Les exacerbations aiguës de la broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) liées à des infections respiratoires d'origine bactérienne ou virale ont un impact substantiel sur la morbidité et les coûts pour le système de santé. Dans le domaine de la prévention, le bénéfice des vaccins contre la grippe n'est plus à démontrer. De récentes observations expérimentales avec l'utilisation orale des immunostimulants obtenus à partir d'extraits bactériens suggèrent son effet stimulant sur le système immunitaire avec des résultats positifs sur le plan clini-que. L'utilisation in vitro de OM-85 BV a induit la sécré-tion d'interféron-g dépendant d'IL-12 par les cellules CD4+. Ces effets ont probablement des répercussions cliniques et peuvent être à l'origine de la réduction des séjours hospitaliers observée chez les patients BPCO atteints d'une exacerbation aiguë.
Les syndromes obstructifs chroniques (SOC), secondaires le plus souvent à un emphysème pulmonaire et/ou à une bronchite chronique, sont pour la plupart liés au tabagisme, et affectent environ 30% des fumeurs à l'âge moyen. Ces maladies sont connues pour avoir des symptômes tardifs, quand les lésions sont déjà avancées et que le syndrome est, le plus souvent, peu réversible. L'obstruction des voies aériennes, caractéristique commune à ces affections, est liée à une perte du paren-chyme et/ou à la production excessive de mucus, secondaire à l'inflammation des bronches, souvent accompagnée d'une bronchomalacie. Parmi les causes de l'inflammation, les infections jouent un rôle important, augmentant l'incidence des exacerbations de la maladie, notamment pendant les mois d'hiver. Ces exacerbations contribuent substantiellement à l'augmentation de la morbidité des SOC si l'on considère le nombre de personnes potentiellement à risque. Ces complications entraînent des hospitalisations et ont des retombées sociales qui élèvent les coûts pour le système de santé, sans compter les conséquences sur la qualité de vie et la mortalité notamment chez les patients âgés. Parmi les causes d'infections, non seulement les infections bactériennes, mais aussi les virus, jouent un rôle majeur. Le bénéfice des vaccins contre la grippe pour prévenir de telles infections et réduire ainsi les exacerbations et les hospitalisations des patients atteints de maladies respiratoires chroniques n'est plus à démontrer. Il en est de même pour le vaccin contre les infections pneumococciques.La stimulation des défenses par des extraits bactériens administrés par voie orale ou par voie inhalée est tentée depuis plus de vingt ans. Prescrits de manière systématique par certains praticiens, ces «stimulants de l'immunité» ont cependant toujours suscité des réserves de la part des milieux académiques. Parmi les agents stimulants de l'immunité, il y a des extraits bactériens contenant des antigènes dérivés de plusieurs souches bactériennes dont le bénéfice potentiel résulterait de la stimulation de la composante non spécifique du système immunitaire. Par exemple, OM-85 BV (Broncho-Vaxom ®), un stimulant de l'immunité par voie orale, est obtenu à partir de huit espèces bactériennes différentes ayant un rôle dans l'étiologie des infections respiratoires basses, à savoir Hemophilus influenzae, Diplococcus pneumoniae, Klebsiella pneumoniae et ozaenae, Staphylococcus aureus, Streptococcus pyogenes et viridans, et Neisseria catarrhalis. Plusieurs essais cliniques randomisés à grande échelle ont été effectués ces dix dernières années pour évaluer l'efficacité de ce stimulant de l'immunité. Un article récent de Collet et coll.1 portant sur 381 patients, rapporte une diminution de 55% du nombre de jours d'hospitalisations dans le groupe traité par OM-85 BV, secondaire probablement à la gravité des infections respiratoires dans le groupe comparé aux patients ayant reçu un placebo. Ce papier a mérité un éditorial du Pr Anthonisen2 dans le même journal. L'ensemble des résultats rapportés jusqu'à présent renforce le bien-fondé de l'utilisation souvent jugée empirique des stimulants oraux de l'immunité.Le présent article résume un symposium intitulé «Immunostimulants dans la prophylaxie des infections» qui a eu lieu le 11 novembre 1999 à Pfäffikon.
Dr Laurent P. Nicod, PD (Division de pneumologie, Genève)
Plusieurs essais cliniques ont démontré une réduction de 25-50% des exacerbations aiguës chez les patients atteints d'une bronchite chronique qui ont utilisé OM-85 BV, par rapport à un placebo.3-7 Dans une étude portant sur 290 patients âgés, Derenne et Delclaux8 rapportent une diminution de 30% du nombre d'infections chez les patients qui ont reçu OM-85 BV, ainsi qu'une utilisation 28% moins fréquente d'antibiotiques dans le groupe ayant reçu le stimulant de l'immunité. Plus récemment, Orcel et coll.9 montrent également une diminution des exacerbations chez les patients âgés atteints d'un syndrome obstructif. L'étude canadienne de Collet et coll. démontre une diminution du nombre d'hospitalisations et de la durée des hospitalisations chez les patients traités avec des stimulants bactériens. Malheureusement, si les exacerbations paraissent moins graves chez les patients traités, leur fréquence ne paraît pas diminuée dans ce travail.L'action des extraits bactériens passerait par l'activation des cellules des plaques de Peyer qui changeraient alors de degré d'activation comme cela a été démontré pour des cellules dendritiques humaines cultivées in vitro et exposées à des lipopolysaccharides. Le changement de degré d'activité de ces cellules exposées simultanément à des antigènes les rend potentiellement aptes à activer les structures lymphatiques à distance. Cela a été démontré dans divers modèles murins exposés à des antigènes de nature connue, mais n'est pas encore formellement démontré pour les extraits bactériens non purifiés. Ce que l'on sait, par contre, c'est que les extraits bactériens ingérés augmentent la production des IgA dans divers modèles murins. Ces mêmes IgA ont été trouvés en quantité significativement plus grande dans les bronches de sujets testés dans une étude clinique par le groupe du Pr Claude Donner.10 L'élévation des IgA devrait améliorer les défenses contre les virus et les bactéries puisqu'elles inhibent, entre autres, l'adhérence de ces pathogènes aux voies respiratoires. Dans cette étude randomisée, vingt patients atteints de bronchite chronique ont été traités soit avec l'OM-85 BV soit avec un placebo. Il a été démontré que dans le groupe OM-85 BV, les macrophages alvéolaires recueillis par lavage broncho-alvéolaire ont une augmentation significative de leur migration aléatoire, de la réponse chimiotactique à la formyl-méthionyl-leucyl-phénylalanine 10-7 M et de la libération d'O2- en conditions basales et après stimulation au zymosan opsonisé. N'ayant pas été observées dans le groupe placebo, ces réponses indiqueraient une activité d'accroissement des défenses immunitaires dans les voies respiratoires par le OM-85 BV. Une élévation de l'activité de type interféron a été également notée chez les sujets ayant reçu des extraits bactériens. La stimulation de lymphocytes CD4 par OM-85 BV en présence de monocytes induit in vitro la libération d'interféron g sous l'effet indirect de l'IL-12 comme cela a été décrit par le groupe du Pr M. Goldman.11 L'interféron g pourrait avoir un effet tant sur l'activité des cellules phagocytaires que sur les réponses immunes spécifiques et non spécifiques à distance.
Q : Quel est à votre avis la voie d'administration la plus appropriée pour le BV : orale, nasale ou intramusculaire ?
R : Si l'on rappelle l'association entre les réponses du tractus digestif et bronchique, et compte tenu de nos connaissances encore limitées, la voie gastro-intestinale est la seule qui puisse être recommandée, à ce jour, permettant d'espérer indirectement des réponses au niveau du système respiratoire. Cependant, des études sont en cours sur l'administration nasale pour des vaccins spécifiques. L'espoir est de trouver de nouveaux vecteurs capables d'atteindre les cellules dendritiques de la muqueuse nasale qui, une fois activées, pourraient migrer dans les structures lymphoïdes de voisinage pour y déclencher des réponses immunes.
Q : Quel est l'effet prépondérant : la stimulation du système immunitaire ou l'augmentation de la production des IgA ?
R : Il me semble que l'effet des IgA est le mieux démontré, mais tous les mécanismes d'actions ne sont pas encore complètement élucidés.
Q : Quels sont les effets secondaires du OM-85 BV ?
R : Parmi les huit mille patients traités par les extraits bactériens de Broncho-Vaxom ®, jusqu'à présent aucun effet secondaire majeur n'a été démontré, à part occasionnellement un discret inconfort digestif chez moins de 5% des sujets.
Pr Bert Schmelzer(Middleheim Anvers, Belgique)
Les infections des voies aériennes supérieures sont les plus fréquentes affections dans la pratique clinique quotidienne d'un ORL. D'origine virale ou bactérienne, les infections aiguës peuvent apparaître sous forme de rhinosinusite, pharyngite, laryngite, tonsilite, trachéite et otite media. Selon la définition de l'OMS, plus de trois infections dans le même organe durant trois mois caractérisent les infections chroniques chez les adultes. Pour les enfants, il n'y a pas de définition précise, mais selon notre expérience, chez les enfants de moins de 6 ans la survenue de 6-8 infections par année n'est pas rare, et dans le groupe entre 6-10 ans, un nombre de 4-6 infections par année est la règle. Ces infections ont un impact important sur la qualité de vie et entraînent des coûts sociaux appréciables (fig. 1).Les germes les plus fréquents dans les rhinosinusites aiguës sont : le Streptococcus pneumoniae (41%), l'Haemophilus influenza (35%), les anaérobes (7%) et la Moraxella catharralis (4%). Les germes plus fréquemment impliqués dans les sinusites chroniques sont l'Haemophilus influenza, le Proteus mirabilis, le Pseudomonas aeruginosa et l'Escherichia coli. Pour les tonsillo-pharyngites et laryngites, ce sont surtout les streptocoques b hémolytiques du groupe A et les staphylocoques dorés. Un nombre significatif de ces infections est toutefois d'origine virale. Les otites, rares chez les adultes, sont très fréquentes chez les enfants et causées par les mêmes germes que ceux de la rhinosinusite. Néanmoins, les otites chroniques peuvent s'accompagner d'une colonisation par Pseudomonas aeruginosa.Le traitement classique des infections ORL inclut la prescription de : antibiotiques, anti-inflammatoires, analgésiques, mucolitiques, gouttes nasales et, éventuellement, une approche chirurgicale. Depuis le XVIIIe siècle, les vaccins sont utilisés avec succès pour la prévention de plusieurs maladies. La première immunostimulation orale fut réalisée par Paul Ehrlich en 1891. En ce qui concerne la protection contre les infections bactériennes ou virales des voies aériennes supérieures, les premiers essais avec des immunomodulateurs étaient peu concluants. La raison évoquée est la relativement courte mémoire immunologique pour des antigènes bactériens, composés essentiellement par des glycoprotéines, et nécessitant des injections répétitives. Actuellement, il est démontré cliniquement que les vaccins contre les pneumocoques et les virus de la grippe sont efficaces et importants. Par ailleurs, les immunostimulants polymicrobiens, connus depuis longtemps, constituent toujours une alternative intéressante. Ainsi, des études en double aveugle avec Broncho-Vaxom ®(BV) démontrent de bons résultats et une bonne tolérance chez les adultes et chez les enfants.Entre 1996 et 1999, nous avons accompagné, de manière prospective, 354 enfants et 386 adultes qui présentaient des infections récidivantes et qui ont reçu de septembre à novembre du OM-85 BV, et un autre groupe comparatif, qui a été traité, de manière classique, sans BV. Nous avons observé que dans le groupe BV, le nombre de tonsillo-pharyngites (adultes et enfants) et otites moyen-nes (enfants) était significativement inférieur par rapport au groupe n'ayant pas reçu de BV. L'observation longitudinale démontre que, par exemple chez les enfants, les infections du genre tonsillo-pharyngite et rhinosinusite sont 1,5 fois moins fréquentes dans le groupe BV. La réduction des récidives a certainement un impact important sur la qualité de vie de ces enfants, diminuant le nombre de visites médicales et de traitements, et assurant un développement plus adéquat et une meilleure scolarité.
Pr Roland Keller(Clinique Barmelweid Barmelweid, Suisse)
L'expérience, après plus de vingt ans d'utilisation des immunostimulants, en particulier des extraits obtenus par combinaison des multiples germes comme le OM-85 BV rend compte de ces indications bénéfiques surtout pour les patients à haut risque, soit par l'âge (enfants et personnes âgés), soit par la présence des maladies respiratoires chroniques, soit par la coexistence des maladies, entraînent une baisse de l'immunité (insuffisance rénale, patients en programme de dialyse, affections cardiovasculaires, etc.). L'utilisation de BV a été associée avec une réduction des récidives des infections chroniques et une diminution des exacerbations chez les patients avec des syndromes obstructifs chroniques, ce qui entraîne une diminution de l'utilisation des antibiotiques, une amélioration des taux d'absentéisme surtout durant les mois d'hiver, ainsi qu'une meilleure qualité de vie. Il est clair que tous ces effets ont également un impact sur les coûts sociaux. Dans le but d'une évaluation coût-bénéfice de l'utilisation du OM-85 BV pour prévenir les exacerbations de la bronchite chronique, nous avons estimé les coûts directement en rapport avec les infections et leur traitement chez les patients traités ou non avec cet immunostimulant.12 L'étude permet de conclure que des réductions de l'ordre de Fr. 53.80 et Fr. 688.10 respectivement pour les traitements ambulatoires et hospitaliers peuvent être estimées pour chaque patient à risque traité par BV.
Q : Quelle est la durée de l'effet du traitement ?
R : Il faut traiter pendant les mois d'hiver selon les doses et les intervalles recommandés.
Q : Pour les patients sous traitement de corticostéroïdes, faut-il envisager une approche différente ?
R : Si les doses de corticostéroïdes oraux sont audessous de 20 mg par jour les défenses naturelles ne sont que peu touchées et dans ce cas un effet bénéfique peut être attendu avec le schéma proposé. Avec des doses supérieures à 20 mg, il est tout à fait possible que BV n'ait pas le même effet.
Q : Que conseillez-vous : BV par traitement intermittent ou continu ?
R : Trois périodes de dix jours pendant les trois mois d'hiver. Il est possible que l'utilisation journalière et continuelle puisse apporter une efficacité additionnelle, mais il n'y a pas de données à disposition.
Dr Beat Villiger (Thurgauer Schaffhauser Höhenklinik Davos, Suisse)
Plusieurs études ont démontré l'effet de l'exercice sur la fonction immune dont les réponses peuvent s'altérer et, comme conséquence, augmenter la prédisposition aux infections. Nieman,13 dans un éditorial, décrit les changements de la formule sanguine, entre autres le rapport neutrophiles/lymphocytes des marathoniens avant et après l'exercice forcé ; une augmentation progressive et significative de cinq fois les valeurs de base est observée. Par contre, l'activité des cellules natural killer, constituant 10-15% des lymphocytes et étant responsables de la réponse rapide aux virus et bactéries, diminue jusqu'à environ 60%. Ces altérations montrent les effets immédiats et tardifs sur le système immunitaire. D'autres altérations sont également démontrées,14 comme une neutrophilie accompagnée d'une lymphopénie induites par l'augmentation du cortisol plasmatique, une réduction de la clairance mucociliaire, une diminution de la fonction des cellules T et de la prolifération lymphocytaire, une diminution des taux d'IgA nasal et salivaire, ainsi qu'une diminution de la production de cytokines (interféron g, interleukine 1 et interleukine 6).Il est connu, notamment chez les enthousiastes du sport et du fitness, que l'exercice physique fait diminuer la susceptibilité aux infections. Néanmoins, les sportifs d'élite et les entraîneurs sont de plus en plus soucieux des potentiels effets négatifs de l'exercice sur l'immunité et de la conséquente diminution de la résistance aux infections, notamment celles des voies respiratoires hautes. Plusieurs études ont été effectuées sur le lien entre l'exercice physique et l'incidence des infections respiratoires supérieures. A présent, des évidences scientifiques suggèrent que l'activité physique vigoureuse peut induire, chez les athlètes, une immunosuppression transitoire et un risque accru aux infections. Par contre, l'exercice modéré augmenterait l'immunosurveillance et la protection aux infections respiratoires supérieures. Toutefois, les mécanismes entraînant de tels effets ne sont pas encore élucidés. Nous avons étudié comparativement trente personnes (dix sportifs d'élite, dix sportifs occasionnels et dix sédentaires) pour évaluer l'effet de l'exercice physique. Les résultats montrent une stimulation de l'immunité non spécifique chez les sportifs d'élite, tandis que chez les sportifs amateurs, on observe une augmentation de l'interféron g. Cependant, ces résultats ne permettent pas de conclure sur les potentiels mécanismes immunologiques des infections en rapport avec l'intensité du sport effectué. En fait, jusqu'à présent, une corrélation entre les paramètres cellulaires après l'exercice et le développement des infections n'a pas pu être mise en évidence, malgré la notion que l'incidence des infections respiratoires est supérieure à 20% chez les athlètes de sports d'hiver avec une répercussion sans doute sur l'incidence de l'asthme induit par l'exercice.Des études randomisées évaluant l'effet des immunostimulants chez les sportifs ne sont pas disponibles. Grâce à l'expérience acquise ces dernières années avec OM-85 BV, et notamment en raison de l'absence d'effets secondaires importants et la bonne tolérance par nos sportifs, nous l'avons inclus dans les recommandations préventives. En résumé, pour les sportifs d'élite, à part les mesures générales de protection contre les infections respiratoires, nous préconisons la vaccination contre la grippe avant le début de la saison d'hiver et trois mois après, l'utilisation des immunomodulateurs spécifiques (IgG) une semaine avant la compétition et des immunomodulateurs non spécifiques (OM-85 BV) durant les trois mois d'hiver. Pour les sportifs amateurs, nous le conseillons seulement chez ceux qui ont déjà présenté au moins deux infections respiratoires supérieures dans l'année. L'expérience enseigne que cette pratique apporte de bons résultats, mais des études manquent encore.
Q : Combien de temps dure la réaction immunologique observée sur les granulocytes après l'exercice ?
R : Les effets cellulaires durent environ douze à vingt-quatre heures. Ensuite apparaissent les effets secondaires de la cascade inflammatoire déclenchée par l'effort, dont la durée n'est pas déterminée.