Une chimioprophylaxie est uniquement indiquée lorsque le bé-néfice des infections prévenues est plus important que l'inconvénient des effets indésirables, ce qui n'est pas le cas en situation de faible risque. Le choix du médicament dépend de la situation épidémiologique à la destination, de son efficacité et des effets indésirables, peut-être dans l'avenir aussi de son prix. En vue des effets indésirables dus aux antipaludéens utilisés en prophylaxie et du manque de compliance, la situation actuelle n'est pas satisfaisante, mais il existe des nouvelles substances prometteuses.
Une chimioprophylaxie est indiquée lors-que le bénéfice de prévention des infections est plus important que l'inconvénient des effets indésirables. C'est sans doute le cas pour les zones à haute endémicité (sauf à l'occasion de très brefs séjours, comme par exemple pour les équipages de compagnies aériennes), alors que ce n'est pas le cas pour les zones à faible endémicité (fig. 1). Souvent, des connaissances approfondies concernant le degré d'endémicité pour un lieu spécifique et pendant une période spécifique seraient souhaitables, mais en général ces données sont difficiles à obtenir, parfois même (périodes de pluies ! El Niño !) impossibles à prévoir.
Ainsi, pour bien choisir une chimioprophylaxie antipalustre il nous faut tout d'abord connaître le risque d'infection. En absence d'une chimioprophylaxie, le risque d'acquérir un paludisme par mois de séjour est estimé à 8% aux îles Salomon, à 2,4% en Afrique de l'Ouest, et à 1,5% en Afrique de l'Est. Ce risque est nettement inférieur en Amérique latine (0,01-0,05%) (1,2 et données non publiées). Selon des récentes études analysant des anticorps circumsporozoïtes (CS) l'exposition aux plasmodia est bien plus importante que le laissent supposer les taux d'attaque : des taux de 1,1-3,4% en Asie, de 2,4-4,2% en Amérique latine et de 15,4-22,2% ont été rapportés après un séjour de 14-120 jours.3
L'efficacité varie selon le médicament et la destination pour laquelle celui-ci est utilisé.2,4,5-8Dans le tableau 1 un résumé synoptique est proposé. Parfois des doutes subsistent, notamment lorsque le pourcentage d'échecs d'une chimioprophylaxie ne correspond pas uniquement à des chimioprophylaxies «bien conduites».
Aucun médicament n'est dépourvu d'effets indésirables (EI) ; les caractéristiques sont présentées ci-dessous. Il est important de hiérarchiser les effets secondaires :
I faibles : peuvent mener à un malaise temporaire sans conséquences ;
I intermédiaires : menant à des symptômes qui aboutissent à une incapacité ou à un abandon de la prophylaxie ;
I sévères : ayant pour conséquence une hospitalisation ou autre conséquence similaire.9
Chaque antipaludéen a un profil spécifique d'effets indésirables. Les EI neuropsychologiques sont surtout associés à la méfloquine.2,10,11 Les plus fréquents sont des vertiges et des troubles du sommeil, les plus sérieux les psychoses et les accès épileptiques. Par contre, l'utilisation de la combinaison de chloroquine plus proguanil est associée à des aphtes et des troubles digestifs ;2 le profil des EI légères est similaire à celui de la méfloquine. La chloroquine est aussi associée à de rares problèmes du système nerveux central comme nous l'avons décrit pour la méfloquine.2 Quant à la doxycycline, les EI typiques sont la photosensibilité, l'sophagite et la candidose vaginale.11 Les incidences sont résumées dans le tableau 1 adapté à partir de publications antérieures.10,12
Dans les analyses des EI on observe des différences de données et par conséquent d'opinion. Ceci est le résultat de différences d'objectif, de méthodologie et de populations examinées (tableau 2). De plus, une atmosphère anti-méfloquine créée par les médias, spécialement en Grande-Bretagne, a intensifié la vigilance du public, ce qui peut en partie expliquer les taux élevés d'EI sévères dans l'étude britannique.11
A noter que, bien que 14 cas de décès dans les 14 millions d'utilisateurs de méfloquine à titre prophylactique aient été investigués en détail, aucun n'a été associé avec certitude à cette chimioprophylaxie.
La plupart des voyageurs qui suspectent avoir une attaque de paludisme peuvent obtenir rapidement une assistance médicale. Toutefois, une minorité de person-nes exposées aux risques d'infections ne peuvent avoir accès à des soins dans les 24 heures qui suivent l'apparition des symptômes, étant dans un endroit éloigné d'un service médical compétant. C'est pourquoi nous prescrivons des antipaludiques à emporter pour auto-administration en cas d'urgence. Cette stratégie est uniquement à conseiller pour des zones à faible risque ou quand on doit considérer un risque substantiel des résistances à la chimioprophylaxie prescrite. D'une part, cette stratégie a l'avantage de résulter sans aucun effet indésirable chez ceux qui ne prennent pas des médicaments, d'autre part, elle a toute une série de désavantages : par expérience, nous savons qu'une majorité de ceux qui éprouvent une attaque fébrile ni ne visitent un médecin pour un diagnostic, ni n'utilisent leur traitement de réserve. D'autres utilisent leur traitement de réserve, ne souffrant pas de fièvre mais de diarrhée. Les auto-diagnostics ne sont pas fiables quand ils sont utilisés par des touristes.3 La méfloquine est le médicament pour traitement d'urgence ; prescrite le plus souvent en Suisse, elle a des effets indésirables très considérables.10,12
La nouvelle combinaison artéméther-luméfantrine (benflumetol CGP 56697) a montré une grande efficacité, quand six doses sont utilisées, résultant en une dose totale pour les adultes de 480 mg d'artéméther et 2880 mg de luméfantrine. Ceci a été très bien toléré et a résulté en une amélioration des symptômes plus rapide que par la méfloquine. Cette combinaison a été introduite dans plusieurs pays, entre autres la Suisse, comme le Riamet®, tandis que dans les pays en voie de développement le même produit à une dose inférieure et nommé Co-artem®, est vendu à un prix inférieur au nôtre.
Une autre combinaison, consistant en 250 mg d'atovaquone et 100 mg de proguanil par comprimé (Malarone®) a fait sa preuve en efficacité. L'halofantrine (Halfane®) est obsolète, ayant été associée avec plusieurs décès.
Pour bien choisir une chimioprophylaxie anti-palustre on devrait avoir une con-naissance approfondie du risque d'infection chez les non immuns en absence de chimioprophylaxie et ces données sont tout au plus rudimentaires ainsi que de l'efficacité et des EI des agents candidats ici, les données sont parfois contradictoires. Les recommandations divergentes s'expliquent surtout par le manque de données et les différences d'interprétation des lacunes.
Etant donné que le risque d'EI dépasse le bénéfice de prévention des infections dans les situations à faible risque, la chimioprophylaxie n'est pas toujours nécessaire.
La combinaison d'atovaquone et de proguanil à récemment été approuvée pour le traitement et l'auto-traitement du paludisme dans plusieurs pays européens. Pour la prophylaxie uniquement, le Danemark a donné son approbation du fait que cette combinaison a démontré une efficacité de près de 100%, mais ceci n'a été démontré que chez des semi-immuns africains. Aucune évaluation d'efficacité prophylactique n'a été menée chez des non immuns.
La tafénoquine est un médicament qui pourrait révolutionner la prévention du paludisme du voyageur. Une prise d'un comprimé chaque trois jours avant le départ offre une protection pour un mois. Les données sont encore insuffisantes pour bien juger cette substance intéressante ; des hémolyses sont à anticiper chez les personnes avec des déficiences des glucose-6-déshydrogénase.