De l'angoisse peut, on le sait, naître la poésie. Pourquoi aura-t-il fal-
lu attendre si longtemps pour que du cauchemar naisse ce rêve ef-
frayant que nous livre, en forme d'hypothèse scientifique, ce qui se révèlera au choix un canular ou une monstruosité ? Voilà l'hypothèse : des poussières de comètes chargées de bactéries pourraient être responsables de l'épidémie de la maladie de la vache folle et le bétail pourrait avoir contracté la maladie en mangeant de l'herbe sur laquelle se serait déposée de la poussière d'étoiles infectée. C'est ce que vient, tout simplement d'affirmer le Pr Chan-
dra Wickramasinghe, de l'université du Pays de Galles, à Cardiff. Sans craindre de faire bondir tous les rationalistes de la planète, ce professeur de mathématiques ap-
pliquées et d'astronomie laisse entendre qu'il existerait de plus en plus de preuves suggérant que toute vie sur Terre vient des étoiles. Et pour prévenir les risques, il nous fait valoir que cette théorie de la maladie de la vache folle venue des étoiles a été élaborée en collaboration avec le Pr Fred Hoyle, qui enseigne à l'université de Cambridge.
Cardiff passe encore, mais Cambridge ! Nos deux scientifiques postulent que des particules provenant de comètes qui «frôlent» la Terre peuvent fort bien pénétrer dans son atmosphère porteuses de «micro-bactéries». Cette théorie présenterait le formidable avantage d'expliquer la soudaine apparition d'épidémies de masse au cours des siècles derniers, estiment les deux astronomes. «Cela peut sembler une position marginale, mais le fait est que cette théorie gagne actuellement du terrain au sein du monde académique», affirme le Pr Wickra-
masinghe. Et comme la Grande- Bretagne a toujours, étoiles ou pas, ses éternelles difficultés à trouver d'autres repères que ceux de son île, le spécialiste de Car-
diff a ajouté : «c'est comme lors-
que Sherlock Holmes dit à Watson :
si toutes les autres possibilités ont été écartées, ce qui reste, même inconcevable, doit être la vérité».
Les étoiles, donc, puisqu'il est entendu que «la vie sur Terre est bien trop
complexe pour avoir débuté ici» et qu'à ce titre, donc, «tout doit avoir démarré ailleurs». Allons donc voir là-bas si nous en venons, en somme. «Nous savons que la Terre et la Lune ont été bombardées par des comètes il y a quatre milliards d'années, quand la vie a démarré, qui ont apporté la vie microscopique et l'ADN, a poursuivi le scientifique. C'est ce procédé qui a implanté la vie sur Terre et, bien sûr, cela continue aujourd'hui». La normalité contaminée, à partir de la même voie, par la pathologie ou la dé-
calque cosmique du Paradis terrestre souillé par le péché de la fem-
me et la faiblesse de l'homme. Avec, à la place du serpent, la pauvre vache et l'herbe anglaise qui se substitue à la pomme ? «Nous pensons que la pratique, propre à l'Angleterre et au Pays de Galles, de laisser le bétail à l'extérieur pendant les mois d'hiver explique pourquoi l'encéphalopathie spongiforme bovine a frappé plus ici qu'ailleurs, a assuré le scientifique gallois. Dix à cent tonnes de matières organiques s'abattent sur la Terre chaque jour. De petites particules de bactéries et de virus descendent à travers la strato-
sphère vers la Terre pendant les mois d'hiver».
On imagine sans grandes difficultés l'ampleur des perspectives ouvertes par de tels propos et la manière dont les politiques pourraient les interpréter. Pourquoi dé-
penser des milliards d'euros pour en finir avec les farines carnées, organiser la destruction des bo-
vins européens les plus âgés et un formidable programme de systématisation des tests de dépistage ? Mieux vaudrait utiliser ces sommes pour faire rentrer les bê-
tes à l'étable durant les mois d'hiver ou si l'on ne veut pas modifier les habitudes d'élevage or-
ganiser un système aérien de protection qui permettrait de recueillir en altitude les mortelles poussières. A propos, laisse-t-on les bo-
vins l'hiver à l'extérieur en Ukrai-
ne ? A l'heure où nous écrivons ces lignes les autorités ukrainiennes viennent de confirmer les deux premiers cas recensés dans ce pays, l'épidémie s'élargissant ainsi brutalement vers l'Est.
L'Est, précisément : coïncidence ou pas, deux décès survenus en
Pologne sont aujourd'hui attribués à la maladie de Creutzfeldt-Jakob sans que l'on puisse affirmer qu'il existe un lien éventuel avec la mala-
die de la vache folle, vient d'annoncer un responsable médical polonais. Les deux personnes sont un homme de 33 ans et une femme de 45 ans tous les deux décédés à l'hôpital psychiatrique et neurologique de Gdansk. «Ces deux cas ne sont, semble-t-il, pas causés par la maladie de la vache folle, mais des examens complémentaires sont en cours», a souligné le Dr Ryszard Obiedzinski, chef du Département de neurologie. Il existe certes d'autres cas de décès dus à la maladie de Creutzfeldt-Jakob en Pologne. Il ne faudrait pas les cacher car cette maladie n'est pas obligatoirement liée à la vache folle. Les autorités polonaises ont plusieurs fois affirmé qu'aucun cas de vache folle n'avait été détecté en Pologne et assurent que les bovins polonais sont pour l'essentiel nourris de façon traditionnelle dans les pâturages si l'on veut bien excepter les 6
ou 7% de leur nourriture qui sont constitués de farines animales, en partie importées.
La Pologne, grand exportateur de bétail sur pied, a suspendu toutes les importations de bovins et de viandes de buf en provenance d'Allemagne, de Belgique, d'Espagne, du Danemark et des Pays-Bas, de Grande-Bretagne, d'Irlande, de France, du Portugal et de Suisse. Mais la Pologne a-t-elle jamais entendu parler des étoiles et de leurs insupportables poussières ?J.-Y. N.