Les angiomes caverneux font partie des malformations vasculaires cérébrales les plus communément décrites dans la littérature et se trouvent très souvent associés à des anomalies de drainage veineux.Dans cette étude, on a découvert dans 50% des cas l'association d'un angiome caverneux à une anomalie de drainage veineux, confirmée radiologiquement et chirurgicalement. La symptomatologie la plus fréquente consiste en des crises d'épilepsie, des céphalées et des déficits neurologiques focaux en étroite relation avec la localisation de l'angiome caverneux et non de l'anomalie de drainage veineux qui ne se manifeste cliniquement que dans de rares occasions.Le fait de retrouver un angiome caverneux associé à une anomalie de drainage veineux dans le même territoire cérébral suggère l'existence d'une relation pathogénique entre ces deux anomalies vasculaires.
La classification des malformations vasculaires du cerveau1 comporte traditionnel-lement les télangiectasies capillaires, les malformations artério-veineuses, les angiomes caverneux et les angiomes veineux ; ces deux derniers types de malformations font l'objet de ce travail.
Les angiomes caverneux se présentent macroscopiquement sous forme d'une lésion bien délimitée, sans capsule, d'une taille de quelques millimètres à quelques centimètres. Microscopiquement comme leur nom l'indique, ils sont composés de sinusoïdes irréguliers (cavernes), séparés par des travées fibreuses, sans tissu cérébral interposé. La paroi des cavernes est fine, sans couche élastique ou musculaire, mais souvent entourée de tissu conjonctif épaissi.
Les anomalies de drainage veineux (anciennement dénommées angiomes veineux) ont été décrites pour la première fois par Cushing et Bailey en 19282 et elles sont considérées aujourd'hui comme les anomalies cérébrovasculaires les plus communes. Elles sont composées entièrement de veines entourées de quelques éléments de musculature lisse, de tissu conjonctif ainsi que de tissu nerveux, particularité qui les distingue des angiomes caverneux.3,4,5
Cette analyse rétrospective comporte trente malades opérés d'angiomes caverneux (dont six ont été exclus de l'étude par faute d'un dossier radiologique complet) confirmés par examen histologique. Les colorations utilisées en histopathologie ont été les suivantes : HE (haematoxylin-eosin), VGL (Van Gieson-Luxol fast blue), VG (Van Gieson), réticuline, VGE (Van Gieson elastin), fer (Prussian blue), Nissl (Cresyl echt violet), PAS, GFAP (glial fibrillary acidic protein).
Cette série porte sur un collectif de vingt-quatre patients, dix-sept hommes et sept femmes, d'un âge moyen de 34 ans (entre 10 et 66 ans) et une médiane de 31 ans. Vingt-deux des vingt-quatre patients ont bénéficié d'une intervention chirurgicale entre 1981 et 1994 ; chez les deux autres une opération n'était pas praticable en raison de la localisation et de l'étendue de la lésion.
Chez douze malades une anomalie de drainage veineux associée à l'angiome caverneux a été diagnostiquée radiologiquement et confirmée chirurgicalement.
Sur les vingt-quatre malades compris dans l'étude, vingt-deux ont bénéficié d'un CT-scan cérébral, dix-huit d'une IRM cérébrale et quatorze d'une angiographie cérébrale. Seulement sept cas d'anomalie de drainage veineux ont été démontrés par IRM, cinq par le CT-scan. Dans sept cas on retrouve une hémorragie fraîche à l'imagerie. Les malformations vasculaires sont localisées dans vingt et un cas dans les hémisphères cérébraux et trois sont sous-tentorielles.
Les examens IRM ont été réalisés sur des machines à 0,35 T (4 cas) et 1,5 T (14 cas). Tous les patients ont bénéficié au minimum d'un protocole consistant en : T1 sagittal (TR 500 TE 30 ou TR 600 TE 15), T2 transverse (TR 2000 TE 30/60 ou TR 2200 TE 40/80), T1 transverse après injection de gadolinium (TR 500 TE 30 ou TR 600 TE 15) avec des coupes de 5-10 mm d'épaisseur, matrice 256, FOV 220-250 mm. Des coupes dans un plan supplémentaire ont été ajoutées après gadolinium chez certains patients. Deux patients ont bénéficié d'une séquence angiographique TOF 3D, matrice 256 x 256, 64 partitions, 0,8 mm d'épaisseur de coupe effective reconstruite par MIP.
Chez la majorité des patients de cette étude, les crises épileptiques constituaient la manifestation clinique la plus courante (quinze patients sur vingt-quatre : 62,5%), généralisées dans douze
cas et partielles dans neuf cas sur les vingt-quatre patients (trois de type partiel complexe et six de type simple).
Des céphalées étaient présentes chez quatorze patients sur vingt-quatre (58,3%), unique symptôme chez deux patients et accompagnant d'autres troubles neurologiques chez les autres.
Des déficits neurologiques focaux ont été retrouvés chez huit patients sur vingt-quatre (33,3%) sous forme d'un hémisyndrome sensitif ou moteur, de troubles neuropsychologiques, d'amputation du champ visuel, d'une ataxie et de signes d'atteinte cérébelleuse cinétique.
Des vomissements ont été signalés chez cinq personnes et des vertiges dans trois cas.
La plupart du temps, la symptomatologie clinique correspondait à la localisation anatomique de la malformation vasculaire.
L'angiographie cérébrale, effectuée chez quatorze patients, a mis en évidence dans deux cas seulement un blush veineux tardif d'aspect ténu et granulaire traduisant la présence d'un cavernome.
Dans un cas, le blush veineux était isolé, c'est-à-dire sans association d'anomalie de drainage veineux visible angiographiquement.
Dans le deuxième cas, le blush veineux était en relation directe avec une veine de drainage veineux détectable également à l'angiographie.
Chez cinq autres patients parmi les quatorze (35,7%), l'anomalie de drainage veineux était visible à l'angiographie sans qu'on trouve une traduction directe de la présence de cavernome.
Chez quatre de ces cinq cas, une veine anormale était visible à l'angiographie, en association topographique avec une image d'angiome caverneux, mis en évidence par des examens radiologiques ultérieurs (IRM et CT-scan). Dans un cas seulement il n'existait pas d'association directe topographique avec un angiome caverneux.
Le CT-scan, effectué chez vingt-deux patients sur un total de vingt-quatre, a montré dans tous les cas des images compatibles avec un angiome caverneux et dans cinq cas la présence d'une anomalie de drainage veineux associée.
Les angiomes caverneux au CT-scan se présentent dans la plupart des cas sous forme d'hyperdensités inhomogènes sur les images natives (quatorze cas sur vingt-quatre : 58,3%) se rehaussant après injection de produit de contraste dans douze de ces cas (50%) avec un discret effet de masse et un dème périlésionnel qui n'est retrouvé que dans un cas.
Des calcifications, témoignant des saignements intralésionnels chroniques, sont présentes dans quatre cas (16,6%). Après administration de produit de contraste, on met en évidence six anomalies de drainage veineux (25%) dont l'aspect est linéaire dans cinq cas et ponctiforme dans un cas.
A l'IRM, examen dont ont bénéficié dix-huit patients, l'angiome caverneux a été diag-nostiqué dans la totalité des cas (100%) et une anomalie de drainage veineux dans seulement sept cas, une seule de ces anomalies de drainage veineux n'avait été détectée qu'au moyen du CT-scan à défaut de l'IRM. Une veine anormale de drainage non démontrée à l'IRM a été mise en évidence à l'angiographie.
Dans les autres six cas l'IRM n'a pas été effectuée.
L'angiome caverneux à l'IRM prend l'aspect d'un signal hyperintense en T1 et T2 central et d'un halo hypo-intense périphérique en T2.
Les malformations veineuses sont visibles sur sept IRM et se caractérisent par des prises de contraste convergent dans un système de drainage profond dans six cas, à la fois superficiel et profond dans un cas.
Onze patients sur vingt-deux (les patients non opérés n'étant pas pris en compte ici) n'ont présenté aucun trouble neurologique dans les mois suivant la chirurgie. Des céphalées occasionnelles ou une discrète diplopie ont été retrouvées chez trois patients sur vingt-deux. Chez quatre patients sur vingt-deux persistent des déficits neurologiques focaux (déjà présents dans la période préopératoire) et chez une personne des crises d'épilepsie demeurent inchangées malgré le traitement médicamenteux.
Cette étude rétrospective rapporte l'incidence particulièrement élévée de 50% d'anomalies de drainage veineux associées à un angiome caverneux cérébral alors que dans les séries précédentes décrites dans la littérature, on décrivait 27% d'association selon Lasjonias et Goulau6 et 33% selon Ostertum et coll.7 Ceci souligne l'importance de rechercher un angiome caverneux associé après la découverte d'une anomalie de drainage veineux.
Les anomalies de drainage veineux sont des malformations vasculaires bénignes le plus souvent asymptomatiques. Des céphalées, des crises épileptiques et, dans une minorité des cas, des hémorragies de localisation intraparenchymateuse ou sous-arachnoïdienne,8 ont également été décrites. En raison de l'association connue avec des angiomes caverneux (de plus en plus de cas sont décris dans la littérature) une hémorragie cérébrale se manifestant chez un patient connu pour une anomalie de drainage veineux doit inciter à rechercher un angiome caverneux concomitant.
Les angiomes veineux sont visualisés à l'angiographie sous forme d'un amas de petites veines médullaires (caput médusae) qui convergent vers une seule veine transcérébrale se drainant dans un efférent veineux superficiel ou profond.
Sur le CT-scan, la veine de drainage apparaît sous forme d'une densité linéaire ou curviligne qui se rehausse lors de l'injection de contraste.
A l'IRM les anomalies de drainage veineux sont visibles sous la forme d'un hyposignal linéaire en T1 et surtout en T2 ou dans certains cas sous forme d'image globulaire mixte, hyperintense et hypo-intense.
L'étiologie des angiomes veineux, telle que suggérée par Saito et Kobayashi9 consisterait en un accident pendant la vie intra-utérine durant la formation des veines médullaires et des veines tributaires de celles-ci, entre la 8e et la 12e semaine. A la suite d'un accident thrombotique, ou d'un autre mécanisme inconnu, il y aurait la formation d'un réseau collatéral drainant la partie du cerveau sain concerné.
Ce mécanisme explique la survenue d'infarctus veineux postopératoire lors de l'extirpation de ces lésions, qui comporte aussi l'élimination du drainage veineux d'une partie de cerveau sain. Les angiomes caverneux peuvent rester asymptomatiques dans certains cas, ou se présenter cliniquement de façon très polymorphe en fonction du mode d'évolution de la lésion et de la localisation anatomique cérébrale. De simples céphalées, des crises épileptiques, des hémorragies et des déficits neurologiques focaux ont été décrits.
L'aspect tomodensitométrique du cavernome est celui d'une lésion hyperdense, en général sans dème périlésionnel, prenant le contraste de façon hétérogène, avec un réhaussement de la lésion en anneau ou en doigts de gant. La prise de contraste semble être due à la petite taille des artères nourricières de la lésion, avec un débit lent dans les sinusoïdes et de fréquentes thromboses dans les espaces vasculaires.
Autrefois, ces malformations vasculaires étaient qualifiées d'occultes du fait de l'absence de visualisation sur les images angiographiques. Il a tout de même été rapporté que dans certains cas un blush capillaire pouvait être mis en évidence lorsque le produit de contraste était injecté de façon lente et prolongée10 ou lors d'une seconde injection de contraste administrée quelques minutes après la première.11
Une des caractéristiques des cavernomes est la tendance aux saignements, qui est bien démontrée au stade aigu et surtout chronique par l'IRM, de par sa haute sensibilité aux produits de dégradation du sang. L'hyposignal en anneau en T2 est dû à l'hémosidérine dans les hémorragies chroniques et l'hypersignal en T1 et T2 du noyau est dû à la méthémoglobine.
Si les cavernomes ne sont pas compliqués d'hémorragie récente, leur structure interne en IRM est assez caractéristique, faite d'hypo- et hypersignaux entourés d'un anneau hypo-intense en T2 reproduisant leur structure histologique.
Dans plusieurs articles on décrit le potentiel de croissance considérable de ces lésions12,13,14,15 et le risque de saignement intralésionnel significatif lié à ce genre de malformation,9 traduite par des calcifications retrouvées sur les images radiologiques.
L'âge moyen dans notre série est de 34 ans en accord avec d'autres séries où l'on retrouve l'incidence maximale des lésions vasculaires vers la 4e décennie.16
Par rapport à la symptomatologie on décrit17 38-53,5% d'épilepsies, 12,5-30,8% d'hémorragies et 12-37,5% de déficits neurologiques focaux, selon Lonjon et coll.16 53,5% d'épilepsies, 23,5% d'hémorragies et 23,5% d'effets de masse. Dans notre série on démontre 58% de céphalées, 62,5% d'épilepsies et 33% de déficits neurologiques focaux et seulement chez deux patients (8,3%) les céphalées étaient le seul signe d'appel alors que dans d'autres séries on décrit 21,4% de cas asymptomatiques et 22% de déficits focaux, 34% de céphalées et 50% d'épilepsies avec 19% de patients asymptomatiques.18 La symptomatologie présentée par nos patients était en relation avec la présence de l'angiome caverneux.
Le risque qu'un angiome caverneux provoque une crise d'épilepsie a été évalué par Curling et coll.18 à 1,51%/personne et par année d'exposition, de 1,34%/personne et par lésion unique et de 2,48%/personne et par lésion multiple. Le risque d'hémorragie est de 0,25%/personne et par an et de 0,10%/personne et par an pour chaque lésion.18
Le fait de retrouver ces deux sortes de malformation vasculaire dans le même territoire cérébral peut suggérer l'existence d'une pathogenèse similaire.19 On peut émettre l'hypothèse qu'une pression élevée à l'intérieur de l'anomalie de drainage veineux peut être transmise au réseau de veinules adjacent et permettre ainsi la formation de lacs sanguins à l'origine d'un angiome caverneux.
Les mécanismes capables de permettre une augmentation de pression à l'intérieur d'une veine peuvent être les suivants : 1) sténose des voies efférentes ; 2) augmentation aiguë de la pression veineuse cérébrale ; 3) thrombose d'un vaisseau nourricier angiomateux.
Selon Wilson,20 il y aurait une série d'événements capable d'entraîner la formation de ces malformations cryptiques. Une extravasation sanguine par diapédèse ou anomalie de la paroi vasculaire serait un terrain favorable au développement de fibroblastes et de capillaires en présence de macrophages et d'autres cellules mononucléaires. Ces nouvelles structures présentent un caractère assez fragile, les prédisposant à de nouveaux saignements. La néoformation capillaire issue de processus répétés d'extravasation sanguine pourrait aboutir à la formation de composants artériels, veineux et shunts artério-veineux à bas débit. A ce moment, un défaut d'autorégulation peut activer un shunt artérioveineux latent avec la transmission de haute pression à un réseau capillaire adjacent produisant des hémorragies.
Pour renforcer cette théorie, on découvre dans une étude sur les pressions à l'intérieur des angiomes caverneux effectuée par Little,21 que les valeurs de pression mesurées à l'intérieur de l'angiome caverneux pendant l'intervention chirurgicale seraient comprises entre les valeurs de tension artérielle moyenne et les valeurs de pression veineuse centrale.
L'augmentation de pression dans l'angiome caverneux pendant la compression jugulaire chez les patients opérés en décubitus dorsal comparée à la non-augmentation de cette dernière chez les patients opérés en position assise soumis à la même manuvre de compression, nous amène à envisager l'hypothèse d'une relation étroite entre l'angiome caverneux et la circulation veineuse. Une origine «veineuse» de l'angiome caverneux nous paraît dès lors plausible et se démarque de certaines conceptions entretenant l'hypothèse d'une origine du cavernome sur le versant artériel des malformations artério-veineuses.
Une étude effectuée aux Etats-Unis montre que des facteurs génétiques pourraient être à l'origine de la formation d'angiome caverneux chez certains groupes familiaux.22 La population américaine d'origine hispanique a été choisie pour cette recherche en raison de la haute incidence d'angiomes caverneux dans ce groupe ethnique. On découvre l'existence d'un gène mutant sur le bras long du chromosome 7 qui serait responsable du développement d'angiomes caverneux chez ces gens. Il existe donc à l'origine des angiomes caverneux à incidence familiale une mutation génétique capable d'engendrer ce type de malformation vasculaire.22
Un infarctus veineux s'est produit dans un de nos cas après extirpation d'un angiome caverneux situé dans la région sous tentorielle, lequel était associé à une anomalie de drainage veineux qui n'a pas été mise en évidence lors des examens préopératoires, probablement à cause de la pression de l'hématome.
Cet accident nous rend donc conscient du risque opératoire lors de la présence de ces deux malformations associées et souligne l'importance des examens radiologiques préopératoires (en particulier l'IRM et l'angiographie cérébrale) pour identifier la localisation exacte d'une éventuelle anomalie de drainage veineux accompagnant l'angiome caverneux sur laquelle on ne doit pas intervenir chirurgicalement. Ce genre de complication per- et postopératoire est donc toujours à prendre en considération lors de l'indication opératoire qui doit tenir compte de la symptomatologie évolutive ou rebelle au traitement, de la localisation de ces malformations et des hémorragies récidivantes.16
L'angiome caverneux et l'anomalie de drainage veineux sont deux malformations vasculaires cérébrales bénignes souvent associées.
L'angiome caverneux peut dans la majorité des cas, lorsque les indications opératoires sont posées, être extirpé facilement, de façon complète et avec des résultats satisfaisants.
Toutefois, en cas d'association de l'angiome caverneux à une anomalie de drainage veineux, une prudence extrême doit être observée pendant l'intervention du fait du risque considérable d'infarctus veineux consécutif à l'abolition du drainage veineux cérébral.
La coexistence de ces deux malformations vasculaires selon certains auteurs résulterait d'une pathogenèse commune. Aussi arrive-t-on à conclure que l'angiome caverneux fait partie d'un spectre très vaste de malformation artério-veineuse et qu'il se situe sur le versant veineux de ce spectre. Il est souvent associé à une anomalie de drainage veineux et cette dernière peut dans certains cas en être la cause.
L'apport radiologique de l'IRM nous a permis dans ces dernières années la découverte de plus en plus fréquente de l'association de ces malformations vasculaires.