Les disjonctions acromio-claviculaires sont relativement fréquentes, représentant à elles seules, plus de 10% de toutes les lésions traumatiques de la ceinture scapulaire. Le mécanisme habituel correspond à un choc direct sur le moignon de l'épaule, le bras en adduction, provoquant une rupture des ligaments acromio-claviculaires (A-C) puis coraco-claviculaires (C-C) avec un déplacement de l'extrémité distale de la clavicule. L'examen clinique permet de poser le diagnostic, confirmé par le bilan radiologique. Les lésions de types I et II sont habituellement traitées conservativement par une immobilisation simple du bras pendant trois à quatre semaines. Pour les lésions de types IV, V et VI, une prise en charge chirurgicale est habituellement préconisée : fixation A-C ou fixation C-C, parfois avec réparation ligamentaire, selon les écoles. L'embrochage A-C ou le vissage C-C sont les techniques les plus usitées. La prise en charge des lésions de type III reste controversée. Les patients doivent être informés que les résultats sont comparables que le traitement soit orthopédique ou chirurgical.
Même si les lésions traumatiques de l'articulation acromio-claviculaire (A-C) sont très fréquentes, leur prise en charge n'en demeure pas moins très controversée. L'instabilité A-C représente le second type de lésion traumatique le plus souvent rencontré au niveau de la ceinture scapulaire après l'instabilité gléno-humérale. La prévalence de ce type de lésion exige une attention toute particulière afin d'opter pour le traitement le plus approprié. Résolument orthopédique pour les uns, il est chirurgical pour d'autres.
La grande majorité des lésions A-C survient par choc direct, suite à une chute sur le moignon de l'épaule, le bras en adduction avec un impact sur l'acromion. L'impact sur l'acromion provoque un abaissement de l'omoplate par rapport à la clavicule alors que la clavicule reste dans sa position anatomique. La force appliquée sur l'acromion vient de haut en bas, mais également d'arrière en avant (fig. 1). Cette force provoque soit des lésions A-C, soit une fracture de la clavicule. Si la clavicule ne se rompt pas, la force sera transmise tout d'abord aux ligaments A-C puis aux ligaments coraco-claviculaires (C-C). Si le mouvement de force se poursuit, il provoquera des lésions de la chape musculaire trapézo-deltoïdienne à son insertion claviculaire et finalement une rupture des fascias musculaires.1 En général, lors d'un traumatisme de l'articulation A-C, la clavicule reste en position anatomique, solidaire au tronc, grâce aux puissants ligaments sterno-claviculaires et au muscle trapèze. Si le trapèze, par sa traction, peut provoquer une discrète ascension de la clavicule, c'est en fait l'acromion et toute l'omoplate qui sont entraînés vers le bas par le poids du bras.2 Ce mécanisme par choc direct, responsable de la plupart des lésions A-C, se retrouve dans la traumatologie sportive : hockey, ski, judo.3,4
Un mécanisme indirect avec chute sur la main, coude en extension est beaucoup plus rare : ce type de traumatisme, par l'intermédiaire de la tête humérale, provoque une ascension de l'acromion avec distorsion des ligaments A-C uniquement ; les ligaments C-C quant à eux sont intacts. Cette force, du bas vers le haut, peut provoquer une fracture de l'acromion.2
De rares luxations inférieures de la clavicule sous l'acromion ou sous le processus coracoïdien ont été décrites, provoquées par un choc excessivement violent sur la face supérieure de l'extrémité distale de la clavicule, le bras en abduction.5,6,7
Suivant les auteurs, les traumatismes A-C sont analysés selon l'importance du déplacement de l'extrémité distale de la clavicule, l'existence ou l'absence de lésion des ligaments A-C et C-C, ou l'intégrité de la chape trapézo-deltoïdienne. De ce fait, de multiples classifications ont été proposées. Tossy8 et Allman9 ont développé une classification en trois stades : le stade I est défini par une simple distension des ligaments A-C avec intégrité des ligaments C-C ; au stade II, les ligaments A-C sont rompus ce qui provoque un élargissement, parfois minime, de l'articulation A-C alors que les ligaments C-C sont intacts ou partiellement rompus ; au stade III, les ligaments C-C sont également rompus. C'est la dislocation vraie. Au stade III, les muscles deltoïde et trapèze sont habituellement désinsérés de l'extrémité distale de la clavicule.
A ces trois stades classiquement décrits, Rockwood a rajouté trois autres types lésionnels plus graves :4 dans le type IV, les ligaments A-C sont totalement rompus ; l'articulation A-C est luxée avec un déplacement postérieur de la clavicule à travers le trapèze. Le type V est une variété grave du type III, caractérisée par un important déplacement inférieur de l'omoplate. La distance entre la coracoïde et la clavicule est jusqu'à trois fois supérieure au côté sain. Dans le type VI, la clavicule est luxée en position inférieure, sous l'acromion ou sous la coracoïde. Les ligaments A-C et C-C sont rompus ; la chape musculaire est également lésée.5,6,7
La classification de Tossy avec les modifications apportées par Rockwood est la classification la plus souvent retenue. Différents auteurs en ont proposé d'autres.10,11,12,13,14La classification de Rockwood semble la plus complète et la plus appropriée à guider le choix thérapeutique (tableau 1).
L'examen clinique est souvent rendu difficile en raison des douleurs. En cas de suspicion de lésion A-C, le patient doit être examiné debout, ou assis, si l'examen debout n'est pas réalisable. Les hématomes et l'dème peuvent masquer les déformations dues à la disjonction A-C. Le poids du bras, abaissant tout le moignon de l'épaule, accentuera la déformation A-C. Les lésions cutanées, en regard de l'acromion, témoignent de l'importance du traumatisme.
Dans le type I, la douleur, siégeant électivement au niveau de l'articulation A-C, est modérée et majorée par la mobilisation. Habituellement, on ne retrouve pas de douleur dans l'espace C-C. L'dème, en regard de l'articulation A-C, est modéré. A l'inspection, on ne constate pas de déplacement de la clavicule par rapport à l'acromion. Dans le type II, on retrouve une subluxation A-C, avec l'extrémité de la clavicule légèrement surélevée par rapport à l'acromion. La douleur est plus forte, majorée par la mobilisation. Une laxité antéropostérieure du bord externe de la clavicule par rapport à l'acromion est recherchée. La région sous claviculaire, en regard de la coracoïde, est sensible.
Dans le type III, la disjonction A-C est complète. Si la manuvre de la touche de piano est classiquement recherchée, c'est surtout la possibilité de réduction en abduction qui permettra de distinguer le type III du type IV. La douleur A-C peut être modérée, mais toujours nettement exacerbée lors des manuvres d'abduction du bras.
Dans le type IV, les douleurs sont en général plus intenses. La clavicule est déplacée postérieurement par rapport à l'acromion, parfois à travers le muscle trapèze. L'adduction forcée des deux épaules facilite la mise en évidence du déplacement postérieur de la clavicule. Dans le type V, le déplacement inférieur de l'épaule est plus important que dans le type III. La clavicule reste au même niveau que du côté controlatéral alors que c'est tout le membre supérieur qui s'affaisse. L'extrémité de la clavicule peut menacer la peau (fig. 2). Dans le type VI, la clavicule étant abaissée sous la coracoïde, l'épaule a perdu ses contours habituels : on trouve un acromion proéminent. Ce type de luxation inférieure de la clavicule, provoqué par des traumatismes violents, peut être associé à des fractures de côtes ou des lésions plexulaires.
Le plus souvent, devant toute épaule traumatisée, le bilan radiologique initial comprendra un cliché de face, en double obliquité, associé à un profil de l'omoplate et un profil axillaire comme décrit par Neer.14 Le cliché de face confirmera une ascension claviculaire, cliniquement évidente, ou une fracture de l'extrémité distale de la clavicule. Sur les clichés de profil, on recherchera le déplacement postérieur de la clavicule (fig. 3). La radiographie de face ne permet toutefois pas une bonne analyse de l'articulation A-C et il faudra ajouter un cliché de face centré sur l'articulation A-C, moins pénétré que le cliché pour une épaule standard, avec un rayon ascendant de 10°-15°, comme décrit par Zanca.15 Celui-ci, en dégageant la superposition de l'articulation A-C avec l'épine de l'omoplate, permet de mieux analyser l'articulation A-C et de mettre en évidence les fractures de l'extrémité distale de la clavicule. Ce bilan radiologique permet dans la plupart des cas de poser le diagnostic de dislocation A-C et d'en préciser le type. Parfois, en raison du manque de relâchement musculaire, ou parce que le patient soutient son coude du côté traumatisé, le déplacement vertical est diminué ; de ce fait, la gravité des lésions peut être sous-estimée. Pour compenser ce manque de relâchement musculaire, un poids de 5 à 10 kg attaché à chaque poignet accentuera le déplacement inférieur de l'omoplate. Ce cliché en traction des deux ceintures scapulaires révèle certaines disjonctions A-C dans lesquelles le déplacement est discret sur les incidences sans traction. De nombreuses autres incidences radiologiques ont été proposées2,16 n'amenant finalement que peu d'informations supplémentaires.
Le traitement des lésions A-C ainsi que leur pronostic dépendent du type lésionnel : si, en règle générale, on s'accorde pour traiter conservativement les lésions de types I et II et chirurgicalement les lésions de types IV, V et VI, la prise en charge des lésions aiguës de type III reste très discutée.
En cas de lésions de type I, le traitement conservateur est de règle : repos, glace, AINS ; une immobilisation légère de quelques jours (simple écharpe ou bandage) permet une récupération rapide. Après sept à dix jours, le patient peut reprendre ses activités quotidiennes. La reprise du sport sera autorisée après récupération totale des amplitudes articulaires sans douleur.3
La plupart des auteurs s'accorde pour traiter conservativement les lésions de type II, du moins en phase aiguë. La contention ne sera plus à but antalgique uniquement mais visera à réduire la luxation et à maintenir la réduction, ceci dans l'idée de favoriser la cicatrisation des lésions ligamentaires. De multiples méthodes ont été décrites : bandage adhésif prenant appui sur le coude et la clavicule, contention type Robert Jones,2 harnais de Kenny Howard.9 On peut mettre en doute les possibilités de réduction et surtout de stabilisation de ces différents moyens de contention. Le temps d'immobilisation dépendra de l'importance des lésions (de 2 à 12 semaines). L'immobilisation sera suivie d'une rééducation afin de récupérer les amplitudes articulaires.
La prise en charge des lésions de type III reste des plus controversée. La controverse existe aussi bien sur le type de traitement, conservateur ou chirurgical, que sur la technique chirurgicale elle-même. Le choix du traitement repose sur l'importance des lésions, le profil du patient et ses exigences, mais il dépend également de l'expérience du chirurgien.
S'il apparaît logique de réduire la dislocation A-C, sa stabilisation reste problématique. Allman9 a bien codifié le traitement orthopédique à l'aide du harnais de Kenny Howard. Le port du harnais est recommandé pour six semaines. Les complications de ce type d'appareil ne sont pas négligeables : macération du creux axillaire, lésions de décubitus aux points d'appui sur l'épaule et le coude, contraintes. Au vu des contraintes que peut présenter le traitement conservateur par harnais et vu qu'il n'est de loin pas certain qu'il faille réduire la dislocation A-C pour obtenir un bon résultat fonctionnel, certains auteurs recommandent pour ces lésions de type III une immobilisation par simple écharpe. Ce traitement «minimaliste» (skillful neglect selon Rockwood)2 donne des résultats tout à fait satisfaisants : Glick,17 dans sa série de 35 patients sportifs présentant une lésion A-C de type III traitée conservativement par immobilisation simple, n'a retrouvé aucune gêne au contrôle, y compris chez les lanceurs. Dias18 a rapporté, sur une série de 53 patients, 52 bons résultats avec une contention simple. Ces bons résultats du traitement conservateur sont également confirmés par Jacobs,19 Schwarz20 et Cox.21 Si en règle générale, les résultats du traitement orthopédique sont favorables, d'autres auteurs sont moins optimistes : Rowe22 estime qu'après un traitement conservateur, 20% des patients ont une gêne résiduelle à l'effort et que 20 autres % ont un mauvais résultat nécessitant une intervention dans un second temps. Pour Cox,23 près de 70% des sportifs présentent des douleurs résiduelles à l'effort.
Différents travaux ont essayé de comparer le traitement orthopédique au traitement chirurgical : pour Larsen,24 la récupération des patients traités conservativement est plus rapide. En cas de traitement chirurgical (embrochage A-C avec sutures des ligaments C-C), il retrouve un important taux de complications principalement dues aux broches (infection superficielle, migration, rupture des broches). Taft25 a comparé les résultats de 52 patients traités chirurgicalement et de 75 patients traités conservativement : pour lui, le résultat fonctionnel ne dépend pas de la réduction A-C ; le traitement chirurgical (que ce soit une fixation A-C ou C-C) est grevé d'un important taux de complications. Dans sa série, 10% des patients ont subi un geste chirurgical dans un second temps, et ceci quel que soit le type du traitement initial. Bannister16 a comparé le traitement conservateur au vissage C-C. Dans sa série, les patients traités conservativement retrouvent leur amplitude articulaire plus rapidement. La reprise du travail est également plus rapide, tout comme la reprise de l'activité sportive. Rosenorm,26 Mc Donald,27 Dias,18 Dumontier28 confirment également les meilleurs résultats du traitement orthopédique sur le traitement chirurgical dans les entorses A-C de type III. Ces excellents résultats du traitement conservateur sont également retrouvés chez des sportifs de lancer.29
Les travaux montrant un bénéfice du traitement chirurgical par rapport au traitement orthopédique sont beaucoup plus rares. Pour Bakalim,30 le résultat fonctionnel est corrélé à la qualité de la réduction ; dans sa série, la réduction est meilleure et plus stable après embrochage A-C qu'après traitement orthopédique (réduction maintenue par strapping). Walsh31 a retrouvé après traitement chirurgical une meilleure mobilité et moins de douleur ; par contre, la récupération de la force est moins bonne dans le groupe opéré.
En fait, en revoyant la littérature, on retrouve peu d'arguments justifiant un traitement chirurgical pour tous les patients présentant une lésion A-C de type III. En effet, il semble ressortir de ces travaux, qu'après un traitement chirurgical, on retrouve plus de patients insatisfaits et un taux de complications plus important qu'après un traitement orthopédique ; la grande majorité des patients retrouve une fonction des plus satisfaisante de leur ceinture scapulaire sans traitement chirurgical.32 Il n'y a pas de consensus sur les indications dans les disjonctions de type III. Comme d'autres auteurs,4,12,14,22 nous sommes favorables au traitement chirurgical chez les jeunes sportifs et les travailleurs de force. L'aspect esthétique est également important et doit être pris en considération surtout chez la femme et les patients maigres. Par contre, nous évitons de proposer un traitement chirurgical aux patients pratiquant des sports de contact (hockey, rugby, judo, football) ; en effet, la pratique régulière de ces sports de contact les expose à une récidive de la disjonction A-C. Au dessus de 40 ans, les résultats étant moins bons et le risque de raideur plus important,12 nous proposons l'intervention aux sujets actifs et à ceux qui refusent une saillie inesthétique de la clavicule.
Les lésions de type IV, en raison de l'important déplacement postérieur de la clavicule, se traitent habituellement chirurgicalement. Dans ce type de lésion, la clavicule est passée à travers le muscle trapèze et, de ce fait, la réduction ne peut se faire qu'après abord chirurgical. En laissant la clavicule en position de luxation postérieure, on risque de prétériter sévèrement la fonction de l'épaule. Une fois la réduction obtenue, on stabilisera la disjonction A-C par une fixation A-C ou C-C selon les écoles.2,33
Les lésions de type V se traitent elles aussi chirurgicalement en raison de l'important déplacement claviculaire. L'ascension de la clavicule provoque des lésions des muscles trapèze et deltoïde ; une réparation soigneuse de la «chape» musculaire est recommandée ainsi qu'une stabilisation solide A-C ou C-C. Si la réduction de la clavicule n'est pas possible ou s'il existe déjà des modifications arthrosiques de l'extrémité distale de la clavicule, on n'hésitera pas à effectuer en plus une excision du centimètre externe de la clavicule.2
Les rares cas de lésions de type VI décrits dans la littérature ont été traités chirurgicalement.5,6,7,34Malgré la rareté des cas, il semble toutefois ressortir que le vissage C-C soit le traitement le plus recommandé pour ce type de lésion.
L'indication opératoire posée, il est difficile de recommander une technique chirurgicale plutôt qu'une autre. Les techniques de stabilisation proposées dans la littérature sont multiples ; ceci témoigne des difficultés que l'on rencontre pour stabiliser de manière satisfaisante l'articulation A-C. La stabilisation chirurgicale acromio-claviculaire repose sur deux principes : fixation A-C et fixation C-C ; à cela, certains rajoutent des transferts musculaires, une excision de l'extrémité distale de la clavicule ou encore une ostéotomie de la clavicule. Le type de stabilisation peut sembler fort varié suivant les auteurs ; en fait, ceci est dû surtout à une grande possibilité de combinaison des gestes pratiqués.
La fixation de l'articulation A-C s'effectue par des moyens de stabilisation divers : broche, vis, cerclage trans-osseux, plaque, hauban. Si la majeure partie des auteurs ont renoncé aux broches de Kirschner en raison de leur petit diamètre et du risque de rupture et de migration de l'implant,35 l'embrochage reste la technique la plus usitée : embrochage avec des broches de Steinman de petit diamètre, filetées. Les broches doivent être assez solides pour résister aux forces qui s'appliquent sur l'articulation A-C ; elles doivent également être solidement impactées dans la corticale de la clavicule afin d'éviter tout déplacement secondaire. L'extrémité externe de la broche doit être recourbée et impactée dans l'acromion. Si la plupart des auteurs préconisent une réduction à ciel ouvert puis un embrochage, d'autres recommandent un embrochage percutané. L'exposition chirurgicale de l'articulation A-C permet une réduction aisée de la clavicule et un contrôle de la réduction. La plupart des auteurs ne recommandent pas dans le même temps opératoire une réparation ligamentaire, dans l'idée que la réduction et la stabilisation de la clavicule permettent à elles seules la cicatrisation des ligaments A-C et C-C. Rockwood2 et Sage34 recommandent la réparation des ligaments A-C si possible. Plusieurs types de plaques ont également été développés pour ce type de stabilisation.36,37
La fixation C-C est une autre méthode de stabilisation des disjonctions A-C. Parmi les auteurs qui recommandent une fixation C-C, celle-ci s'effectue le fréquemment par une vis, insérée de l'extrémité distale de la clavicule à la base de la coracoïde. Bosworth,38 qui fut le premier à décrire cette méthode, a développé une vis spéciale avec un filetage distal et une tête de vis aplatie et surdimensionnée, ceci pour éviter un enfoncement de la vis dans la corticale. Bosworth effectuait ce vissage C-C en percutané. Pour Kennedy,39 la réduction A-C est importante ; il recommande même une hypercorrection : en abaissant la clavicule au contact de la coracoïde, il cherche même à créer une fusion entre la clavicule et la coracoïde. Cette fusion coraco-claviculaire ne modifie en rien la mobilité de la ceinture scapulaire. Comme alternative à la vis de Bosworth, certains utilisent une vis AO spongieuse 6.5, filetée sur son extrémité distale, appuyée sur une rondelle métallique.3 Le vissage C-C a l'avantage de préserver l'articulation A-C et peut-être d'en diminuer le risque d'arthrose post-traumatique.25
Au vissage C-C, certains préfèrent les cerclages. Ce cerclage peut s'effectuer avec un fil métallique simple ou double ;40 il peut être croisé en huit sous la coracoïde.41 Comme alternative au cerclage métallique, certains utilisent des fils ou des bandelettes synthétiques,42,43 des autogreffes de fascia lata ou de tendons. Des lésions érosives de la clavicule et des fractures de la coracoïde, dues aux cerclages sont rapportées. Les cerclages réalisent une stabilisation moins rigide que le vissage C-C tout en permettant un mouvement rotatoire à la clavicule. Ce type de fixation est cependant moins solide que le vissage C-C, les cerclages se rompant fréquemment avant la cicatrisation des ligaments C-C.
Bailey44 a proposé un transfert de l'apophyse coracoïde avec l'insertion du coraco-brachial et du court chef du biceps, transfert sur la face inférieure de la clavicule. En théorie, cela permettrait au muscle transféré d'agir comme abaisseur dynamique de la clavicule. Berg45 a proposé d'associer à la réparation des ligaments A-C et C-C, une corticotomie de la clavicule ; cette fragilisation de la clavicule a pour but de diminuer la tension des sutures ligamentaires, le temps de leur cicatrisation.
Comme geste complémentaire aux moyens de stabilisation classiques, certains auteurs ont recommandé, en raison du risque d'arthrose post-traumatique, d'y associer systématiquement une résection de l'extrémité distale de la clavicule.46,47Cette résection du centimètre externe de la clavicule ne semble provoquer ni limitation fonctionnelle ni perte de force. Par contre, elle peut être suivie d'ossification secondaire douloureuse.
En respectant les indications opératoires précédemment décrites, nous avons l'habitude d'effectuer une stabilisation A-C et C-C selon une technique bien codifiée : le patient est installé en position semi-assise, en prenant soin d'avoir accès à la partie postérieure du moignon de l'épaule. L'incision est oblique, en coup de sabre, de l'angle postéro-supérieur de l'omoplate au pied de la coracoïde. Après avoir abordé l'articulation A-C et excisé les tissus qui s'interposent, nous vérifions que la réduction A-C soit optimale. Forage de deux tunnels (mêche 3.2) dans la clavicule en regard de la zone d'insertion des ligaments C-C. Ceci permet de stabiliser la clavicule à la coronoïde par un laçage en cadre avec 3 fils non résorbables (Ethibond® n°5) en veillant de placer les nuds sous la clavicule. Nous complétons le montage par un point en cadre trans-osseux, acromio-claviculaire (Ethibond® n°3) (fig. 4). Suture des ligaments C-C et reconstruction soigneuse de la chape delto-trapézienne. Dans les suites opératoires, nous recommandons une immobilisation de trois semaines, puis récupération en passif des amplitudes articulaires. Le port de charge est autorisé à partir de la 6e semaine. Cette technique de stabilisation A-C par fils non résorbables a l'avantage d'utiliser un matériel bien toléré et peu coûteux ; elle ne nécessite pas de réintervention pour ablation des implants. Le taux de complications des techniques chirurgicales utilisant des implants métalliques n'est pas négligeable : migration, rupture des implants.
Dans notre expérience, sur une série de 22 patients opérés d'une entorse A-C, on retrouve au contrôle (follow-up moyen : 33 mois) 95% de bons et excellents résultats fonctionnels (fig. 5). Nous n'avons pas noté d'infection en postopératoire ni de complication liée aux fils non résorbables. Nous observons une perte de la réduction dans 23 % des cas, des signes d'arthroses A-C (13 %) et des ossifications C-C (45 %) (fig. 6) sans que ces constatations n'inflencent le résultat fonctionnel (fig. 7).
Le diagnostic d'entorse A-C est avant tout clinique. Le bilan radiologique aidera à préciser l'importance de la lésion. Le traitement des lésions de types I et II reste orthopédique bien qu'il n'existe pas de moyen de contention capable de réduire une luxation A-C et surtout de la stabiliser. Le traitement des lésions de type III reste très discuté. Chez les sujets jeunes, actifs, travailleurs de force, voire les sujets maigres, certains auteurs recommandent un traitement chirurgical d'emblée. Le choix de la technique chirurgicale reste controversé. La technique de réparation A-C par laçage, telle que nous la pratiquons, permet d'obtenir des résultats fonctionnels comparables aux autres techniques chirurgicales avec des taux de complications moindres. D'autres auteurs prônent un traitement conservateur qui procure un résultat fonctionnel jugé tout à fait acceptable par les patients, avec une récupération plus rapide. Le traitement des disjonctions A-C de type IV, V et VI reste avant tout chirurgical.