, les premiers diminuent la dégradation de la sérotonine et les seconds augmentent le taux synaptique de sérotonine. Après l'arrêt d'un inhibiteur de la monoamine oxydase irréversible, deux semaines sont nécessaires à la synthèse de novo de la monoamine oxydase, ce qui représente la durée de l'intervalle recommandé avant l'introduction d'un autre antidépresseur.
Depuis l'introduction du moclobémide, inhibiteur réversible de courte demi-vie, plusieurs cas de syndrome sérotoninergique lui ont été attribués. La plupart des cas rapportés impliquaient l'association simultanée de moclobémide et d'un ISRS, principalement la fluoxétine.
De nombreux cas de syndromes sérotoninergiques impliquent l'association d'ISRS et d'antidépresseurs tricycliques. Une interaction entre ces deux types d'antidépresseurs et le lithium est également responsable de syndrome sérotoninergique,18 le lithium étant un agoniste non
spécifique des récepteurs sérotoninergiques. La plupart des cas sont décrits avec la fluoxétine avec l'apparition précoce des symptômes après l'introduction d'une des deux substances.19 Dans les cas publiés, la lithémie était toujours dans la norme, ce qui n'exclut pas le diagnostic.
Un syndrome sérotoninergique est survenu chez un adolescent de 12 ans traité par de la sertraline peu après l'introduction d'érythromycine. Cette substance inhibe fortement l'activité du CYP3A4, enzyme participant au métabolisme de la sertraline.20 Toutes les substances susceptibles d'inhiber le métabolisme des antidépresseurs pourraient donc en théorie provoquer ce type de syndrome.
Lors de l'administration successive d'antidépresseurs, un intervalle libre suffisant, correspondant à sept demi-vies de l'antidépresseur et/ou de ses métabolites est impératif. Des syndromes sérotoninergiques sont décrits avec les IMAO réversibles tels que le moclobémide après l'interruption de la fluoxétine ou de la clomipramine sans intervalle libre.21 Un cas est survenu suite à l'introduction de la clomipramine 12 heures après l'interruption du moclobémide. Ceci illustre la nécessité de respecter un intervalle libre correspondant à l'élimination totale (de cinq à sept demi-vies) d'une substance, la demi-vie du moclobémide étant de 1-3 heures.22 Le syndrome sérotoninergique peut également survenir lors d'un remplacement d'un ISRS par un autre ISRS sans intervalle libre.21 Avec les IMAO irréversibles, des syndromes sérotoninergiques peuvent survenir jusqu'à quatre semaines après le changement thérapeutique.23 Il conviendrait d'ajouter aux deux semaines nécessaires à la synthèse de novo de la monoamine oxydase, une durée équivalente à sept fois la demi-vie du médicament ou de ses métabolites actifs pour limiter le risque.
Un syndrome sérotoninergique est survenu avec le moclobémide sans comédication.24 Plusieurs cas sont également décrits avec les ISRS (fluvoxamine, venlafaxine) et les antidépresseurs tricycliques (clomipramine, amitriptyline) à des posologies habituelles (taux plasmatiques non disponibles).24 Finalement, deux cas ont été décrits chez l'enfant après une prise unique de fluvoxamine.25,26
La description d'un syndrome sérotoninergique en monothérapie avec de la fluvoxamine, réversible deux jours après l'arrêt du traitement chez un patient parkinsonien traité par de la lévodopa et de la tolcapone pose la question d'une susceptibilité accrue aux sérotoninomimétiques chez ces patients.27,28 Les ISRS provoquent des effets indésirables extrapyramidaux, probablement par l'effet inhibiteur de la sérotonine sur certaines voies dopaminergiques. L'atteinte dégénérative de ces dernières pourrait être le substrat anatomique d'une susceptibilité accrue chez ces patients. Enfin, une susceptibilité individuelle liée à la métabolisation lente des antidépresseurs (cytochrome P450-2D6) est également possible, mais sa détermination a rarement été rapportée jusqu'ici dans les cas publiés de syndrome sérotoninergique.29
La sélégiline est un inhibiteur irréversible et sélectif de la MAO-B utilisé dans la maladie de Parkinson. Lorsque la dose quotidienne est supérieure à 10 mg, la sélégiline perd sa sélectivité pour la MAO-B et inhibe également la MAO-A, avec le risque d'une augmentation du taux cérébral de sérotonine.30,31 Bien que le nombre de syndromes sérotoninergiques décrit avec la sélégiline soit faible, le profil d'effets indésirables observés lors de surdosage correspond à la clinique du syndrome sérotoninergique. La méthamphétamine et l'amphétamine sont deux métabolites de la sélégiline. Malgré leurs faibles effets de type amphétaminique (forme D), il n'est pas exclu qu'ils jouent un rôle favorisant dans la survenue d'un SS par leur effet stimulant sur la libération de sérotonine.32
Des syndromes sérotoninergiques ont été décrits en comédication avec les ISRS (fluoxétine, sertraline et paroxétine),33 les tricycliques (dont deux cas mortels) et la péthidine.34 Pour la fluoxétine, un intervalle libre d'au moins cinq semaines est nécessaire avant l'introduction de sélégiline en raison de la longue demi-vie de la norfluoxétine alors qu'un intervalle de deux semaines est suffisant lorsque la sélégiline est arrêtée avant l'introduction de la fluoxétine.35Le risque de cette complication était de 0,24% dans une étude multicentrique rétrospective chez des patients traités par de la sélégiline et un antidépresseur.
Certains opiacés ont la propriété d'inhiber la recapture de la sérotonine. Il s'agit du tramadol, du dextrométhorphane, de la péthidine et de la pentazocine.
Ainsi, la prescription concomitante de tramadol et des ISRS peut provoquer un syndrome sérotoninergique, ce qui a été décrit avec la fluoxétine, la paroxétine et la sertraline.36
Le syndrome sérotoninergique peut également survenir lors de la prise de péthidine en association avec des IMAO actuellement retirés du marché (phénélzine, pargyline). Récemment, une interaction entre la péthidine et le moclobémide a été décrite.37
Seize cas de syndrome sérotoninergique sont survenus lors de la prescription concomitante de sumatriptan et d'ISRS et deux cas modérément graves sont survenus sous sumatriptan et lithium.38Un autre rapport mentionne six cas (trois avec le sumatriptan en sous-cutanée et trois avec le dihydroergotamine en intraveineuse), en association avec un antidépresseur dans cinq cas (ISRS, tricyclique et lithium). A noter que le sumatriptan traverserait peu la BHE en situation physiologique.
Le MDMA (ecstasy) libère de la sérotonine. Chez plusieurs patients, un syndrome sérotoninergique secondaire à sa consommation a été évoqué comme cause de décès. De plus, sa consommation peut s'associer à la prise de L-tryptophane (présent dans certaines boissons) ce qui augmente théoriquement le risque.
Il faut donc être particulièrement attentif chez les personnes susceptibles d'en consommer lors de la prescription d'antidépresseurs ou d'antalgiques.
La buspirone est un anxiolytique agoniste spécifique des récepteurs 5-HT1A. Des interactions avec la trazodone,39 le citalopram et la fluvoxamine, conduisant à un syndrome sérotoninergique sont rapportées.
Les neuroleptiques atypiques ont des propriétés antagonistes sur les récepteurs 5-HT2/3. Une interaction est donc théoriquement possible avec les sérotoninergiques, bien qu'aucun cas de syndrome sérotoninergique n'ait impliqué ces médicaments jusqu'à présent.
L'interruption du traitement en cause représente la première mesure à prendre. Un traitement symptomatique est parfois nécessaire. Aucune étude prospective n'a été menée avec les antagonistes sérotoninergiques tels que le méthysergide et la cyproheptadine. Le propranolol s'est avéré efficace dans ce type de situation. Ces médicaments s'avèrent efficaces avec une régression plus rapide des symptômes, mais à l'instar du syndrome neuroleptique malin, leur effet sur la mortalité n'a pas été démontré.
Le syndrome sérotoninergique est une complication des médicaments influençant le taux cérébral de sérotonine.
Il survient précocement lors de l'adjonction d'une nouvelle substance, lors d'une augmentation rapide de la posologie ou lors d'un changement thérapeutique sans qu'un intervalle libre suffisant soit respecté. Les patients dépressifs, parkinsoniens, douloureux chroniques et migraineux sont particulièrement exposés en raison de leur traitement habituel mais aucun facteur prédisposant n'a été clairement démontré jusqu'à présent.
Le mode d'installation est très variable avec des signes cliniques totalement aspécifiques. Les premiers signes cliniques peuvent mimer une exacerbation d'un état dépressif. Il convient alors de rechercher les autres éléments de ce syndrome avant d'adapter la posologie pour éviter des complications potentiellement mortelles.
L'arrêt du traitement est la principale mesure thérapeutique.