Les particules les plus fines (moins de 10 mi-crons, PM10) en suspension dans l'air, une fois inhalées, atteignent les bronches jusqu'en périphérie ainsi que les alvéoles pulmonaires. Une association significative entre exposition aux particules fines et effets sur la santé a été confirmée par de nombreuses études provenant de pays différents et fondées sur des méthodologies complémentaires. L'exposition aux PM10 est associée à une augmentation de la morbidité respiratoire tant chez l'enfant que chez l'adulte (augmentation de la prévalence des symptômes, des admissions d'urgence à l'hôpital, de l'absentéisme et des fonctions pulmonaires diminuées). La mortalité tant journalière que globale est elle aussi accrue, liée à des pathologies respiratoires ou cardiovasculaires. Si les risques liés à la pollution particulaire sont relativement faibles à titre individuel, les conséquences au niveau de la santé publique sont considérables.
Les polluants atmosphériques sont des contaminants de l'air intérieur et de l'atmosphère extérieure. Ils sont constitués de particules et de gaz potentiellement toxiques s'ils sont inhalés par des êtres vivants. Ils peuvent également altérer la vie végétale et souiller l'environnement minéral. Ces contaminants aériens sont produits directement dans l'air ou sont formés à partir de précurseurs, tels que les polluants photochimiques générés dans les zones urbaines ou industrielles sous l'action de la lumière solaire. Il est bien établi que l'inhalation de ces substances entraîne divers effets biologiques délétères.
La pollution particulaire est un mélange de particules fines solides et liquides de taille, de composition et d'origine variables.1 L'air ambiant contient en permanence une certaine quantité stable de fines particules en suspension, que les êtres vivants inhalent et qui se déposent dans le système respiratoire. En zone urbaine, ces particules consistent principalement en sulfates et nitrates d'ammonium formés à partir des gaz polluants, en particules de sable ou d'argile, en gouttelettes d'eau et de matériel organique, en particules fibreuses produites par l'industrie, en carbone et cendres provenant de processus de combustion, en métaux de toutes sortes et en divers matériaux de nature encore mal définie.
Les particules en suspension dans l'air peuvent être aussi grandes que 100 mm de diamètre aérodynamique. Cependant, ces poussières n'ont que peu de chance d'atteindre le poumon car elles sont filtrées par divers mécanismes dans les voies aériennes supérieures. Ce sont les particules de 10 mm de diamètre aérodynamique et en dessous (appelés PM10) qui ont le plus de probabilité de pénétrer à l'intérieur des poumons.2 En raison de la haute perméabilité du lit capillaire pulmonaire et de sa large perfusion, les substances relativement solubles attachées aux particules les plus fines vont facilement atteindre les capillaires pulmonaires et être résorbées dans la circulation, libres alors d'exercer leur effet biologique sur l'organisme. D'autres particules recouvertes de molécules moins solubles vont influencer directement l'épithélium aérien, causant des dommages cellulaires et stimulant divers récepteurs logés en surface.
Contrairement à d'autres polluants, en particulier gazeux, les particules en suspension ne sont pas définies par des constituants chimiques spécifiques. Ainsi, certaines PM10 peuvent être acides, contenant de grandes quantités d'acide sulfurique biologiquement réactif ou d'acides nitriques contribuant à agresser le poumon. Dans d'autres lieux, les PM10 consistent primairement en poussières inertes soulevées par les vents. Dans d'autres situations encore, les PM10 peuvent inclure des produits métalliques potentiellement toxiques. De plus, les particules aériennes peuvent servir de vecteur à des substances biologiquement actives, à des acides ou oxydants adsorbés sur les noyaux particulaires. Ainsi, tout essai d'évaluer les risques potentiels pour la santé en fonction de la concentration des particules en suspension peut être biaisé par l'imprécision sur la composition chimique des particules ou sur leurs propriétés physiques.
La compréhension des mécanismes impliqués dans les effets sur la santé de la pollution atmosphérique nécessite l'intégration des connaissances dérivées des essais toxicologiques et des études épidémiologiques.
Les polluants atmosphériques peuvent être délétères sur l'appareil respiratoire par différents mécanismes potentiels :
I une atteinte cytotoxique de l'épithélium respiratoire responsable d'altérations morphologiques ;
I l'induction d'une réaction inflammatoire génératrice d'un état d'hyperréactivité bronchique ;
I une interférence avec les mécanismes locaux de défense immunitaire.
Ces différents mécanismes sont souvent associés, rendant compte de la susceptibilité accrue de l'épithélium respiratoire vis-à-vis d'allergènes, d'agents infectieux et même d'oncogènes.
Chez l'animal, l'inhalation de particules provoque une atteinte fonctionnelle qui repose sur l'induction d'une réaction inflammatoire au niveau de la trachée, des bronches et des alvéoles pulmonaires.3 Les effets génotoxiques potentiels des poussières ont été démontrés par la présence de nombreux adduits d'ADN dans les poumons de rongeurs exposés aux émissions diesel.4 En outre, les particules diesel, administrées par voie nasale, ont une activité de stimulation de la production d'IgE spécifique.5
En expérimentation humaine, il a été démontré que les particules d'émissions diesel augmentent la production d'IgE, celles-ci probablement liées à une augmentation de la production d'IL-4.6
Sur la base des données de la «Six Cities Study» il a été démontré une association étroite entre la fréquence de la toux chronique, de la bronchite et des maladies respiratoires chez l'enfant pré-adolescent, et l'intensité de l'exposition à la pollution atmosphérique.7 Les enfants avec une histoire de sibilances ou d'asthme présentaient une prévalence de symptômes respiratoires plus importante, ceux avec stigmates d'hyperréactivité bronchique étant les plus sensibles aux variations de la pollution.
En outre, des études de séries chronologiques ont rapporté une association significative, mais transitoire, entre déclin de la fonction pulmonaire chez l'enfant et augmentation du taux de pollution particulaire.8
Chez l'adulte, de nombreuses études ont impliqué la pollution particulaire comme facteur contributif à l'incidence et à la sévérité de la pathologie respiratoire. Une diminution de la fonction pulmonaire a elle aussi été observée.9 Les symptômes respiratoires et les modifications des Peak flow étaient les plus étroitement associés avec les taux de PM10 moyens portant sur les cinq jours précédents. Ce résultat ne devrait pas être interprété comme si les variations le jour même ou le jour précédent n'avaient pas d'importance. Ils impliquent plutôt que la réponse d'une part et la récupération d'autre part peuvent prendre plusieurs jours pour s'installer.10
Les études épidémiologiques ont montré de façon convaincante une augmentation de la mortalité et de la morbidité (particulièrement chez les malades, les infirmes et les personnes âgées), dans les villes les plus polluées par les particules fines (PM10 et PM2,5). Le risque relatif de mortalité s'élève de 1,5 à 2,5% pour une augmentation de concentration moyenne de PM10 de 50 mg/m3 lorsqu'on inclut les co-polluants atmosphériques. Ceci représente environ 1% d'augmentation de morts associées à une augmentation de PM10 de concentration annuelle moyenne de 25 mg/m3. Les études d'hospitalisation pour maladies respiratoires montrent une association positive avec une augmentation des PM10 dans les 24 heures qui précèdent, suggérant une augmentation de 6 à 25% de morbidité pour une augmentation de 50 mg/m3 au cours des 24 heures précédentes.11,12,13
Des études récentes réalisées dans dix-sept villes des trois continents ont montré une association entre pollution particulaire et mortalité journalière. Ces associations ont été observées dans le cadre de climats très contrastés et dans des régions où une co-exposition au dioxyde de soufre et à l'ozone était absente. L'amplitude de l'effet était similaire dans ces divers lieux. Des associations analogues ont également été observées concernant le taux d'admission hospitalière et les maladies cardiovasculaires.14
Considérant la mortalité globale, une association significative a été observée entre exposition chronique à la pollution particulaire et réduction de la durée de vie. Le risque relatif de mortalité pour les zones les plus polluées comparé aux zones les moins polluées était de 1,26 (1,08 à 1,47), la pollution étant associée positivement avec les risques de mort par cancer pulmonaire mais aussi par maladies cardio-pulmonaires. Parmi les divers polluants testés les associations étaient les plus étroites avec les particules fines PM10.15
La relation entre dose d'exposition à la pollution et mortalité globale ne comporte pas de seuil. De plus, ces fonctions ne sont pas linéaires sur toute la gamme des concentrations. En effet, les études réalisées dans des atmosphères très polluées16 montrent un infléchissement apparent de la nocivité des poussières pour les concentrations élevées. Deux explications pourraient rendre compte de ce phénomène : soit le décès précoce des sujets «sensibles à la pollution» réduit le groupe de sujets à risque, soit l'effet toxique résulte de l'action de substances non identifiées auxquelles les particules fines seraient liées par une relation non linéaire. De fait, l'étude longitudinale des Six Cities Study15 apporte des arguments à l'hypothèse que la répétition à long terme de l'exposition à la pollution, en particulier particulaire, entraînerait des atteintes tant respiratoires que cardiaques qui se solderaient par une réduction appréciable de la survie.
Cependant, ce n'est pas parce que les particules en suspension constituent le meilleur paramètre pour l'établissement des corrélations mathématiques, en particulier dans les analyses de régression, que cela prouve le rôle causal des PM10. Certains auteurs ont en effet montré que les effets sur la mortalité quotidienne sont plus étroitement associés aux polluants gazeux qu'aux particules en suspension, quelles que soient leurs tailles.17
Dans une étude parue récemment dans le Lancet,18 on a évalué l'impact sur la santé publique de la pollution en particulier liée au trafic dans trois pays d'Europe (Autriche, France et Suisse). Ce travail montre que la pollution de l'air est responsable de 6% de la mortalité totale soit environ de 40 000 cas attribuables à la pollution par année. La pollution peut être également mise en cause pour plus de 25 000 nouveaux cas de bronchite chronique, plus de 290 000 épisodes de bronchite chez l'enfant et plus de 500 000 exacerbations d'asthme. En outre, elle serait responsable de plus de 16 millions de journées d'inactivité. Ainsi, si les risques liés à la pollution sont relativement faibles à titre individuel, les conséquences au niveau de la santé publique sont considérables.
Une revue récente des données épidémiologiques19 a démontré une relation entre les concentrations d'exposition aux PM10 et la fréquence des exacerbations d'asthme et de BPCO. Les taux de PM10 sont également associés à une surmortalité liée à des causes respiratoires et vasculaires telles que infarctus du myocarde et accidents cérébro-vasculaires. Les mécanismes de ces effets sur la mortalité ne sont pas encore bien connus. Cependant, les associations entre pollution atmosphérique et morbidité ou mortalité indiquent que les poussières en suspension ont non seulement un effet local mais également systémique. Des résultats préliminaires tant in vitro qu'in vivo suggèrent que les particules en suspension génèrent un stress oxydatif local et systémique. L'agression oxydante sur la régulation des gènes pro-inflammatoires et sur les modifications de la coagulation sanguine pourraient expliquer les effets adverses observés après exposition à l'air pollué.20
En résumé, l'exposition aux particules en suspension dans l'air entraîne des réponses biologiques délétères suite à l'inhalation et à la déposition de diverses substances dans le poumon. Ces polluants incluent le plus souvent des toxiques qui affectent directement l'épithélium respiratoire ou sont absorbés au niveau capillaire pulmonaire avant de circuler dans l'organisme. La démonstration d'associations entre pollution particulaire et mortalité ou effets sur la santé est importante à réaliser mais ne prouve pas forcément une relation causale. Les associations démontrées à des concentrations moyennes de particules relativement faibles (inférieures à 50 mg/m3) suggèrent que d'autres polluants réactifs sont impliqués dans les effets délétères observés sur la santé. Il est ainsi probable que les polluants gazeux tels que ozone, dioxyde de soufre, dioxyde d'azote et monoxyde de carbone soient aussi impliqués comme agent causal. Ceci justifie la poursuite de la mesure de leur taux dans les programmes de surveillance de la qualité de l'environnement et l'encouragement aux mesures restrictives qui les frappent.