De par sa prévalence élevée, l'incontinence urinaire (IU) chez la femme est un problème de santé publique. On dénombre trois étiologies, qui peuvent se chevaucher : l'incontinence d'urgence, l'hypermobilité urétrale et l'insuffisance du sphincter urétral, ces deux dernières étant à l'origine d'une incontinence urinaire d'effort. Chez certaines patientes qu'il faut savoir sélectionner, le bilan urodynamique peut préciser l'étiologie et la mesure de la pression abdominale de perte urinaire (PAPU) permet de catégoriser le type d'IU d'effort.Parmi les multiples techniques chirurgicales proposées pour corriger l'IU d'effort, la mise en place d'une bandelette sous-urétrale occupe actuellement une place importante. L'emploi de matériel biologique, tel que le fascia lata cadavérique humain, permet de confectionner une bandelette solide et augmente la mini-invasivité de la technique, qui est efficace à moyen terme. La tolérance locale de cette allogreffe est excellente et aucun cas de transmission virale n'a été rapporté à ce jour.
L'incontinence urinaire (IU) est un problème fréquent chez la femme et ses implications sur la qualité de vie peuvent être significatives, voire désastreuses.
De récentes études épidémiologiques ont démontré que plus de 20% des femmes dès leur deuxième décennie subissent les conséquences sociales et/ou hygiéniques de pertes involontaires d'urine1 qui les amènent à consulter leur médecin. Cette prévalence élevée exerce un impact significatif sur le budget de la santé. Aux Etats-Unis par exemple, il a été calculé, il y a une dizaine d'années, que l'on dépense 40 dollars par an et par habitant pour pallier l'IU.2
S'il est certain que la forte médicalisation des pays industrialisés est l'un des facteurs de haute prévalence, il ne faut pas négliger l'apport des changements de mentalités, de la démystification de certains tabous et de la facilité d'accès à l'information (forums télévisés, internet) en termes de dépistage de l'IU.
Classiquement, deux causes sont distinguées : l'IU d'effort (type «stress») et l'IU d'urgence (type «urge»). Les femmes peuvent perdre leurs urines en raison du déclenchement inopiné et involontaire de contractions du détrusor.3 Ce dernier est alors qualifié d'instable et l'on est alors en présence d'une IU d'urgence.
Par opposition, on parle d'IU d'effort lorsque l'unité anatomique de l'urètre et du col vésical est responsable de l'IU. L'IU d'effort est communément attribuée à une hypermobilité urétrale due à une laxité exagérée du plancher pelvien. A l'origine de cette dernière, on trouve communément un traumatisme obstétrical, le vieillissement, une neuropathie et l'absence d'utilisation de ces muscles. Du fait de cette hyperlaxité du plancher pelvien, l'urètre ne se trouve plus dans l'enceinte abdominale. Ainsi, lorsque la pression abdominale augmente (effort, toux, rire, etc.), elle n'est plus transmise au défilé infravésical ; l'appareil sphinctérien encaisse alors toute la pression et au-delà d'un certain seuil la perte d'urine a lieu.4
Si le sphincter intrinsèque (notamment le col vésical) est déficient, on est en présence du deuxième type d'IU d'effort5 qu'on peut attribuer à une insuffisance sphinctérienne intrinsèque. A l'origine de ce type d'incontinence, on rencontre des lésions chirurgicales, neurologi-ques, obstétricales, post-traumatiques et la déprivation hormonale.
Les deux types d'IU d'effort peuvent coexister ; de plus, bien des femmes présentent une hypermobilité urétrale sans IU, ce qui renforce l'idée qu'un certain degré d'insuffisance sphinctérienne doit exister pour qu'il y ait perte d'urine dans un contexte d'hypermobilité urétrale.
La déficience sphinctérienne intrinsèque peut également être le révélateur de l'IU d'urgence. Lorsque le détrusor est instable et que le sphincter intrinsèque est compétent, la patiente présente des urgences et une pollakiurie sans pertes d'urine. Par contre, si l'appareil sphinctérien est déficient, les augmentations aiguës et fugaces de la pression endovésicale signant l'hyperactivité détrusorienne ne seront pas endiguées et l'IU a lieu. La tendance actuelle est donc de considérer que chez la plupart des femmes l'étiologie de l'IU est plurifactorielle (fig. 1), mais que son révélateur est un certain degré d'insuffisance sphinctérienne.
La pierre angulaire du bilan d'une IU est constituée d'une anamnèse ciblée et d'un examen clinique pertinent et minutieux. Certains paramètres cliniques déterminants ainsi qu'une série de manuvres spécifiques permettent au praticien de quantifier les plaintes et d'orienter le diagnostic.6
Sur le plan paraclinique, l'examen urodynamique constitue l'outil diagnostique principal. Il peut apporter des éléments déterminants mais n'est pas indispensable chez la majorité des patientes.
L'anamnèse et la constitution d'un carnet mictionnel identifieront les femmes présentant une IU d'urgence chez lesquelles on introduira un traitement comportemental (apprentissage de contractions inhibitrices du plancher pelvien) associé à une «béquille médicamenteuse» sous la forme d'une prescription spasmolytique anticholinergique (oxybutynine, toltérodine).
De même, la quantification du nombre de protections quotidiennement nécessaires ainsi qu'un examen pelvien à vessie pleine permettront de sélectionner les patientes présentant une IU d'effort faible à modérée, susceptibles de bénéficier d'une rééducation du plancher pelvien.
L'examen urodynamique est principalement indiqué lorsqu'une option chirurgicale est envisagée et/ou en présence d'une situation complexe, telle que l'IU mixte (urgences et effort), une IU récidivante, des troubles de la vidange vésicale, des troubles neurologiques associés, des antécédents de chirurgie du petit bassin ou de radiothérapie.6
Depuis un peu plus de cinq ans, McGuire a développé un concept fondamental qui permet de quantifier la force du mécanisme de fermeture sphinctérien.7,8 Il consiste à mesurer l'augmentation de la pression vésicale permettant de déclencher la perte d'urine. Au cours de la cystomanométrie, lorsque le remplissage vésical atteint 200 ml, on demande à la patiente d'exercer une manuvre de Valsalva, capable d'induire une perte d'urine visible au méat urétral. L'augmentation consécutive de la pression intra-abdominale va se répercuter sur la pression intravésicale. La différence de pression intravésicale ainsi générée, susceptible de faire céder le verrou sphinctérien, est appelée pression abdominale de perte urinaire (PAPU ; abdominal leak point pressure des Anglo-Saxons). En corrélant cette valeur avec la clinique et l'imagerie radiologique, on a stratifié les valeurs de la PAPU afin de déterminer la part de l'IU d'effort due à l'insuffisance sphinctérienne et à l'hypermobilité urétrale. Ainsi une PAPU 60 cm d'H2O est compatible avec une insuffisance sphinctérienne intrinsèque prédominante alors qu'une PAPU >= 100 cm H2O en impose pour une hypermobilité urétrale.7 Entre 60 et 100 cm H2O, il existe une zone intermédiaire où les deux composantes se recoupent mais où l'insuffisance sphinctérienne intrinsèque est au moins le révélateur des symptômes.7 Bien qu'elle ne soit pas à l'abri d'artéfacts, à l'instar de l'ensemble des paramètres urodynamiques, la PAPU s'impose de plus en plus comme l'élément paraclinique clé de l'IU d'effort.9