Obligation est faite pour les hôpitaux suisses de coder les diagnostics médicaux des patients qui y ont été traités. Dans le cadre d'une étude de contrôle de qualité commandée à l'IUMSP par les cantons de Vaud et du Valais, nous avons étudié la fiabilité du codage des diagnostics médicaux et des interventions dans des hôpitaux vaudois et valaisans. Le diagnostic principal codé est précis dans 65,3% des cas pour les hôpitaux vaudois et dans 56,5% des cas pour les hôpitaux valaisans. Des mesures doivent être prises pour limiter les erreurs de codage, afin d'éviter les conséquences négatives possibles induites par l'usage de telles statistiques médicales.
Le codage des diagnostics médicaux a été rendu obligatoire dès le 1er janvier 1998, pour tous les hôpitaux suisses, par la loi sur la statistique fédérale. Disposer de statistiques de codage est important1 notamment pour :
1. l'obtention de données épidémiologiques fiables et valides sur l'état de santé de la population, éléments nécessaires au développement de stratégies en santé publique ;
2. une gestion plus efficace et adéquate du système de santé, en particulier hospitalier ;
3. l'utilisation d'outils de mesure de case mix tels que les DRG (Diagnosis Related Groups) ou, comme récemment mis en uvre en Suisse dans le cadre d'un projet pilote, les APDRG (All Patients Diagnosis Related Groups).
La condition sine qua non à une utilisation pertinente de ces produits dérivés des statistiques médicales est de disposer d'informations précises et complètes. La nouvelle statistique médicale de l'Office fédéral de la statistique (OFS) se distingue notamment de l'ancienne statistique VESKA par l'utilisation des classifications CIM-10 pour les diagnostics et problèmes de santé s'y rapportant et ICD-9-CM volume 3 pour les traitements et interventions. L'utilisation d'un outil de codage permet, entre autres, des comparaisons internationales (économie de la santé, recherche médicale et épidémiologie). En outre, l'International Classification of Impairments, Disabilities, and Handicaps (ICIDH, OMS 1980) ayant été conçue en complément de la CIM-10, l'uniformisation du codage diagnostique facilitera l'usage de cette classification notamment pour les financeurs (Assurance invalidité par exemple) ;2 une étude a en effet montré une disparité dans l'évaluation des incapacités de travail entre différents experts, due notamment au manque de critères objectifs d'évaluation en assécurologie.3
Le Service de recherche et d'information statistiques du canton de Vaud (SCRIS), ainsi que les Services de santé publique des cantons de Vaud et du Valais ont mandaté l'Institut universitaire de médecine sociale et préventive (IUMSP) pour définir des procédures de contrôle de qualité de l'information fournie par les établissements : il s'agit de vérifier la correspondance entre les diagnostics finals inscrits dans les dossiers médicaux et les codes de diagnostics respectivement introduits dans les systèmes d'information. Il est indispensable que les statistiques médicales reflètent fidèlement les affections traitées et les interventions effectuées. Des erreurs peuvent se produire à différentes étapes, à partir du moment où le patient est enregistré par l'administration jusqu'à celui où les données sont stockées dans le système d'information d'un organisme tel que le SCRIS ou l'OFS. Le diagnostic peut être bien posé par le médecin, mais mal enregistré dans le dossier (et donc mal codé), comme il peut être correctement consigné dans le dossier, mais codé de façon erronée. Par ailleurs, ce contrôle qualitatif devait être effectué par des médecins. Nous présentons ici quelques résultats de cette étude.
La base de données était constituée des hospitalisations et semi-hospitalisations effectuées entre le 1er janvier 1998 et le 31 décembre 1998 dans 32 établissements hospitaliers sur les 50 que compte le canton de Vaud (12 sont encore à contrôler et 6 n'ont pas été pris en considération : 3 pour changement de statut, 3 pour données non fournies au SCRIS) et 6 établissements hospitaliers sur les 6 que compte le canton du Valais. L'échantillon d'établissements hospitaliers vaudois comporte des établissements de réadaptation ainsi que psychiatriques. Le nombre de séjours durant la période considérée était de 94 993 (pour les 32 établissements) pour le canton de Vaud et de 23 114 pour le canton du Valais.
Un échantillonnage aléatoire de dossiers, stratifié par hôpital, a été réalisé (1745 dossiers pour le canton de Vaud et 540 dossiers pour le canton du Valais). La taille des échantillons a été fixée de telle sorte que l'on ait une probabilité de 5% de commettre une erreur supérieure à 10% dans l'estimation des taux d'erreur. Dans le but de limiter le nombre de visites, on a arbitrairement utilisé des échantillons de taille 20 pour les établissements avec moins de 1000 sorties.
On distingue deux types de vérification :
I La vérification interne : elle consiste en une vérification de l'exhaustivité des rubriques soumises au codage et de la cohérence interne des informations codées.
I La vérification externe : il s'agit de la vérification de l'exhaustivité des cas codés par rapport à l'ensemble des hospitalisations d'une part, et de la cohérence entre les informations codées et les informations à la source (lettres de sortie, dossiers médicaux, médecins traitants) d'autre part.
Les vérifications internes ne portent que sur les informations enregistrées et sur un ensemble de règles logiques ; elles peuvent être entièrement effectuées à l'aide d'outils informatiques. Les vérifications externes nécessitent l'accès aux dossiers et leur relecture. Dans notre étude, nous avons effectué une vérification externe.
Pour chaque dossier, le diagnostic de la lettre de sortie a été relevé, puis codé (code attribué par un médecin vérificateur formé au codage). Ce code attribué a ensuite été comparé avec le code informatisé qui avait été enregistré dans l'établissement, pour le patient en question, par le codeur (médecin ou autre).
Cette procédure a été effectuée :
1. pour le diagnostic principal ;
2. pour le diagnostic complémentaire (codes des lettres V, X, Y, W ou code «*» ; ce dernier code ne peut être utilisé que si le code de diagnostic principal se termine par le signe «Ý» (dague)) ;
3. pour les diagnostics supplémentaires ;
4. pour les interventions.
Le degré de cohérence entre le code de diag-nostic enregistré et le diagnostic effectivement décrit (en toutes lettres) dans le rapport de sortie du patient a été évalué. Le même type d'évaluation a été effectué pour le diagnostic complémentaire. Lorsque le patient a subi une intervention principale (et supplémentaire), nous avons évalué également le degré de cohérence entre le code d'intervention principale (et supplémentaire) attribué, et l'intervention principale (et supplémentaire) décrite dans la lettre de sortie. Les critères utilisés pour mesurer la cohérence entre les codes trouvés dans les enregistrements et les codes attribués par le médecin vérificateur, sont ceux utilisés dans l'étude tessinoise4(tableau 1).
Pour le canton de Vaud, parmi les dossiers échantillonnés, 109 (6%) n'ont pas été mis à disposition du médecin vérificateur. Un code de diagnostic principal a été retrouvé dans 1645 cas (94%). Pour 25 hospitalisations, le code de diagnostic principal était absent (ces cas sont classés comme «Absent» dans le tableau 2). Pour 55 dossiers, la lettre de sortie était absente (il y avait toutefois un code de diagnostic principal dans le fichier mis à disposition par le SCRIS ; ces cas sont classés comme «Manquant» dans le tableau 2).
Pour le canton du Valais, parmi les dossiers échantillonnés, 21 (4%) n'ont pas été mis à disposition du médecin vérificateur. Un code de diagnostic principal a été retrouvé dans 472 cas (90,5%). Pour 39 hospitalisations (7,5%), le code de diagnostic principal était absent (ces cas sont classés comme «Absent» dans le tableau 5). Pour onze dossiers (2%), la lettre de sortie était absente (il y avait toutefois un code de diagnostic principal dans le fichier mis à disposition par le SSP ; ces cas sont classés comme «Manquant» dans le tableau 5).
Le tableau 2 donne le degré de cohérence pour le canton de Vaud (selon les critères décrits dans le tableau 1) entre le code du diagnostic principal décrit en toutes lettres et le code de diagnostic principal attribué par le médecin vérificateur. Globalement, ces codes sont «Précis» dans 65,3% des cas. Le tableau 3 donne le degré de cohérence pour les codes de diagnostic complémentaire. Seulement 2,8% de ces codes sont «Précis». Le tableau 4 donne les mesures de cohérence pour le code d'intervention principale. Ce code est «Précis» dans 75,8% des cas.
Le tableau 5 donne le degré de cohérence pour le canton du Valais entre le code du diag-nostic principal décrit en toutes lettres et le code de diagnostic principal attribué par le médecin vérificateur. Globalement, ces codes sont «Précis» dans 56,5% des cas. Le tableau 6 don-ne le degré de cohérence pour les codes de diag-nostic complémentaire. Seulement 0,5% de ces codes sont «Précis». Le tableau 7 donne les mesures de cohérence pour le code d'intervention principale. Ce code est «Précis» dans 69,7% des cas.
Les codes de diagnostic principal sont précis pour 65,3% des dossiers analysés dans les hôpitaux vaudois et 56,5% pour les hôpitaux valaisans. En fait, la catégorie code «Imprécis» implique une erreur sur les positions 4 et 5 du code de diagnostic : cela signifie que le diagnostic générique est correct, mais qu'il manque de précision quant à la sous-catégorie. Sachant cela, on peut, dans un but d'analyse, regrouper les taux de codage «Précis» et «Imprécis» pour les distinguer des «Faux», «Faux grave» et «Absent». Par cette correction, on obtient pour les hôpitaux vaudois un taux de cohérence de diagnostic principal de 82,5% et de 82,2% pour les interventions et, respectivement, de 80,3% et 80,6% pour les hôpitaux valaisans.
On peut considérer que, au stade de la mise en uvre de ce programme de codification des diagnostics et des interventions, ces résultats sont satisfaisants sur le plan qualitatif, mais ils ne doivent pas masquer que près de 20% des codes des diagnostics et interventions sont «Faux», «Faux grave» ou «Absent». Un effort doit donc être fourni en particulier pour réduire ces catégories «Faux», «Faux grave» et «Absent».
Les mauvais résultats pour les diagnostics complémentaires (respectivement 2,8% de «Précis» pour les hôpitaux vaudois et 0,5% pour les hôpitaux valaisans) sont dus au non-respect des directives du CIM-10 et de l'OFS.5,6
Les chiffres obtenus dans l'étude tessinoise4 pour les codes de diagnostics principaux sont comparables avec 70,2% de diagnostics «Précis» et 10,5% de diagnostics «Imprécis».
Une méthode d'estimation des conséquences économiques des taux de cohérence «Faux», «Faux grave» et «Absent» serait probablement difficile à concevoir et complexe dans sa réalisation. Ainsi, pour les DRG, des erreurs de codage peuvent entraîner une incohérence dans l'évaluation des coûts : nous rappelons que le fondement véritable des DRG est de fournir une définition du produit réalisé par les services de santé, démarche préparatoire à tout processus de comptabilité analytique. De ce fait, des erreurs de codage peuvent se répercuter sur l'évaluation de l'allocation de ressources aux services de soins avec toutes les implications possibles, comme des allocations budgétaires non pertinentes, et des conséquences certaines sur la qualité des soins probablement beaucoup plus difficilement détectables.
Il est important de prévoir un suivi longitudinal des taux de cohérence des diagnostics et des interventions afin d'avoir une image précise de leur variabilité et de l'impact des programmes de contrôle de qualité visant à les améliorer.
L'identification des sources d'erreurs de codage des diagnostics et des interventions est complexe. Le taux global de cohérence pour un diagnostic principal «Précis» se situe globalement autour de 60% pour les hôpitaux vaudois et valaisans. Il faut donc encore améliorer le processus de codification, afin notamment de diminuer les taux de «Faux», «Faux grave» et «Absent» et développer un moyen de suivi longitudinal de la qualité du codage.