Retirer les télomères, ces courtes séquences d'ADN situées au bout des chromosomes, pourrait prémunir des tumeurs de la peau et
d'autres organes, selon une étude récente de Maria Blasco et coll., du Centre national de biotechnologies, à Madrid (Espagne) (Lancet 2000 ; 356 : 917). En principe, les télomères raccourcissent avec l'âge puisque la télomérase, une enzyme qui maintient les télomères, est ré-
primée dans les cellules somatiques. Par contraste, 90% des tu-
meurs humaines expriment la télomérase et, en conséquence, leurs télomères ne raccourcissent pas, les laissant dans un état d'«immortalité».
L'inhibition de la télomérase dans les lignées cellulaires tumo-
rales est associée au raccourcissement des télomères et à la sénescence, ce qui suggère que l'inhi-
bition de la télomérase pourrait stopper la croissance des tumeurs. «Nous montrons pour la première fois que les télomères courts ont un impact négatif dramatique sur la genèse de tumeurs in vivo», sou-
ligne Blasco. La recherche actuelle en fournit une preuve claire : le raccourcissement des télomères chez les souris génétiquement modifiées qui n'expriment plus la télomérase s'accompagne d'une ré-
duction drastique de tumeurs de la peau (Nature Genet 2000 ; 26 : 114-7).
Les souris chez lesquelles il manque la télomérase perdent peu à peu leurs télomères de génération
en génération, ce qui aboutit à l'absence totale de télomère au bout de
cinq générations. Les chercheurs ont étudié les effets du carcinogène TPA, chez des animaux de première et de cinquième génération, en l'appliquant à leur peau à intervalles ré-
guliers durant seize semaines. Comparées aux souris contrôles, les souris de première génération révèlent une réduction du nombre, de la taille et du taux de croissance des papillomes de l'ordre de 30%. Et la majorité des souris de cinquième génération (63%) ne développe pas de papillomes. De plus, chez les souris qui développent des tu-
meurs, leur nombre total est fortement réduit, jusqu'à 5% par rapport au groupe contrôle. La taille des tu-
meurs est réduite d'une magnitude comparable et tous les papillomes régressent au cours de la semaine qui succède à l'arrêt des applications de TPA.
Ces résultats sont encourageants pour les traitements des tu-
meurs à base d'inhibiteurs de la té-
lomérase. L'absence d'activité de la télomérase chez les cellules so-
matiques normales et la viabilité des souris génétiquement modifiées auxquelles il manque la télomérase suggèrent qu'un tel traitement pourrait être toléré avec des effets secondaires minimes. Toute-
fois, selon Howard Cooke, du Medi-
cal Research Council, à l'unité de génétique humaine, à Edimbourg (Royaume-Uni), les inhibiteurs de la télomérase «devront être adaptés aux circonstances et aux divers types de cancers».J. Mirenowicz