Les vaccins sont des interventions médicales efficaces pour prévenir les maladies infectieuses. La définition originale du terme vaccin était restreinte aux préparations de virus de la vacci-ne utilisées pour l'immunisation. Depuis, la définition du terme «vaccin» s'est élargie pour inclure toute préparation utilisée pour provoquer une réponse immunitaire contre des microorganismes pathogènes ou contre des tumeurs. Dans ce contexte, une attention particulière a été récemment accordée aux possibilités offertes par les cellules dendritiques (CD), qui jouent un rôle crucial dans l'orchestration de la réponse immunitaire pri-maire, afin de servir de base au développement de stratégies d'immunisations.Le présent article fait le point des derniers résultats concernant les stratégies de vaccination à base de CD.
Une caractéristique importante d'un vaccin est sa capacité d'activer les cellules du système immunitaire inné. Ces cellules constituent la première ligne de défense contre l'invasion microbienne, en présentant l'antigène au système immunitaire de l'hôte pour déclencher la réponse immunitaire.1 Les cellules du système immunitaire inné sont localisées dans la peau et les muqueuses. Elles sont représentées par les macrophages, les cellules de Langerhans, les cellules dendritiques (CD) et les cellules épithéliales.
Généralement, l'activation des cellules du système immunitaire inné par un vaccin est obtenue par l'utilisation de substances à effet adjuvant. Ces substances consistent en mélange d'agents chimiques dont l'action n'est pas liée à l'antigène, mais qui permet d'activer la réponse immunitaire. L'activation des cellules du système immunitaire inné enclenche des fonctions telles que la phagocytose et la sécrétion de composantes antimicrobiennes et plus important encore, met en route toute une série d'événements qui déclenchent l'immunité acquise.
Une autre caractéristique de l'efficacité des vaccins est leur habilité à générer une mémoire immunologique durable, capable de répondre rapidement et efficacement à un antigène rencontré auparavant. En effet, une fois que les lymphocytes B et T ont été stimulés dans une réponse immunologique, certains d'entre eux persistent pour des périodes prolongées : ce sont les cellules à mémoire.2 Les cellules T à mémoire répondent plus rapidement aux antigènes et sécrètent une diversité de cytokines différente des cellules T naïves. Elles sécrètent aussi une quantité plus importante d'interleukine-2 et d'interféron-g que les cellules T naïves. Ainsi, les cellules T à mémoire diffèrent sensiblement de celles qui rencontrent l'antigène pour la première fois, et l'on explique de même la vitesse et la vigueur de la réponse mémoire immunitaire.
Il est important de souligner que plusieurs vaccins ne peuvent pas garantir une immunité à vie et demandent un rappel périodique afin de maintenir la mémoire immunologique. Il est donc capital de comprendre les mécanismes d'induction, de maintien et d'enclenchement des cellules mémoire T afin de développer des stratégies de vaccination qui pourraient induire une mémoire immunologique à protection prolongée.
Une composante essentielle définissant l'efficacité de la réponse immunitaire générée contre des virus, des bactéries intracellulaires ou des tumeurs par un vaccin est son habilité à produire une réponse vigoureuse des lymphocytes T cytotoxiques (LTC) CD8+. Les LTC reconnaissent l'antigène en tant que fragments peptidiques de huit ou neuf acides aminés provenant de la digestion protéolytique de protéines présentées par la molécule du complexe majeur d'histocompatibilité de classe I (CMH).
Des recherches menées par plusieurs laboratoires ont montré que le secret de la présentation par le CMH classe I est d'introduire l'antigène dans le cytoplasme des cellules qui présentent l'antigène (CPA). Là, celui-ci est décomposé en peptides par le protéasome, un complexe d'enzymes protéolytiques, et absorbé dans le réticule endoplasmique par des molécules spécifiques de transport, qui permettent ainsi aux peptides d'être chargés sur les chaînes nouvellement produites de molécules CMH de classe I. Les peptides, s'associant avec suffisamment de force, stabilisent les molécules CMH de la classe I, qui sont par la suite transportées à la surface des CPA où tout ce complexe est présenté aux récepteurs des cellules T.
Les cellules nommées CPA professionnelles, ont en plus de cela, la possibilité d'exprimer des molécules telles que les B7.1 et B7.2, qui four-nissent des messages de co-stimulation aux cellules T pendant leurs interactions avec le complexe antigène-CMH. Ceci est en fait une exigence nécessaire pour provoquer l'activation des cellules T. De nombreux virus et plasmides d'ADN ont la possibilité d'accéder au cytoplasme des cellules CPA professionnelles.
Ces observations constituent la base scientifique du développement des vaccins à base de vecteurs rétroviraux et des vaccins à base d'ADN. Toutefois, puisque la qualité de la réponse immunitaire dépend de la façon dont l'antigène est présenté par les cellules CPA professionnelles, les macrophages et les CD en particulier, plusieurs stratégies ont été récemment développées afin d'exploiter la fonction de phagocytose des CPA professionnelles. Des protéines couplées à des billes de dimensions de l'ordre du micron ont été introduites dans des cellules par phagocytose, ce qui a permis une présentation très efficace des antigènes par le CMH de classe I.
Par la suite, cette technique a aussi servi à induire des réponses CMH classe II restreintes des cellules T auxiliaires, ce qui pourrait être essentiel à une induction optimale des LTC. Il faut souligner que cette technique a très bien fonctionné in vivo, provoquant de très fortes répon-ses de la part des LTC lorsque la combinaison bille-antigène a été injectée sans adjuvant. Utilisée dans un système modèle pour l'étude des réponses anti-tumorales, cette technique a produit des LTC capables d'activité in vivo.
Ainsi, de fortes évidences scientifiques soutiennent l'utilisation de cellules professionnelles CPA, et plus particulièrement les CD, en tant qu'adjuvants dans les stratégies d'immunisation et de vaccination cherchant à induire une réponse immunitaire de longue durée.
Selon leur distribution anatomique, leur phénotype et leur fonction, trois types ou populations de cellules ont été identifiés in vivo :3
I les cellules de Langerhans (CL) localisées dans l'épiderme et les muqueuses, qui expriment CD1a, la cadherine-E (CLA, cutaneous-associated antigen) et l'antigène Lag.
I Les CD interstitielles CD1a+, localisées particulièrement dans le foie, les reins et le cur. Les CL et les CD interstitielles captent l'antigène dans les tissus périphériques et migrent vers les organes lymphoïdes en réponse aux stimuli inflammatoires.
I Les CD matures activées CD1a+ et CD83+, qui expriment des niveaux élevés de CMH classe I et II ainsi que des molécules co-stimulatrices, (voir ci-dessous). C'est pour cela qu'elles présentent efficacement l'antigène aux cellules T CD4+ et CD8+ dans les ganglions.
La maturation et la physiologie des CD immatures ont été intensivement examinées in vitro. Les CD immatures captent et transforment l'antigène à la périphérie. L'internalisation de l'antigène soluble se fait par macropynocytose4 et/ou par endocytose.5 Deux types de récepteurs sont impliqués dans le processus d'absorption : les récepteurs Fc et de mannose. Les CD immatures peuvent apprêter les antigènes tant pour présentation par le CMH classe I que par le CMH classe II. Suite à la maturation, ces fonctions de capture et d'absorption sont perdues. Après la capture et l'absorption de l'antigène, les CD immatures quittent les tis-sus périphériques et migrent vers les organes lymphoïdes.6 Cette migration est le résultat d'un changement dans l'expression de récepteurs de chémokines : la baisse du niveau d'expression de CCR5 et de CCR1 et l'expression nouvelle de CCR7, qui est le récepteur pour la chémokine des tissus lymphatiques secondaires (SLC) produite par les organes lymphoïdes.
Les CD matures forment par la suite des grappes avec les lymphocytes T à l'aide de plusieurs types de molécules d'adhésion et par une liaison spécifique des récepteurs T au complexe peptide-CMH qui envoie le signal de stimulation aux cellules T. L'interaction entre B7.1/B7.2 exprimée sur les CD matures et CD28 exprimé par les lymphocytes T correspond au signal de co-stimulation qui prévient l'anergie des cellules T.7 Une autre interaction cruciale est celle entre CD40 sur les CD et CD40L sur les lymphocytes T activés.8 Cette interaction stimule la production d'interleukine-12 par les CD, et favorise ainsi les réponses de type Th1.9,10 L'activation des CD par CD40 rend les CD aptes à mieux stimuler les cellules T CD8+spécifiques à l'anti-gène.
Sur la base de leur ontogénie, deux stratégies majeures ont été développées pour créer des populations de CD enrichies pour des stratégies de vaccination.
La première profite de la capacité des précurseurs CD34 de la moelle osseuse,11,12 du sang périphérique13 et du sang du cordon ombilical14 de se différencier en CD matures, in vitro, dans une période de quatorze jours en présence de GM-CSF et de TNF-a.
La limitation de cette stratégie est la pureté limitée (50%) des CD matures obtenues et, plus important encore, dans la difficulté de séparer l'étape de capture d'antigène et d'absorption de la phase de présentation.
La seconde stratégie implique la génération de CD à partir de monocytes CD14+ du sang. Cette stratégie permet de développer, en présence de GM-CSF et IL-4, des populations constituées à 90% de CD immatures.15 Cette méthode permet de différencier l'étape de capture et d'absorption de l'antigène de celle de sa présentation, car l'ajout des stimuli appropriés, le TNF-a ou le CD40L, se fait au cours de la culture afin de promouvoir la maturation des CD. Le moment où l'antigène doit être rajouté à la culture dépend strictement du type d'antigène. Comme les antigènes tumoraux nécessitent capture et transformation, ils doivent être rajoutés à la culture des CD immatures, après cinq à sept jours, en présence de GM-CSF et IL-4. Toutefois, les peptides synthétiques (de neuf acides aminés) qui s'associent directement aux molécules de CMH sans être modifiés, peuvent être rajoutés aux CD matures, après deux jours de culture, avec du TNF-a et/ou CD40L.
Les préparations pour les protocoles d'immunisation doivent être dépourvues de tout antigène xénogène ou allogène, provenant du sérum ftal de veau, de protéines ou d'anticorps. Ces derniers, en particulier, peuvent interférer avec la capture et la transformation de l'antigène.
De plus, il est important de ne pas supprimer les fonctions endogènes des CD. Il a été démontré que l'infiltration des tumeurs par des CD est un bon facteur de pronostic dans différentes formes de cancers. Toutefois, les cellules cancéreuses peuvent produire certaines cytokines, telles que l'IL-10, qui suppriment la fonction des CD.16
C'est pourquoi le choix des conditions de culture peut influencer la pureté, la maturation et la physiologie des CD, tandis que l'environnement in vivo (par exemple la présence de cytokines) peut supprimer leur fonctionnement.
Les vaccins à base de CD ont été développés dans le cadre des vaccins anti-tumoraux. L'objectif est d'obtenir une stimulation optimale des cellules T cytotoxiques par les CPA qui expriment un antigène associé à la tumeur (AAT). Pour les AAT non identifiés, les cellules tumorales sont ajoutées aux cultures de CD. Dans le cadre d'un AAT identifié, des peptides de neuf à onze acides aminés restreints au CMH classe I peuvent être rajoutés aux CD matures. Il a été suggéré que l'utilisation de chaî-nes plus longues de peptides ou de protéines entières est une meilleure stratégie pour la composition des vaccins à base de CD, car elle offre aux CPA une plus large gamme pour le choix du meilleure peptide pour la présentation. De plus, un AAT cloné peut être utilisé en tant que ADNc. Un certain nombre de vecteurs viraux peuvent être utilisés pour charger les CD.
Des réponses cliniques ont été obtenues dans trois cas sur cinq dans le cadre de l'utilisation des vaccins à base de CD17pour des cas tels que : mélanomes, lymphomes des cellules B, cancers rénaux et cancers de la prostate. Si toutefois les réponses cliniques observées sont limitées, il est important de noter que des réponses biologiques anti-tumorales ont été observées dans tous les cas. De plus, il faut souligner que toutes les études cliniques ont été menées sur des patients à des stades avancés de la maladie.
Même si ces premiers résultats cliniques sont prometteurs, des inquiétudes demeurent quant à la sécurité de vaccins à base de CD. Dans cette optique, une étude récente a montré que les vaccins à base de CD peuvent causer des maladies auto-immunitaires lorsque l'antigène tumoral n'est pas spécifique et qu'il est aussi présent dans les organes lymphoïdes périphériques.18 Toutefois, même si les vaccins à base de CD représentent une stratégie intéressante pour développer des réponses immunitaires à médiation cellulaire spécifiques de l'antigène, il est fondamental de considérer avec une attention particulière les limitations et les dangers potentiels de l'utilisation des vaccins à base de CD pour certains antigènes.