Il existe désormais des outils efficaces pour se protéger contre les piqûres de moustiques. Pour les voyageurs, la prévention passe d'abord par une information précise sur les risques encourus en matière de maladies transmises par les moustiques. D'une manière générale, les répulsifs sont sous-utilisés ou mal utilisés. Leur sécurité d'emploi ne pose plus de problème. Leur utilisation sur les vêtements, efficace et plus durable, limite les applications dermiques. Des progrès rapides sont faits dans le domaine des fibres bio-actives. Ils sont mis à profit pour la mise au point de tissus d'habillement répulsifs et de moustiquaires imprégnées d'insecticide à longue durée d'action.
Compte tenu de l'essor du tourisme vers les pays tropicaux et l'accès à des zones de plus en plus reculées, les voyageurs ont un besoin grandissant d'informations précises sur les risques encourus, notamment en matière de santé. D'importantes maladies tropicales telles que le paludisme, la dengue, la fièvre jaune ou certaines encéphalites sont transmises par les moustiques. C'est pourquoi il est important de se protéger de leurs piqûres. Des revues exhaustives ont été récemment publiées sur ce sujet.1,2,3,4Elles contiennent une bibliographie très complète. Le présent article n'est pas une nouvelle revue du sujet mais a pour objectif de rappeler quelques principes importants en matière de protection contre les moustiques et de faire état des nouveautés et des tendances dans ce domaine.
Les voyageurs doivent pouvoir apprécier les risques pour mieux les gérer. Ils doivent connaître les méthodes de prévention et savoir les utiliser à bon escient. On estime globalement que moins de 20% des voyageurs se protègent régulièrement et efficacement contre les piqûres de moustiques. La majorité des voyageurs nord américains (90%) connaissent les risques liés au paludisme, mais si 70 à 80% suivent régulièrement une chimioprophylaxie, seulement 44% utilisent une mesure préventive contre les moustiques.5 Même pour une maladie aussi médiatisée que le paludisme, les modalités de transmission sont mal connues du grand public tout autant que le comportement des moustiques vecteurs.
La plupart des moustiques sont nocturnes et piquent entre le coucher et le lever du soleil, mais attention, certains piquent également de jour. Les vecteurs de la dengue par exemple, sont essentiellement diurnes (tableau 1).
En matière de paludisme, du fait de la résistance de Plasmodium falciparum aux antipaludiques, la chimioprophylaxie est devenue plus difficile à ajuster et n'est pas démunie de risques ou d'effets secondaires. Les risques pour le voyageur varient sensiblement selon les zones visitées et selon qu'il se trouve en ville ou non. Le voyageur visitant les grandes métropoles d'Asie du Sud-Est ou les zones de plaines (Cambodge, Laos, Thaïlande, Vietnam), n'a pratiquement aucune chance d'être infecté par P. falciparum. L'essentiel de la transmission de ce parasite ne se fait que dans les zones de collines boisées ou de montagnes. La multi-résistance du parasite dans l'ensemble de la région justifiant une prophylaxie lourde (doxycycline), sa mise en uvre ne s'impose pas nécessairement dans les zones où la transmission est nulle ou extrêmement faible. Dans ce cas, des mesures préventives contre les moustiques, correctement et systématiquement appliquées peuvent assurer une protection suffisante. En revanche, il va sans dire que le voyageur qui se rend dans les zones de transmission ou à proximité de celles-ci, doit impérativement se protéger des moustiques et prendre une chimioprophylaxie. Autre exemple, le voyageur qui se rend au Maroc, bien que ce pays soit encore officiellement impaludé, n'a virtuellement aucune chance d'être infecté et si, par extraordinaire il devait l'être, ce serait par P. vivax, espèce relativement bénigne qui, contrairement à P. falciparum, ne fait pas courir un risque vital.
Dans les zones de répartition de la dengue (essentiellement en Asie du Sud-Est, dans les îles de l'Océan Indien, en Amérique Centrale, du Sud et dans les Caraïbes), le risque d'être infecté par la dengue est relativement minime en dehors des périodes d'épidémie. En revanche, pendant ces périodes, le risque est réel et avec lui, celui de faire une forme hémorragique grave. Dans ce cas, la protection contre les moustiques s'impose, de jour comme de nuit.
La protection absolue n'existant pas, le voyageur doit pouvoir apprécier les facteurs de risque, adopter les mesures préventives ad hoc et les appliquer avec plus ou moins de rigueur selon le niveau de risque encouru. C'est bien évidemment un exercice difficile dans lequel il devra être aidé par son médecin traitant, les centres de vaccination et les voyagistes. Les loisirs occupent une place grandissante dans nos sociétés. Les individus sont de plus en plus demandeurs d'informations et accordent une plus grande attention à la préparation de leurs voyages. Par ailleurs, l'accès à l'information est grandement facilité par les moyens modernes de communication, Internet en tête. Il est essentiel de responsabiliser les voyageurs à travers une information précise et objective car c'est de la rigueur avec laquelle ils appliqueront les mesures de protection que dépendra le succès de la prévention.
Une documentation importante existe sur le sujet. L'OMS publie une brochure régulièrement mise à jour (Voyages internationaux et santé, vaccinations exigées et conseils d'hygiène, édition 2000, ISBN 94 2 258025 2). Des sociétés spécialisées telles que SMI Voyages et Santé en France publient des fiches Info Santé sur 156 destinations qui sont vendues à l'unité ou en set (disponibles aussi en CD-ROM pour 60 destinations, destiné aux professionnels). Elle a également un site Internet régulièrement mis à jour. Il existe des guides santé pour les voyageurs tels que «Saisons et climats : le guide du voyageur 2000 (J.N. Darde, Guides Balland)» ou même des logiciels d'informations médicales destinés aux conseillers santé-voyage tels que Méditravel, un CD-ROM mis à jour semestriellement (disponible auprès de SMI Voyages et Santé). Les références ci-dessus ne sont citées qu'à titre d'exemple. Il en existe d'autres bien entendu. A travers cet accès à une masse grandissante d'informations, les médecins traitants doivent aider leurs clients voyageurs à mieux apprécier les risques, qu'il s'agisse de la prévention contre les piqûres de moustiques ou d'autres mesures de protection relatives à la santé.
Il existe trois méthodes pratiques pour se protéger en extérieur contre les moustiques : les répulsifs, les vêtements imprégnés d'insecticide ou de répulsif et les tortillons fumigènes.
Globalement, les répulsifs ont une bonne efficacité mais ils sont encore sous-utilisés. Ils constituent pourtant la méthode de protection la plus efficace en dehors des périodes de sommeil même si, nous le verrons, quelques précautions s'imposent du fait de la toxicité relative de certains d'entre eux. En revanche, cette protection ne doit pas être utilisée pendant le sommeil ni de façon intense et continue. D'une manière générale, la pulvérisation de répulsifs sur les vêtements est tout aussi efficace et surtout plus durable que sur la peau. Elle s'impose systématiquement pour la protection des parties du corps recouvertes d'un vêtement quelconque. Dans ce cas, bien entendu, il ne faut pas appliquer le répulsif directement sur la peau. Il est important, quel que soit le produit, de respecter les instructions d'utilisation. Inutile de surdoser les répulsifs car la durée de protection conférée est proportionnelle au logarithme de la dose : une augmentation massive de celle-ci ne confère qu'un allongement minime de la durée de protection.
Les produits naturels à base d'essences de plantes ont d'une manière générale, une efficacité inférieure à celle des répulsifs de synthèse. Ils sont souvent utilisés en mélange, notamment pour apporter une odeur plus agréable. On trouve sur le marché un large éventail de préparations à base de citronnelle, d'eucalyptus (Qwenling), géranium, menthe, basilic et autres huiles essentielles. Le Qwenling a une durée d'action sur la peau de l'ordre de six heures qui le rapproche des produits de synthèse. Il existe également des produits à base d'extraits de graines de neem, à la fois actifs et à longue durée d'action, mais ils sont encore peu diffusés.
Les répulsifs synthétiques sont, par ordre d'importance, le Deet (diéthyltoluamide), le KBR 3023 (picaridin, Bayrepel®), le 35/35 (éthylbuty-lacétylaminopropionate) et l'EHD (éthylhexanédiol ou Rutgers 612). Quel que soit le produit utilisé, il faut éviter les applications massives et répétitives sur de longues périodes et ne jamais les appliquer sur les muqueuses ainsi que sur les zones sujettes à macération. L'emploi de pulvérisateurs pour la protection du visage est à proscrire au profit d'une application faite à la main en évitant soigneusement les yeux et les lèvres. Pour les enfants, le produit sur le visage doit être appliqué par un adulte. Il importe de ne pas chercher à saturer les zones à protéger et d'en éviter l'emploi sur des peaux particulièrement fragiles ou à problème (eczéma, blessures, etc.). Il est conseillé d'appliquer les répulsifs dès le coucher du soleil (et toute la journée en cas de séjour dans une zone où survient une épidémie de dengue). Compte tenu de la rémanence moyenne des produits, il est prudent, lorsque le voyageur prévoit de se coucher au-delà de 23 heures, de pratiquer une deuxième application sur la peau à nu.
Les parties du corps les plus exposées à la piqûre des moustiques sont les pieds, les chevilles et les coudes. Il est important de les protéger en priorité. Les moustiques piquent également à travers les vêtements. Les répulsifs sont tous aussi efficaces et beaucoup plus durables lorsqu'ils sont appliqués sur les vêtements, même lorsque ceux-ci sont amples. Dans ce cas, et contrairement à la peau, une seule application en début de soirée suffit. En fait, les répulsifs appliqués sur les tissus conservent leur efficacité pendant plusieurs jours. Cependant, comme les voyageurs sous les tropiques changent fréquemment de vêtement, il est plus prudent de recommander une application journalière systématique. Des bandeaux de cheville traités avec des répulsifs ont également une bonne efficacité.
Le Deet reste le produit le plus utilisé. On estime à 2 milliards le nombre d'applications de ce produit faites chaque année dans le monde. Son efficacité est connue et reconnue. Comme le Deet attaque les plastiques et un certain nombre de surfaces dont le verre organique, il est préférable d'éviter les bombes aérosol au profit des pulvérisateurs à main, de gel hydratant ou de rollon pour éviter les incidents. Des doutes ont été émis quant à l'innocuité du Deet, notamment vis-à-vis des enfants. Des cas d'encéphalopathie ont été observés (14 cas répertoriés), essentiellement chez des enfants (13 cas), ayant tous moins de 8 ans et ayant tous utilisé le Deet de façon massive et répétitive. Trois de ces cas ont été mortels, dont un enfant ayant une anomalie génétique, éventuel facteur aggravant. Depuis, l'innocuité du Deet a été confirmée et l'Agence américaine pour la protection de l'environnement (US-EPA) a conclu qu'il n'induisait pas de risque notoire pour la santé humaine et l'environnement. Elle a toutefois recommandé que des instructions précises figurent sur les étiquet-tes, notamment pour la protection des enfants. L'utilisation du Deet est déconseillée chez ceux qui ont moins de 5 ans et il est préférable d'uti-liser des préparations à faible concentration (15% et moins) pour protéger les enfants plus âgés.
La toxicité des autres produits n'a pas été mise en cause. Le KBR 3023 par exemple, qui est aussi efficace que le Deet, peut être utilisé chez des enfants de 2 ans et plus. Nombreux sont les médecins qui conseillent l'utilisation des produits autres que le Deet pour la protection des enfants, même au-delà de 5 ans. Dans ce cas, il appartient de vérifier la durée de protection conférée car elle varie légèrement d'un produit à l'autre.
Pour limiter les piqûres d'insectes, on a de plus en plus recours au traitement des vêtements avec de la perméthrine, un insecticide rémanent très peu toxique pour l'homme. Le produit utilisé doit contenir 25% de l'isomère Cis et 75% du Trans (perméthrine 25/75). Le traitement se fait à la dose d'environ 1 g/m2 par simple trempage dans une solution de perméthrine 25/75 ou par pulvérisation sur le vêtement. Ce traitement garde toute son efficacité pendant deux mois et résiste à huit lavages successifs à l'eau tiède et au savon. On trouve sur le marché (spécialistes de la protection des voyageurs) des préparations adaptées et d'utilisation facile (dont Insect Ecran®). Les armées de plusieurs pays, notamment les Etats-Unis et la France, traitent de façon systématique les tenues des soldats résidant en zones tropicales. Une vaste étude réalisée aux Etats-Unis a conclu que la manipulation de la perméthrine 25/75 pour le traitement ainsi que le port de vêtements imprégnés ne présentait pas de danger.5
Des recherches sont en cours pour traiter les fibres textiles de façon permanente avec des produits répulsifs ou de la perméthrine. Pour cette dernière, l'armée française utilise déjà des procédés de traitement qui résistent à plus de cinquante lavages. On trouve sur le marché des textiles traités à la perméthrine (Insectline®) pour la confection de vêtements et de nappes. L'utilisation éventuelle d'un autre insecticide fait actuellement l'objet d'essais. Il s'agit de l'étofenprox (Trebon®), un pseudo-pyréthrinoïde dont la sécurité d'utilisation est encore meilleure que celle de la perméthrine 25/75. Le traitement permanent des fibres textiles, qu'il soit à base d'insecticide ou bientôt de répulsif, assure une protection efficace et durable. Cependant, comme la plupart des répulsifs n'agissent pas à distance ou seulement de façon partielle, il est toujours préférable de compléter le port de vêtements imprégnés par des applications de répulsif sur les parties de peau à nu. Dans ce cas, la protection conférée est quasi absolue.
L'utilisation de répulsifs en fumigation est également indiquée en extérieur. Les voyageurs sont fréquemment piqués par les moustiques lorsqu'ils dînent en plein air ou passent un moment sur une terrasse après le dîner. Dans ce cas, l'utilisation de serpentins fumigènes (connus sous le terme de tortillons chinois) complète bien l'action des répulsifs appliqués sur la peau et les vêtements. La plupart des restaurateurs dans les zones tropicales placent ces tortillons sous la table ou sur la terrasse sur simple demande des clients. En revanche, l'utilisation des serpentins en intérieur est déconseillée, même s'ils sont très utilisés par les populations locales qui souvent, n'ont pas les moyens de s'offrir une meilleure protection.
Il existe quelques autres dispositifs ou méthodes de prévention. Citons par exemple les générateurs d'ultrasons qui ont fait l'objet de plusieurs tests et n'ont jamais eu le moindre effet sur les moustiques, si ce n'est dans l'esprit de certains utilisateurs crédules.
Les espaces totalement à l'abri des moustiques sont rares. Aussi, d'une manière générale, les voyageurs séjournant en zones tropicales devraient systématiquement utiliser des diffuseurs d'insecticide dans la chambre à coucher, pour autant qu'il y ait l'électricité. Un bon principe consiste à brancher le diffuseur dès l'entrée dans la chambre et à le laisser toute la nuit. Des diffuseurs équipés de flacons assurent une efficacité continue de l'ordre de deux semaines. Les voyageurs munis de diffuseurs à plaquettes devront renouveler celle-ci tous les jours en se couchant. Pour la première nuit, il est prudent de mettre une plaquette dès l'entrée dans la chambre et de la remplacer en se couchant s'il s'écoule un certain délai entre les deux. Les diffuseurs sont sensés être efficaces même avec les fenêtres ouvertes. Il est préférable toutefois de les garder fermées ou de ne les entrouvrir que légèrement pour éviter une trop grande dilution de l'insecticide. Tous ces dispositifs utilisent des insecticides à base de pyréthrines (les seuls recommandés) dont la toxicité pour l'homme est extrêmement faible. Cependant, on déconseille leur utilisation continue et prolongée pour ceux qui résident de façon permanente en zones tropicales.
Une chambre climatisée et parfaitement étanche abrite fréquemment des moustiques. C'est pourquoi, l'utilisation de diffuseurs d'insecticide ou une pulvérisation d'insecticide en aérosol en début de soirée reste préférable dans tous les cas.
En extérieur, dans les locaux sans électricité ou lors des séjours prolongés en zones d'endémie, l'utilisation de la moustiquaire imprégnée d'insecticide est fortement recommandée. La moustiquaire non traitée protège bien contre la nuisance engendrée par les moustiques et les autres insectes piqueurs. Cependant, son efficacité contre la transmission des maladies à vecteurs n'est pas totale. En Afrique, dans les zones à paludisme stable, environ 3% des moustiques vecteurs du paludisme sont infectants et ils transmettent à plus de 90% le P. falciparum. Il suffit qu'un membre du dormeur soit en contact avec la moustiquaire, ou que celle ci soit mal fermée ou légèrement trouée pour qu'il soit piqué et éventuellement contaminé. Pour résoudre ce problème, on imprègne la moustiquaire avec un insecticide. On utilise pour cela des pyréthrinoïdes stables, remarquablement efficaces contre les moustiques et relativement peu toxiques pour l'homme.6 Ce traitement constitue une barrière chimique qui double le niveau de protection conféré par la moustiquaire. L'insecticide a pour effet de repousser les moustiques (effet répulsif) ou de les empêcher de se déplacer le long de la moustiquaire à la recherche d'un repas de sang (effet irritant). Il a également un effet de choc ou «knock down» qui neutralise rapidement tout moustique qui aurait pu pénétrer dans une moustiquaire mal ajustée ou trouée.
Les moustiquaires imprégnées sont efficaces à l'intérieur comme à l'extérieur. Le voyageur doit toujours prévoir de quoi les accrocher (crochets, ficelles, arceaux, etc.). On trouve des moustiquaires de différentes tailles, couleurs et formes (rectangulaires, coniques, trapézoïdales), avec ou sans ouverture. On trouve même des moustiquaires pour hamacs. Toutes sont efficaces pour autant qu'elles soient bien fermées et surtout, bien traitées. Toutefois, il est préférable d'utiliser des grands modèles qui sont plus confortables (moindre sensation d'étouffement) et évitent tout contact entre une quelconque partie du corps et la moustiquaire. C'est un facteur d'efficacité supplémentaire. On trouve des moustiquaires chez certains vendeurs d'articles de sport et de voyage. Le matériau de choix est le polyester multifilament tricoté avec un fil de 75 à 100 decitex ou denier et ayant une maille de 156 (nombre de trous par pouce carré). Le coton est plus agréable mais il est moins solide et a tendance à se dégrader rapidement en milieu humide. Eviter le polyéthylène (moindre confort) ainsi que les matériaux mono-filament (confort et résistance de l'insecticide au lavage moindres).
Il existe actuellement six insecticides dont l'OMS recommande l'utilisation pour le traitement des moustiquaires (tableau 2). Tous sont des pyréthrinoïdes.
Des formulations mieux adaptées ont été développées ces dernières années, la plupart à base d'eau. Les solvants organiques sont désormais évités car ils tendent à accroître la toxicité dermique des formulations. Cette toxicité pouvait poser des problèmes pendant le trempage des moustiquaires, surtout lorsqu'il était fait par du personnel non qualifié. Certaines formulations sont même constituées de micro-capsules qui libèrent progressivement l'insecticide. Les producteurs d'insecticides commencent à mettre sur le marché des kits d'imprégnation composés d'une dose d'insecticide unique (comprimé effervescent, sachet, flacon), de gants en plastique, d'un sac pour l'imprégnation et d'instructions simples, compréhensibles par tous (K-Otab®AgrEvo et Iconet® Zeneca). Le problème de ces kits, tout comme celui des insecticides pour moustiquaires imprégnées d'une manière générale, est celui de la disponibilité dans les pays du Nord. On trouve toutefois en France des kits unidose pour le traitement ou le retraitement des moustiquaires (Insect Ecran® à base de perméthrine). Pour le traitement des moustiquaires, la composition isomérique de la perméthrine peut être différente, par exemple 40/60.
Les moustiquaires sont traitées par trempage dans l'insecticide préalablement dilué dans un volume d'eau ad hoc. Il importe de déterminer au préalable la quantité d'eau absorbée par la moustiquaire lors du trempage. Si l'utilisateur ne met pas suffisamment d'eau, sa moustiquaire ne sera pas traitée de façon régulière. S'il en met trop, il perdra une partie de l'insecticide et sa moustiquaire sera sous-traitée. On recommande désormais l'utilisation d'une dose unique d'insecticide, quelle que soit la taille de la moustiquaire, cette dernière variant en général de 10 à 15 m2. Certains fournisseurs proposent des moustiquaires déjà traitées. Une moustiquaire ainsi traitée conserve longtemps son efficacité (jusqu'à cinq ans) si elle est stockée dans un sac à l'abri de la lumière. Une fois déballée et utilisée, elle garde son efficacité pendant six mois environ. Les insecticides utilisés résistant mal au lavage, le voyageur s'efforcera de laver sa moustiquaire le moins souvent possible. Il est prudent de prévoir un retraitement tous les cinq lavages.
De la même manière que l'on traite les moustiquaires, on recommande aux campeurs de traiter leurs tentes. L'imprégnation se fait avec les mêmes produits que les moustiquaires, aux mêmes concentrations ou à une concentration plus forte, n'excédant toutefois pas le double de celle-ci. Elle se fait également par simple trempage dans l'insecticide dilué avec une quantité d'eau juste suffisante pour bien mouiller tout le tissu. Incidemment, sous nos latitudes, le traitement des tentes avec les pyréthrinoïdes réduit de façon significative la nuisance engendrée par les mouches et les taons et les moustiques très attirés, surtout par temps d'orage.
Comme pour d'autres textiles, des recherches sont en cours pour assurer un traitement durable des fibres. L'objectif visé est la mise au point de moustiquaires imprégnées durablement et dont la protection conférée par l'insecticide dure aussi longtemps que la moustiquaire elle-même. En effet, le retraitement régulier des moustiquaires est souvent négligé, soit que l'insecticide n'est pas disponible soit que le voyageur n'en perçoive pas la nécessité. On trouve actuellement sur le marché une moustiquaire longue durée à base de perméthrine (Olyset Net®, Sumitomo). L'insecticide, incorporé dans le polymère qui constitue la fibre, est relargué progressivement. Ces moustiquaires confèrent aux utilisateurs une protection durable (3 à 4 ans), surtout si elles ne sont pas utilisées de façon intensive. Un autre type de moustiquaire longue durée est désormais disponible dont l'insecticide (deltaméthrine) résiste à vingt lavages normalisés (Permanet® Vestergaard Frandsen, Disease Control Textile). Avec ces produits, le voyageur n'aura plus à se soucier du traitement ou du retraitement de la moustiquaire. Des progrès significatifs dans le domaine des moustiquaires lon-gue durée sont attendus au cours des prochains mois. Toutefois, par mesure de sécurité, le voyageur devra toujours veiller à ne pas laver ces moustiquaires trop fréquemment.
Certaines espèces de moustiques, notamment les anophèles vecteurs du paludisme ont développé une résistance aux insecticides du groupe des pyréthrinoïdes. Plusieurs études ont été réalisées en Afrique de l'Ouest, dans les zones où le vecteur majeur du paludisme est très fortement résistant. Elles ont montré que malgré cette résistance, la protection conférée par l'insecticide demeurait inchangée. L'OMS a mis en place, notamment en Afrique, des programmes de suivi de la résistance des moustiques vecteurs aux insecticides et des recherches sont en cours dans les zones où une résistance aux pyréthrinoïdes a été détectée (Kenya, Afrique du Sud), due à un mécanisme différent de celui observé et étudié en Afrique de l'Ouest.
La gravité de certaines maladies transmises par les moustiques, l'absence de vaccin (paludisme, dengue, filarioses) ainsi que la résistance croissante des parasites aux médicaments renforcent la nécessité d'une prévention systématique et efficace contre les piqûres de moustiques. Les outils de cette prévention existent et sont performants. Le problème réside avant tout dans la façon dont les voyageurs les utilisent, et avec quelle régularité ils le font. La démarche première de nombreux voyageurs est avant tout d'assurer leur confort en se protégeant contre la nuisance engendrée par les moustiques. En zones d'endémies, il est essentiel qu'ils soient informés des risques liés à la transmission des maladies dont certaines comme le paludisme, peuvent être fatales. En effet, ils appliqueront les mesures de prévention avec d'autant plus de soin qu'ils seront conscients des risques encourus. Si l'accès des voyageurs à l'information est désormais relativement facile, notamment par Internet, il leur est toutefois difficile d'apprécier de façon réaliste les niveaux de risque. Dans cet exercice, le médecin traitant a un rôle important à jouer, aidé en cela par les centres de vaccination et les voyagistes.
L'utilisation de répulsifs appliqués sur la peau et les vêtements constitue pendant la journée et en soirée une excellente protection. Celle-ci est encore insuffisamment utilisée. Les produits disponibles aujourd'hui, surtout ceux d'origine synthétique, ont une bonne efficacité. Des progrès sont attendus dans la mise au point de nouvelles formulations qui permettront de réduire l'absorption cutanée tout en augmentant encore la durée d'action. Pendant la nuit, les diffuseurs d'insecticide et les moustiquaires imprégnées de pyréthrinoïdes assurent également une excellente protection. Les avancées technologiques dans ce domaine permettent la mise au point d'outils de plus en plus faciles à utiliser. On a vu, par exemple, les progrès réalisés dans les fibres textiles bio-actives qui ont permis la mise au point de moustiquaires à longue durée d'action ne nécessitant aucun re-traitement. Cependant, beaucoup de ces produits, surtout les insecticides et les moustiquaires, sont difficilement accessibles au grand public. Une plus large diffusion devrait être assurée par les sociétés privées, spécialisées dans la protection de la santé des voyageurs. Encore peu nombreuses en Europe, elles devraient se développer dans un proche avenir compte tenu de l'expansion rapide que connaissent les voyages internationaux et le tourisme dans les régions tropicales.
Enfin, il est nécessaire de rappeler ici qu'il n'existe aucune méthode absolue de protection des voyageurs contre les piqûres de moustiques. Il existe un ensemble de méthodes efficaces, chacune adaptée à une situation donnée. Une prévention réussie passe par la combinaison intelligente de ces différentes méthodes qui sont complémentaires et non pas concurrentes. Elle passe également par la régularité de leur application, le voyageur devant s'assurer une protection continue pendant toute la durée de son séjour dans les zones d'endémies.
Mieux vaut toujours prévenir : lorsque le soleil se couche, l'anophèle se lève... Où il faut et quand il le faut, un bon répulsif correctement utilisé, un diffuseur d'insecticides, des recharges, une moustiquaire imprégnée dans la valise avec de quoi la suspendre et... Bon voyage !