Le risque de chutes et de fractures augmente fortement avec l'âge et représente un facteur majeur de perte d'indépendance, de morbidité et de mortalité chez la personne âgée. Les résultats de recherches récentes ont montré que la substitution de la vitamine D et spécialement du calcitriol, reconnu pour son influence sur le métabolisme osseux, augmente aussi la force musculaire et l'équilibre. Il peut ainsi réduire la fréquence des chutes et, en conséquence, celle des fractures. Dans le futur, toute prévention de fractures chez la personne âgée devra prendre en considération la masse osseuse, la force musculaire et l'équilibre. Il est ainsi probable que la substitution de la vitamine D en sera une déterminante thérapeutique majeure.
Le risque de chutes et de fractures augmente fortement avec l'âge et représente un facteur majeur de perte d'indépendance, de morbidité et de mortalité chez la personne âgée.1,2 La majorité des fractures du col du fémur chez les personnes de plus de 70 ans est due à des chutes.1,2 Parmi les facteurs de risque de chutes, il faut noter une diminution de l'équilibre et une augmentation du balancement corporel.3 Cette anomalie du balancement corporel associée à une atteinte de la force musculaire du muscle quadriceps et à une réduction de la masse osseuse est la cause des fractures non vertébrales, en particulier dans les fractures du col fémoral.4,5
Le traitement avec de la vitamine D réduit le risque de fractures non vertébrales chez la personne âgée.6 Le rôle de la vitamine D est reconnu pour son influence sur le système osseux. Son métabolite actif, le calcitriol (1,25-vitamine D3) augmente la résorption intestinale de phosphate et de calcium, et stimule la réabsorption rénale du calcium pour favoriser la minéralisation de l'os. La production de métabolites actifs de la vitamine D est dépendante du taux de calcium et de phosphate dans le sérum. Chaque diminution du taux de calcium ou de phosphate dans le sérum augmente la synthèse de calcitriol, qui est elle-même, réglée par la parathormone. Etant donné que le calcitriol est soumis à une régulation par d'autres hormones, le calcitriol est aujourd'hui plutôt considéré comme une hormone que comme une vitamine.
Mais la faible augmentation de la masse osseuse observée sous traitement par la vitamine D13ne suffit pas à expliquer la baisse du taux de fractures.
Pendant ces deux dernières décennies, il a été montré que le calcitriol est plus qu'une hormone régulant le métabolisme du calcium et du métabolisme osseux. Cette hormone a un effet paracrine sur plus de trente tissus corporels différents. Le transport du calcitriol vers les différents organes est effectué par une protéine nommé «Vitamine D binding protein».
Cette théorie d'influence paracrine est soutenue par :
I La possibilité pour la plupart des cellules de synthétiser le calcitriol à partir de la vitamine D.
I La présence de récepteurs spécifiques au calcitriol sur pratiquement chaque cellule du corps humain.
Par cette importante action paracrine, le calcitriol influence le développement et la différenciation cellulaire.7
Les reins mettent à disposition le calcitriol circulant qui intervient alors dans la régulation hormonale de l'organisme, alors que les autres tissus produisent localement le calcitriol qui intervient au niveau du siège de production par un effet paracrine.
On sait depuis longtemps que les muscles squelettiques sont sous l'influence des métabolites de la vitamine D.8Des études cliniques et expérimentales ont démontré une faiblesse musculaire ou une anormalité de la contraction musculaire dans différents états de manque de vitamine D, comme par exemple dans l'ostéomalacie, les syndromes de malabsorption, les gastrectomies ou les maladies rénales chroniques. Longtemps le mécanisme pathophysiologique liant calcitriol et force musculaire a été ignoré. Différentes études récentes ont démontré un rôle central du calcitriol. Le calcitriol influence le métabolisme du calcium dans la cellule musculaire et régularise l'ouverture des canaux calciques des membranes cellulaires. De plus, il a été démontré que les myopathies répondaient vite et efficacement au traitement par calcitriol, et cela de façon indépendante du taux de calcium sérique et de l'importance des dégâts neurogènes.
Des chercheurs suisses ont démontré à plusieurs reprises, une corrélation positive chez l'homme comme chez la femme, entre la réduction de la force musculaire avec l'avancée en âge et le taux de calcitriol.9,10 Le déficit de vitamine D contribue donc à la diminution de la force musculaire avec l'âge. Cet effet est encore plus important chez les sujets âgés vivant en institution qui sont à la fois immobiles et fortement carencés en vitamine D. Le même groupe de chercheurs a démontré que l'efficacité de la substitution en vitamine D était aussi dépendante de la mobilité des sujets, c'est-à-dire que les personnes âgées mobiles bénéficient davantage d'une substitution en vitamine D que les personnes immobiles.11 Dans une récente étude en double aveugle, la plus grande efficacité d'une association de calcium et de vitamine D a été démontrée par rapport au traitement par du calcium en monothérapie : réduction significative à la fois du balancement corporel de 9% (p < 0,05) et de la fréquence de chutes (p < 0,05).12
Une autre étude en double aveugle contre placebo, concernant 489 femmes âgées suivies pendant trois ans, a révélé qu'une monothérapie par calcitriol est plus efficace que la monothérapie strogénique et tout aussi efficace que la thérapie associant strogène et calcitriol pour réduire le nombre de fractures, cela malgré le fait que le calcitriol seul n'ait pratiquement aucun effet sur la masse osseuse.13
La prévention de fractures chez la personne âgée s'est généralement limitée jusqu'à présent au traitement de l'ostéoporose. Des découvertes récentes ont démontré qu'en plus de cette action, il est possible de prévenir les chutes en augmentant la force musculaire. La substitution en vitamine D, et spécialement en calcitriol augmente effectivement la force musculaire et réduit la fréquence des chutes, et en conséquence la fréquence des fractures. Cet effet semble s'accentuer avec davantage de mobilité. Dans le futur, toute prévention de fracture chez la personne âgée devra prendre en considération la masse osseuse et la force musculaire, et il est probable que la substitution de la vitamine D (ou calcitriol) en sera une déterminante majeure.