Le défibrillateur automatique implantable (DAI) est rapidement devenu le traitement de premier choix pour les patients menacés de mort subite par arythmies ventriculaires. Des essais cliniques contrôlés, prospectifs et randomisés, ont montré une amélioration du taux de survie dans le cadre de la prévention primaire et secondaire, chez certains groupes de patients chez qui est implanté un DAI. Les DAI actuels sont suffisamment petits pour être implantés de la même façon qu'un pacemaker et le boîtier mis en place dans la région pectorale est bien toléré par les patients. En plus des DAI classiques monochambre, il existe des modèles double chambre pour des patients qui nécessitent une stimulation auriculo-ventriculaire séquentielle et des configurations biventriculaires pour des patients en insuffisance cardiaque sévère avec dysfonction ventriculaire gauche et trouble de conduction intraventriculaire.
Depuis sa première utilisation en clinique en 1980, le défibrillateur automatique implantable (DAI) est devenu en quel ques années le traitement de référence des troubles du rythme ventriculaire malins ou potentiellement malins. Le nombre d'implantations à travers le monde ne cesse d'augmenter et devrait atteindre 80 000 cette année. Les dernières recommandations de l'ACC et de l'AHA publiées en 1998 ont par ailleurs élargi les indications des DAI par rapport à celles de 1991.1,2 Les nouvelles indications sont essentiellement basées sur les résultats de trois grandes études apparues après les directives de l'ACC et de l'AHA de 1991. L'étude Antiarrythmics Versus Implantable Defibrillators (AVID), prospective et randomisée dans le cadre de la prévention secondaire, a montré une diminution de la mortalité globale de 39% à un an, de 27% à deux ans et de 31% à trois ans (p < 0,02)3 chez les patients traités par DAI comparés aux patients recevant des antiarythmiques (96% amiodarone). L'effectif de la population de l'étude était de 1016 patients et composé des survivants d'un arrêt cardiaque sur fibrillation ventriculaire (FV) et des patients présentant une tachycardie ventriculaire (TV) soutenue, associée à une syncope ou non, mais avec une fraction d'éjection (FE) < 40% et une pression artérielle systolique < 80 mmHg ainsi que des symptômes de présyncope, d'insuffisance cardiaque ou d'angor. Le deuxième travail, Cardiac Arrest Study Hamburg (CASH), a rapporté une baisse de la mortalité globale de 37% à deux ans chez les patients implantés d'un DAI par rapport à ceux traités par amiodarone ou métoprolol (p = 0,047) dans une série prospective et randomisée de 400 patients rescapés d'une mort subite.4 La troisième étude prospective et randomisée, Multicenter Automatic Defibrillator Implant Trial (MADIT), a évalué la prévention primaire chez 196 patients et a montré une réduction de la mortalité totale de 54% dans le groupe traité par DAI à 27 mois par rapport au groupe de patients mis sous antiarythmiques. Les patients présentant un ancien infarctus avec FE < 35% et une TV spontanée non soutenue étaient éligibles si une TV monomorphe soutenue était inductible lors de l'exploration électrophysiologique (EEP) et non supprimée après injection intraveineuse de procaïnamide5et nou velle procédure de stimulation ventriculaire.
Les indications actuelles pour l'implantation sont ciblées principalement sur deux catégories de thérapie : 1) la prévention primaire lorsque l'implantation est effectuée avant la survenue d'un épisode d'arythmie ventriculaire grave, dans un groupe de patients à haut risque. C'est la situation où l'on s'attend à obtenir le plus de bénéfice d'un DAI. En effet, il faut se rappeler que le taux des survivants d'une mort subite ne dépasse pas 20% ; 2) la prévention secondaire chez les patients implantés dans les suites d'une arythmie ventriculaire majeure pour laquelle ils ont survécu.
Les classes d'indications spécifiques pour le traitement par DAI sont les suivantes :
Classe I :le DAI est très largement accepté et soutenu par les études publiées dans la littérature.
1. Arrêt cardiaque par FV ou TV dont la cause n'est ni transitoire ni réversible.
2. TV soutenue spontanée.
3. Syncope d'origine indéterminée avec TV soutenue ayant une incidence clinique et hémodynamique ou FV induite lors de l'exploration électrophysiologique lorsqu'un traitement médicamenteux est inefficace, mal toléré, ou non conseillé.
4. TV non soutenue avec coronaropathie, antécédents d'infarctus du myocarde, dysfonction ventriculaire gauche, et FV ou TV soutenue inductible à l'exploration électrophysio logique non supprimée par un médicament antiarythmique de classe I.
Classe II b :les données à l'appui de l'utilité et de l'efficacité du DAI existent, mais le consensus quant à son utilité et son efficacité est moins net. (Il n'y a pas d'indications de classe IIa dans la révision de 1998).
1. Arrêt cardiaque imputé à une FV présumée, quand l'état clinique contre-indique l'exploration électrophysiologique.
2. Symptomatologie grave attribuable à des arythmies ventriculaires soutenues chez des patients en attente de transplantation cardiaque.
3. Contexte familial ou génétique comportant un risque élevé de TV comme : syndrome du QT long ou cardiomyopathie hypertrophique.
4. TV non soutenue avec coronaropathie, antécédents d'infarctus du myocarde, et insuffi
sance ventriculaire gauche, et TV soutenue ou FV inductible lors de l'EEP.
5. Syncopes récidivantes d'étiologie indéter minée, en présence d'une insuffisance ventriculaire gauche et d'arythmies ventriculaires inductibles à l'EEP, quand les autres causes de syncopes ont été éliminées.
Dans certains cas, l'implantation d'un DAI n'est pas recommandée, même en présence d'une arythmie ventriculaire évidente.
Ces situations spécifiques constituent les indications de classe III :il y a unanimité sur le fait que l'utilisation du DAI est inappropriée, ces situations sont considérées comme des contre-indications
1. Syncope de cause indéterminée chez un patient sans TV inductible.
2. TV ou FV incessantes.
3. Les FV ou TV résultant d'arythmies justifiables d'une ablation chirurgicale ou par cathéter ; par exemple, les arythmies auriculaires associées au syndrome de Wolff-Parkin son-White, les TV infundibulaires droites, les TV ventriculaires gauches idiopathiques, ou les TV fasciculaires.
4. Les TV dues à un trouble transitoire ou réversible (comme arythmie de l'infarctus du myocarde, déséquilibre électrolytique, médicaments, traumatismes).
5. Les maladies psychiatriques significatives susceptibles d'être aggravées par l'implantation d'un appareil ou qui compromettraient l'observation d'un suivi systématique.
6. Les malades en phase terminale, avec une espérance de vie < 6 mois.
7. Les patients atteints d'une coronaropathie avec insuffisance ventriculaire gauche et une augmentation de la durée de QRS, en l'absence de TV, soutenue ou non, spontanées ou inductibles, qui relèvent d'un pontage coronarien.
8. L'insuffisance cardiaque congestive de classe IV de la NYHA, réfractaire aux médicaments, chez des patients non candidats à une transplantation cardiaque.
L'indication numéro 7 de la classe III est basée sur les résultats de l'étude Coronary Artery Bypass Graft-Patch trial (CABG-PATCH).6 Dans ce travail prospectif et randomisé sur la prévention primaire comprenant 900 patients, il n'y avait pas d'amélioration de la survie chez les patients avec coronaropathie, FE < 35% et présence de potentiels tardifs ventriculaires après revascularisation myocardique par pontage. La raison exacte de l'absence de bénéfice n'est pas claire, mais il est concevable que la revascularisation myocardique en elle-même, représente une certaine «protection» contre la mort subite dans cette catégorie de patients.
Il y a en outre deux grandes études sur le DAI rapportées dans la littérature après la publication des recommandations en la matière. La première, The Canadian Implantable Defibrillator Study (CIDS),7 a évalué la prévention secondaire de manière prospective en randomisant 659 survivants d'une TV ou FV ou d'une syncope «non monitorée», mais avec TV spontanée > 10 secondes documentée ou TV monomorphe inductible > 30 secondes à l'EEP. Une réduction de 20% de la mortalité totale à trois ans a été notée dans le groupe DAI comparé à l'amiodarone, avec néanmoins une différence statistiquement non significative (p = 0,07). Pourtant, la grande part du bénéfice observée est due à la diminution de la mortalité d'ori gine rythmique selon les auteurs. La seconde, Multicenter Unsustained Tachycardia Trial (MUSTT),8 est une étude de prévention primaire. Un collectif de 704 patients qui présentaient une coronaropathie avec FE < 40%, TV non soutenue asymptomatique et TV soutenue monomorphe ou polymorphe inductible à l'EEP, ont été randomisés entre traitement antiarythmique guidé par l'EEP avec possibilité d'implantation d'un DAI en cas d'échec. La survie des patients avec DAI s'était révélée supérieure à celle des patients traités par antiarythmiques ou non traités (contrôles), en terme de mort subite ou de mortalité globale. La mortalité totale à cinq ans était de 24% avec DAI et 55% sans DAI (p < 0,01). De plus, une récente étude rétrospective a montré une amélioration de la survie avec le DAI chez certains groupes de patients avec une cardiomyopathie hypertrophique.9
D'autres études sont en cours, principalement centrées sur la prévention primaire. L'une d'entre elles est MADIT II. Dans cette dernière, les patients avec ancien infarctus et FE < 30% sont randomisés soit DAI, soit traitement mé-dical le mieux adapté. La présence d'une arythmie ventriculaire documentée n'est pas nécessaire pour faire partie de l'étude. Un autre travail est en train d'évaluer la prévention de la mort subite par DAI dans l'insuffisance cardiaque, Sudden Cardiac Death in Heart Failure Trial (SCD-HeFT). Cette étude est basée sur le fait qu'environ 50% des patients en insuffisance cardiaque meurent subitement. Les patients en insuffisance cardiaque (classe NYHA II ou III) avec FE < 35% et sans aucune arythmie ventriculaire spécifique sont randomisés soit traitement médical classique de l'insuffisance cardiaque (TMCIC), soit TMCIC plus amioda rone, soit TMCIC plus DAI.
Parallèlement à la démonstration de l'efficacité du DAI pour améliorer le taux de survie chez les patients à haut risque de mort subite à travers différents essais cliniques, on assiste à une sophistication des appareils grâce à une évolution rapide de la technique. L'évolution a porté sur la réduction de la taille et l'augmentation de la capacité à la fois de thérapie et de diagnostic des DAI. Dans un DAI actuel, différentes configurations sont disponibles pour différents types d'arythmie. Un appareil standard mesure environ 5,7-6,8 cm x 1,1-1,5 cm et pèse 70-98 g pour un volume de 34-38 cc. Il est implanté dans la région pectorale en dessous de la veine sous-clavière, utilisée le plus souvent comme voie d'abord pour les sondes endocavitaires. La sonde (permettant à la fois le choc et la stimulation) est positionnée à l'apex du ventricule droit et connectée au boîtier par l'autre extrémité. La détection de la TV est basée pour une grande part sur le seuil de fréquence spécifique programmé par le médecin.
Dans le choix de la fréquence seuil, on tient compte du type de l'arythmie ventriculaire (FV ou TV) et de la fréquence clinique de la TV ou celle de la TV induite à l'EEP. La programmation du traitement de la TV est également spécifique à chaque patient et fonction des particularités de l'arythmie. En général, c'est une combinaison entre stimulation ventriculaire rapide (overdrive) au début, et suivi de chocs à énergie croissante, si la TV n'est pas arrêtée après stimulation. Dans le cas de TV très rapide ou de FV, la thérapie se limite à des chocs. Les chocs ont une énergie maximale de 29 à 42 joules selon les marques et sont biphasiques, une forme d'onde où la direction du courant est inversée (entre les deux électrodes) durant le temps de la délivrance du choc. Cette inversion de la direction du courant au milieu du choc permet une défibrillation efficace avec une énergie moindre ; ce qui a significativement con-tribué à la réduction de la taille des DAI.
Pour des patients qui nécessitent une stimulation auriculo-ventriculaire synchrone, des modèles double chambre sont disponibles. Dans cette configuration, la sonde auriculaire, en plus de sa fonction de stimulation, permet le recueil des informations sur la fréquence auriculaire pendant une tachycardie. Ainsi, l'évaluation combinée par l'appareil des rythmes spontanés auriculaire et ventriculaire améliore sensiblement la détection appropriée des arythmies ventriculaires, et augmente la spécificité de la distinction entre une origine ventriculaire et supraventriculaire de la tachycardie. Chez les patients connus pour tachycardie auriculaire et/ou fibrillation auriculaire paroxystiques, il existe un modèle où la sonde atriale est capable de délivrer des chocs dans l'oreillette (sans retentissement sur le ventricule) pour traiter ces arythmies. Plus récemment, ont été développés des DAI avec possibilité de stimuler l'oreillette et simultanément les deux ventricules, la stimulation épicardique du ventricule gauche se faisant à partir d'une sonde spéciale, positionnée dans le sinus coronaire. Ce type d'appareil (fig. 1) s'adresse aux patients insuffisants cardiaques avec FE basse et trouble de conduction intraventriculaire important (bloc de branche gauche le plus souvent). Ainsi, on espère que le rétablissement du synchronisme de la contraction des ventricules droit et gauche puisse apporter à ces patients un certain bénéfice dans la qualité de vie et peut-être dans la survie, étant donné que cette forme de stimulation avait montré des résultats prometteurs chez les patients implantés d'un pacemaker.