L'étude des manifestations psychiatriques après lésion cérébrale constitue une approche séduisan-te dans la recherche sur l'étiologie des maladies mentales. Pourtant, les résultats obtenus montrent la nature essentiellement complexe de l'association existant entre l'atteinte neurologique et les symptômes psychiques. Des difficultés liées à l'établissement d'un diagnostic, la superposition avec des troubles neuropsychologiques et la fluctuation de la symptomatologie sont des difficultés qui nécessitent une approche multi-disciplinaire et nuancée dans ce domaine. Les troubles psychiatriques, la souffrance spécifique du malade et de ses proches doivent être pris en compte. Dans cet article, nous exposons quelques résultats obtenus dans les études sur des patients parkinsoniens ou ayant subi un AVC, ainsi que des aspects concernant la prise en charge thérapeutique.
Les problèmes psychiatriques et psychosociaux sont fréquents chez les patients atteints de maladies somatiques, plus particulièrement dans les affections chroniques. La dépression majeure et les symptômes dépressifs font partie des problèmes les plus fréquents, avec une récurrence impressionnante de situations sous-diagnostiquées et/ou sous-traitées.1
Il est évident que les affections neurologiques sont aussi associées à des manifestations psychiatriques, avec par exemple 40% de dépression dans la maladie de Parkinson, et de 10 à 50% pour la sclérose en plaques. Ces symptômes psychiatriques résultent de changements structuraux du cerveau ou de l'impact psycho-social que ces événements ont sur la vie quotidienne du patient. De plus, certains traitements classiques en neurologie, comme par exemple l'utilisation des corticostéroïdes peuvent entraîner des effets secondaires psychiatriques. Tout symptôme psychiatrique doit ainsi être l'objet d'une investigation médicale et neurologique attentive, pour préciser une éventuelle origine organique.
Il faut évoquer également les nombreuses situations où problèmes psychiatriques et neurologiques coexistent. Les patients épileptiques peuvent avoir des convulsions psychogènes, un ictus peut survenir chez un patient très anxieux ou atteint d'un trouble de la personnalité. Il est clair que les facteurs psychologiques modulent l'affection médicale et réciproquement, c'est ainsi la situation la plus fréquemment rencontrée qui requiert les efforts conjoints de nos deux disciplines.2
Certains patients peuvent être très handicapés par l'atteinte organique, alors que d'autres ont l'expérience d'une grande souffrance dans leur adaptation ou leurs réactions à la maladie. D'autres vies au contraire sont marquées par l'équilibre délicat à trouver avec les traitements proposés. En général, les problèmes rencontrés sont une combinaison de ces trois dimensions, à considérer dans les prises en charge.
Il est important en effet de connaître, sur un plan neurobiologique, quel est le fonctionnement neuropsychologique, les dommages structurels, la durée de l'affection, l'efficience du métabolisme cérébral ou les altérations du système de neurotransmission. Mais tout cela n'exclut pas que la maladie survient chez un individu particulier, avec sa souffrance spécifique, ses crain-tes, ses ressources adaptatives, ses pathologies pré-morbides, ses événements de vie, son réseau naturel et son acceptation ou non des pertes subies. La médication enfin, avec ses effets secondaires, ralentissement ou activation, sa capacité à créer des états confusionnels et de manière générale à modifier le métabolisme cérébral, n'est pas à négliger dans l'appréciation globale de la situation (tableau 1).3,4
Une atteinte cérébrale peut accroître une vulnérabilité constitutionnelle aux affections psychiatriques, et surtout altérer la capacité du sujet à s'adapter aux changements existentiels, entraîner des pertes de statut ou de rôle, la rupture de relations affectives et de liens socio-professionnels, jusque-là constitutifs de l'identité. C'est sans compter de plus les atteintes physiques comme les hémiparésies, ataxies, les troubles du champ visuel ou de l'audition, les aphasies et les foyers épileptiques qui ne font qu'augmenter la complexité des situations (tableau 2).5Nous développerons plus spécifiquement les états dépressifs après accident vasculaire cérébral (AVC).
Les estimations de la prévalence de la dépression majeure faisant suite à un accident vasculaire cérébral varient selon les études de 23-60%.6 Si l'on considère les trois premiers mois post-AVC, on admet un taux de 25% de dépression majeure et de 20% de dépression mineure, les évaluations douze à dix-huit mois après AVC montrent un taux qui correspond au double de la prévalence dans la population générale. Si après deux ans la plupart des cas de dépression majeure sont en rémission, des symptômes mineurs persistent souvent plus longtemps. Certains auteurs ont insisté sur le cours chronique de la dépression, d'autres sur la résolution spontanée à une année. Une large étude récente montre un résultat plus nuancé avec 33% des patients qui récupèrent et 40% qui ont des symptômes persistant à un an.7
Des antécédents de dépression ou un trouble dépressif familial constituent de façon non surprenante des facteurs de risque, allant dans le sens des théories actuelles d'une prédisposition génétique aux troubles de l'humeur responsable d'une partie de la vulnérabilité individuelle. Il a été démontré également que des événements de vie majeurs survenant dans les six mois précédant l'AVC augmentent les risques de développer une dépression de plus de deux fois.8
La présentation clinique de la dépression post-AVC est similaire à celle survenant en dehors d'une atteinte neurologique. Une des difficultés souvent évoquées est liée au fait que des symptômes cognitifs comme les troubles de la concentration, de l'attention, et un ralentissement sont fréquents dans les deux affections. Par ailleurs, des symptômes tels qu'indifférence, labilité émotionnelle, anosognosie, apathie peuvent survenir de façon isolée, en cas de lésion neurologique, sans faire partie d'un tableau dépressif. Dans le même sens, une atteinte hémisphérique droite peut engendrer une dysprosodie qui pourrait être interprétée comme signe dépressif. Ces nuances prises en compte et bien que les symptômes somatiques de la dépression puissent être présents indépendamment d'un trouble de l'humeur, les critères diagnostiques des classifications internationales (DSM-IV ou ICD 10), peuvent être appliqués sans aboutir à un nombre significatif de faux positifs.9 Il s'agit toujours de s'enquérir de l'humeur de base accompagnant par exemple des «orages émotionnels» et de s'intéresser aux symptômes dépressifs centraux (humeur déprimée, anhédonie, sentiment de dévalorisation, culpabilité, idéation suicidaire). L'aphasie est un obstacle majeur à l'établissement d'un diagnostic. Des échelles spécifiques analogiques ont été développées dans ce sens mais ne résolvent pas complètement le problème étant donné que l'atteinte dépasse souvent les troubles de l'expression mais concernent également la compréhension.10Malgré cette complexité diagnostique liée à l'atteinte neurologique, un des obstacles au diagnostic, conduisant à une sous-évaluation et au sous-traitement, pourrait être lié à des aspects plus relationnels, à savoir une difficulté à aborder des aspects émotionnels au cours de l'entretien médical (tableau 3).
Alors que les premières études systématiques rapportaient que l'hémisphère gauche est plus souvent impliqué que le droit, en particulier, la région frontale antérieure gauche, certaines étu-des plus récentes n'ont pas retrouvé ce type de corrélation anatomo-clinique. Dans une revue récente, on dénombre en effet quatorze études qui ne trouvent aucune différence entre atteinte hémisphérique droite ou gauche, huit qui montrent une fréquence plus élevée à gauche et trois montrant un taux supérieur à droite et le rôle de la localisation n'est pour l'heure pas clarifié.7,11,12
Une association entre dépression et handicap fonctionnel a été clairement établie sur de larges cohortes.13 Le lien de causalité n'est pas tout à fait établi et l'impact d'un traitement antidépresseur sur la récupération fonctionnelle reste à être mieux étudié. Un des aspects de cette problématique est illustré par des études autour de la symptomatologie de fatigue. La fatigue est l'un des symptômes les plus fréquents après un AVC, rapporté par 68% des patients contre 36% dans un groupe contrôle dans une étude récente.14 Ce symptôme est présent indépendamment d'une dépression dans une majorité de cas, mais il semble que l'impact fonctionnel de la fatigue est nettement plus important chez les sujets déprimés tant sur le plan physique que cognitif. La prise en charge de la dépression pourrait ainsi réduire l'impact négatif de la fatigue.
La dépression constitue un facteur de risque augmentant la mortalité chez les patients cardiovasculaires, notamment dans le cadre des maladies coronariennes. Récemment, il a été démontré dans une large étude épidémiologique que la dépression constitue également un facteur de risque augmentant la mortalité post-AVC. Les mécanismes impliqués paraissent indépendants d'un comportement qui augmenterait les autres facteurs de risque (tabagisme, sédentarité, hypertension, diabète) et pourraient être d'ordre immunologique ou neuroendocrinien mais restent à être déterminés.15Le risque suicidaire chez les patients après AVC est plus élevé que celui de la population générale, particulièrement chez les femmes de plus de 60 ans. Un auteur fait l'hypothèse d'un risque plus élevé en relation avec certains handicaps spécifiques, notamment l'incontinence urinaire.
Plusieurs études contrôlées ont montré l'efficacité des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (par exemple : paroxétine, citalopram), qui constituent le premier choix dans le traitement de la dépression post-AVC.16 Des molécules plus récentes ayant une double action sérotoninergique et noradrénergique (par exemple : venlafaxine) ont été utilisées avec succès dans des essais cliniques ouverts. La venlafaxine élève la pression artérielle et doit être prescrite avec prudence chez l'hypertendu. Les tricycliques sont à éviter en raison de leurs effets secondaires sur le système cardiovasculaire. La prescription de miansérine dans un but de prévention de la DPA a fait l'objet d'une étude contrôlée sans montrer d'impact ni sur la survenue d'une dépression ni sur l'évolution globale.
Les traitements psychostimulants (par exemple : méthylphénidate) pourraient avoir un intérêt particulier dans cette indication étant donné leur impact favorable sur les troubles cognitifs, leur effet rapide sans période de latence et le peu d'effets secondaires, mais il manque pour l'heure d'études en nombre suffisant. Une étude contrôlée contre placebo17 en phase aiguë post-AVC (trois premières semaines) montre un impact favorable sur les symptômes dépressifs, sur la mesure de l'activité quotidienne et sur la récupération motrice.
De faibles doses de psychostimulants sont utiles en cas de syndrome apathique. La labilité émotionnelle répond parfois à un traitement sérotoninergique ou tricyclique à faible dose.
La manie est caractérisée par une accélération du cours de la pensée, une excitation, une augmentation de l'énergie et de l'élan vital, une réduction du besoin de sommeil. Dans les rares cas observés dans les suites d'un AVC, les lésions étaient localisées dans l'hémisphère droit (thalamus, lobe temporal, tête du noyau caudé) ou lors de lésion bilatérale du cortex frontal. Des symptômes psychotiques (hallucinations ou délire) peuvent apparaître dans les suites d'un AVC. Un diagnostic différentiel doit permettre d'apprécier la présence d'une éventuelle démence sous-jacente qui pourrait favoriser l'apparition de ces symptômes ou d'un état confusionnel survenant dans les suites d'un AVC.
Parmi d'autres maladies neurologiques possibles, en particulier la sclérose en pla-ques, nous aborderons plus spécifiquement la maladie de Parkinson, qui nous semble aussi exemplaire de l'approche multimodale nécessaire en neurologie.
Sous le terme de «mouvements anormaux» est compris un groupe de maladies qui affecte la qualité des mouvements volontaires, ou produit des mouvements non volontaires ou les deux. On y trouve le syndrome parkinsonien, le tremor, la dystonie, les myoclonies, la chorée et les stéréotypies. Plusieurs de ces maladies sont assez fréquemment accompagnées par des troubles de la perception, de la mémoire, du langage ou de l'humeur. Pour le Parkinson en particulier, on décrit des fluctuations d'humeur parallèlement au taux plasmatique de lévodopa. Il semble que ce phénomène soit lié à un effet cérébral direct de cette substance, en tout cas dans les Parkinson débutants, alors que plus tardivement les fluctuations d'humeur sont semblables en étiologie à la fluctuation motrice. Une bonne part de patients atteints d'une maladie parkinsonienne développent des dépressions majeures persistantes. Actuellement, les antidépresseurs de la dernière génération semblent les plus efficaces et les moins susceptibles d'entraîner des effets secondaires. La psychose également est une complication fréquente de la maladie de Parkinson, mais là aussi les études désignant les médicaments de choix manquent. Notre expérience personnelle fait confiance aux neuroleptiques atypiques comme la clozapine qui entraînent peu d'effets secondaires, sauf ceux bien connus sur la lignée sanguine.
La neurobiologie de la psychose dans le Parkinson est encore mal connue. Les antiparkinsoniens, en tout cas la lévodopa (Madopar®, Sinemet®), mais aussi les agonistes de la dopamine (Permax®), peuvent entraîner, au long cours, des confusions mentales ou des hallucinations.
Enfin une gamme de déficits cognitifs et d'attention ont également été décrits dans cette atteinte, le plus fréquemment, il s'agit de déficits subtils qui sont attribués à des dysfonctions des circuits frontaux corticostriés. Cela impli-que surtout des difficultés à poursuivre une tâ-che en présence d'interférences ou au contraire à pouvoir s'adapter rapidement. Il n'est pas clair si les dysfonctions frontales du Parkinson sont dues à une perte de l'innervation dopaminergique du cortex frontal ou s'il s'agit plutôt d'une perte de la stimulation normale à partir des ganglions de la base, jusqu'au cortex frontal à travers le thalamus ou une combinaison des deux. Une autre difficulté cognitive fréquente dans le Parkinson est le développement tardif d'une démence qui a été estimée de 10 à 20% des patients. Il apparaît de plus en plus clairement que dans ces cas-là, il ne s'agit pas d'un phénomène lié au manque de dopamine, mais plutôt à d'au-tres facteurs qui pourraient inclure la coexistence d'un Alzheimer, une atrophie multisystémi-que avec perte au niveau d'autres noyaux souscorticaux, ou à une présence diffuse de corps de Lewy (DLBD).
Une autre étude récente, utilisant la résonance magnétique, a attribué à une éventuelle atrophie de l'hippocampe les déficits verbaux, visuels, ou ceux de la mémoire spatiale ou de la capacité adaptative des patients.18,19
Les traitements d'électrostimulation dans la maladie de Parkinson, par implantation d'électrodes au niveau des ganglions de la base, notamment du noyau sous-thalamique ont été récemment introduits et constituent une situation équivalente à une lésion circonscrite induite par stimulation électrique et réversible à l'arrêt de la stimulation. Un cas spectaculaire de «dépression aiguë transitoire» a été récemment décrit et bien documenté20dans lequel la stimulation de la partie centrale de la substantia nigra à gauche a provoqué un syndrome dépressif aigu, remplissant les critè-res d'une dépression majeure (sauf la durée), quelques secondes après le début de la stimulation et disparaissant 90 secondes après l'arrêt de la stimulation, la patiente présentant alors pendant plusieurs minutes un état hypomane, ce qui a été reproduit à plusieurs reprises. Cet exemple montre qu'une lésion circonscrite peut avoir un effet majeur sur l'état thymique probablement par une interférence créée dans un circuit responsable de la régulation de l'humeur.
Les aspects neurobiologiques sont fondamentaux, mais ils se couplent à la dimension du malade lui-même et de ses proches.
La maladie parkinsonienne opère en effet un remaniement complet du rapport au corps du malade, et de toute la phénoménologie de la construction de soi (identité) qui fait assise sur le corps et dans les relations sociales.
Indépendamment de sa volonté, le malade va devoir composer avec des rythmes qui lui sont imposés par la maladie elle-même (en fonction des positions off, on, des phases spastiques ou agitées) ou dépendant largement de l'administration adéquate d'une combinaison subtile de médications. La journée doit être ainsi planifiée méticuleusement en fonction des plages où l'on se sait le plus fonctionnel, avec pas mal d'insécurité, ce d'autant plus que tout l'équilibre est tributaire de réactions émotionnelles intempestives (à quel moment le plus inopportun le corps risque-t-il de vous lâcher, en ville, sur le seuil d'un bus, dans une interaction importante ?). Il y a aussi toutes les angoisses liées à l'enfermement potentiel dans un espace, une coque somatique que l'on ne reconnaît pas toujours dans ses réactions et très différente de l'image que l'on avait de soi-même.
Les oscillations de rythme, d'humeur, les mini-altérations corporelles, les phases dépressives imprévues et les troubles du sommeil et de l'attention non négligeables, succèdent à des moments où l'on se sent tout à fait bien, et capable de grands projets, ce qui épuise à la longue les ressources adaptatives des patients les plus lutteurs (tableau 4).
On l'a vu au cours de cet article, l'approche psychologique va beaucoup dépendre du bilan neurologique de départ (il y a en effet une grande différence entre destruction totale d'une zone bien délimitée comme dans l'AVC, ou au contraire d'autres tableaux cliniques où l'on voit une combinaison d'atteintes localisées diffuses à un degré et une distribution imprévisible, souvent mal évaluable).
Précisément parce que beaucoup de mécanismes cérébraux subtils ont des chances d'être perturbés (beaucoup de patients se plaignent en effet du décalage qu'ils vivent entre leur ressenti subjectif et l'affirmation objective que l'on donne de leur maladie), les effets cliniques peuvent toucher différents domaines concernant le vécu du malade, son expérience de vie, son fonctionnement interpersonnel et social.
Il est très différent d'avoir à traiter les trou-bles du comportement d'origine organique et des déficits, sur un mode pharmacologique, neuroréadaptif, voire comportementaliste, quand le malade est limité dans ses implications, et un problème d'adaptation à une nouvelle vie, avec un travail nécessaire sur les limites imposées par la maladie, les deuils incontournables, mais également les espoirs, les ressources à valoriser, chez quelqu'un de tout à fait compétent sur le plan cérébral. Il faut également considérer que rien n'est statique et que les malades les plus infortunés peuvent reconquérir avec le temps des capacités remarquables, alors que d'autres avec lesquels une alliance psychothérapeutique s'était très fortement développée, s'éloignent progressivement de leur capacité d'insight et de leurs ressources élaboratives, parce qu'une touche organique, jusque-là peu perceptible, se met à dominer soudainement la relation.
Nous avons décrit quelques pistes démontrant de manière très succincte les intrications de la neurobiologie et de la psychiatrie/psychologie pour la prise en charge des patients neurologiques.
Cette intrication, qui dépasse largement les problèmes de psychologie médicale et d'adaptation à la maladie, démontre bien la complémentarité entre une pensée ontologique expliquant le fonctionnement cérébral (et certaines pathologies psychiatriques) et une pensée plus hippocratique s'adressant à la dimension du sujet et de sa souffrance spécifique.
Néanmoins, les récents développements dans la compréhension du rôle possible du cortex pré-frontal, dans la gestion des émotions et de la cognition, offrent des pistes fécondes pour le développement de la neuropsychiatrie, puisque l'origine des compétences les plus caractéristiques de ce qui fait que l'être humain est ce qu'il est (interaction sociale, self-contrôle, créativité et pensée) lui est attribuée.
Ce n'est ainsi pas surprenant que les théories physiopathologiques de presque toutes les affections psychiatriques y trouvent leur origine.21
Dans le cas de la schizophrénie par exemple, des études fonctionnelles d'activation ont montré une réduction de l'activité frontale et une augmentation de l'activité temporale. Plusieurs auteurs s'accordent à dire que les résultats observés reflètent probablement des troubles de la connectivité entre régions cérébrales, par exem-ple entre région frontale et temporale plutôt que des dysfonctions fonctionnelles localisées.22
Dans la dépression, des études d'imagerie fonctionnelle ont montré une activation plus importante du cortex préfrontal médial gauche et du gyrus cingulaire droit chez des patients déprimés comparés à des sujets normaux. Dans une épreuve d'activation par la visualisation d'un film à caractère triste,23 une modulation de l'activation, engendrée par une tâche cognitive (épreuve de fluence verbale), a été démontrée dans des études PET, tant dans le cas d'une humeur déprimée que maniaque. Une diminution du flux cérébral au niveau du cortex préfrontal et cingulaire antérieur a notamment été décrite.24 Or ce dernier, du point de vue de sa connectivité, comporte au moins trois composantes : affective, cognitive et motrice.25
En raison de l'importance que jouent ces zones dans la pathogenèse des troubles psychiatriques «non organiques», survenant en dehors d'une atteinte neurologique manifeste, les syndromes cérébraux organiques qui s'y développent sont spécialement importants pour notre compréhension de l'esprit humain.