Depuis quelques années, des programmes de prise en charge pluridisciplinaire et du traitement chirurgical de l'obésité morbide (Body Mass Index (BMI) > 40) se sont développés, permettant d'obtenir une perte de poids spectaculaire de l'ordre moyen de 40 à 70 kilos. Le patient retrouve alors un poids proche de la normale mais présente un effondrement tissulaire global prédominant aux hanches, cuisses, bras, abdomen et seins. Ce changement radical de la morphologie pose bien évidemment des problèmes aux patients qui doivent s'adapter à un nouveau schéma corporel. L'impact et les effets bénéfiques de l'amaigrissement rapide sont ainsi diminués. La chirurgie de redrapage après by-pass permet à des patients encore jeunes de se réconcilier avec leur nouvelle morphologie au prix d'une ou plusieurs interventions chirurgicales et de nombreuses cicatrices.Le but de cet article, étant donné l'augmentation de ce type de patient, est de discuter des indications d'une chirurgie de reconstruction et de préciser les étapes de la prise en charge.
L'obésité est considérée comme un problème majeur de santé publique. L'excès pondéral est exprimé par le BMI (Body Mass Index) ou en français l'IMC (Indice de Masse Corporelle) qui correspond au poids en kilos divisé par la taille en mètre élevé au carré :
BMI = IMC = poids (kg)
Taille (m)2
Un sujet (homme ou femme) est dans la norme avec un BMI se situant entre 18,5 kg/m2 et 24,9 kg/m2. A partir de 30 kg/m2, il est classé comme obèse et au-delà de 39,9 kg/m2, l'obésité est qualifiée de morbide.
L'excès pondéral, et en particulier l'obésité morbide, augmentent de manière significative les risques de maladie cardiovasculaire, de pathologie respiratoire, de diabète, de lithiase biliaire, de cancer digestif, mammaire ou urogénital et de problèmes ostéo-articulaires. A cela s'ajoutent d'importants problèmes d'intégration socioprofessionnelle (difficulté sur le marché du travail), d'hygiène corporelle (intertrigo, macération) et de schéma corporel (confiance en soi, problème relationnel). Les problèmes économiques liés à la prise en charge de complications dues à l'obésité paraissent par conséquent tout à fait évidents. Pour toutes ces raisons, des programmes multidisciplinaires de prise en charge médico-chirurgicale de l'obésité se sont créés.
Aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), pour les cas extrêmes, avec un BMI à partir de 40 kg/m2 après l'échec d'un traitement conservateur, une chirurgie de by-pass gastrique selon Sugermann et Brolin est proposée. Celle-ci permet d'obtenir un amaigrissement spectaculaire de l'ordre de 40 à 70 kg avec une amélioration de la qualité de vie et une réduction significative des comorbidités. L'amaigrissement rapide après régime intensif ou chirurgie se traduit par une modification morphologique importante entraînant en particulier un effondrement tissulaire au niveau des hanches, des cuisses, des bras, de l'abdomen et des seins (fig. 1). En effet, la peau précédemment distendue, et souvent pauvre en fibres élastiques, ne peut plus se contracter correctement autour du nouveau volume. Ces patients peuvent ainsi être confrontés à des problèmes de confort (limitation mécanique dans les activités physiques, problèmes vestimentaires), d'hygiène (intertrigo, macérations dans les plis cutanés), ainsi que sur le plan psychologique et par conséquent affectif, lié à la reconnaissance de leur nouveau schéma corporel. L'impact et les effets bénéfiques de l'amaigrissement se trouvent ainsi malheureusement compromis.
Le but de cet article est de discuter de l'attitude du chirurgien plasticien face à ces patients.
La correction chirurgicale des séquelles morphologiques de ces pertes pondérales de l'ordre de 40 à 70 kg peut être envisagée :
1. chez un patient ayant stabilisé son poids depuis un an, ce qui correspond à environ deux ans après by-pass.
Ce laps de temps permet de constater l'efficacité du régime ou de l'intervention chirurgicale de by-pass, ainsi que la stabilité émotionnelle du patient. Parallèlement, ce délai permet aux tissus qui en ont encore le pouvoir (élasticité), de se rétracter et épouser le mieux possible la nouvelle morphologie.
2. Chez un patient équilibré sur le plan biologique (fer, vitamines, hémoglobine, hématocrite...).
3. Chez un patient ayant un discours cohérent concernant son attente du résultat de chirurgie réparatrice.
Un dialogue entre le patient et son chirurgien s'établit dès lors. Le patient définit les régions qui le gênent et le chirurgien se doit d'expliquer :
les limites de la correction chirurgicale ;
l'importance et l'emplacement des cicatrices ;
les complications potentielles ;
le nombre de gestes chirurgicaux nécessaires pour atteindre le but fixé.
Le programme chirurgical est différent pour chaque patient et dépendant de son âge, de son poids, des comorbidités associées et du volume de tissu à réséquer. Cela nécessite fréquemment deux, voire trois interventions, mais il est également possible d'effectuer le redrapage en une seule intervention en travaillant sur plusieurs régions du corps à deux équipes en parallèle. La quantité de tissu à réséquer est estimée à partir de dessins effectués en préopératoire le patient debout.
Dans notre planification chirurgicale entre en compte le dialogue avec l'anesthésiste. En effet, l'anesthésiste doit connaître avant l'intervention la position du patient pendant la chirurgie et le nombre de sites à opérer. Il peut ainsi planifier l'emplacement des différents systèmes de contrôles peropératoires (sonde urinaire, accès veineux, manchettes à pression...). Une attention particulière est donnée en postopératoire aux douleurs consécutives à ces interventions multisites et à l'équilibre de la volémie.1
Le type d'incision effectuée lors de l'intervention de by-pass va déterminer le choix de la technique d'abdominoplastie.2 Auparavant, les chirurgiens digestifs pratiquaient des cicatrices abdominales horizontales sous-costales. Actuellement, ceux-ci effectuent une incision verticale médiane sus-ombilicale. L'incision de l'abdominoplastie reprend dans la mesure du possible la cicatrice médiane de l'intervention de by-pass ce qui permet un redrapage cutanéo-graisseux vertical. Une excision horizontale basse complémentaire permet de réséquer l'excès cutanéo-graisseux inférieur (sus-pubien) et latéral. On aboutit ainsi à une cicatrice finale en T inversé ou «ancre de marine» (fig. 2).
Contrairement aux abdominoplasties classiques, le décollement tissulaire est ainsi limité au minimum ce qui permet de réduire les risques de nécrose cutanéo-graisseuse.3,4
Parfois, malgré l'importance de la perte pondérale, des amas graisseux persistent au niveau crural interne ou externe. Ceux-ci sont le mieux traité par liposuccion. L'excès cutané résultant de la réduction graisseuse est traité par une excision. Selon l'axe de cet excédent, on aboutit à une cicatrice unique dans le pli inguino-crural se prolongeant si nécessaire dans la face interne de la cuisse.5,6
Lors d'excès cutanéo-graisseux majeur, la résection est franche sans tenir compte de la longueur des cicatrices avec excision en «quartiers d'orange» centrée sur le bourrelet, le but étant d'éviter les frottements entre les plis cruraux qui empêchent les patients de marcher.4
En cas d'affaissement important combiné de la peau abdominale, des fesses et des cuisses, des «abdominoplasties circulaires» sont réalisées permettant de corriger à la fois le galbe des membres inférieurs et de l'abdomen.7,8 Cette intervention est cependant longue et nécessite un changement de position du patient en cours d'intervention. Les résultats peuvent être spectaculaires (fig. 3).
Lors d'excès cutané modéré, l'incision est faite avec ou sans liposuccion complémentaire.9 La liposuccion est utile en cas d'excès graisseux localisé afin de préparer l'excision cutanée, comme pour les cuisses. Si l'excès cutanéo-graisseux est majeur, il est nécessaire de faire une cicatrice à la face interne du bras avec l'excision d'une partie de la peau du creux axillaire pour redraper l'excédent cutané.
Lors d'importantes pertes pondérales, on peut assister à une fonte du volume mammaire parallèlement à un affaissement de l'enveloppe du sein. Par conséquent, nous utilisons une des différentes techniques de redrapage développées pour la chirurgie des ptoses mammaires. Dans certains cas, lorsque le volume est insuffisant, il est nécessaire de mettre en place des prothèses mammaires afin de leur redonner un volume.4,7,9
Actuellement, notre équipe est confrontée à une recrudescence de patients ayant bénéficié d'une chirurgie de by-pass. Il s'agit en majorité de jeunes femmes très motivées par l'intervention de redrapage. Une approche et un traitement différent sont appliqués à chaque cas, en fonction du status et de leur profil psychologique. Même si la satisfaction globale des patients après l'intervention est très grande, les résultats précoces des interventions effectuées jusqu'à présent révèlent deux catégories de patients. Une première catégorie est représentée par un groupe avec un résultat clinique de redrapage stable après intervention plastique. Il s'agit de patients psychologiquement équilibrés avec un poids constant plusieurs mois avant l'intervention. Une deuxième catégorie présente une labilité psychologique avec des variations de poids importantes sous forme de reprise de grignotages ou de boulimie transitoires. Chez ceux-ci, le résultat est invariablement mauvais. La faute est alors attribuée au chirurgien plasticien qui doit par conséquent résister aux demandes trop pressantes des patients et repousser l'acte chirurgical de correction en fonction des paramètres énoncés auparavant.
Bien que la plupart des patients désirent une amélioration de contour quel qu'en soit le prix à payer, le chirurgien plasticien doit insister sur l'importance des cicatrices et leur évolution dans le temps. Le problème doit être bien compris avant l'opération, surtout au niveau des bras et des jambes car les cicatrices sont difficilement camouflées dans ces régions. Certains patients renoncent à un geste à ce niveau, préférant garder l'excès cutanéo-graisseux plutôt qu'une cicatrice trop visible. Pour les seins et le ventre, la question se pose moins car les séquelles cicatricielles sont cachées sous les habits.
Les complications les plus fréquentes décrites dans la littérature concernent les abdominoplasties,11 avec des hématomes, déhiscences de plaie ou infections locales qui surviennent dans 5 à 10% des cas. Les embolies ou thromboses veineuses surviennent dans 1% des cas. Les études ne différencient pas les interventions de chirurgie plastique chez des patients ayant bénéficié de by-pass. Sur notre petit nombre d'opérés après by-pass, nous ne relevons que deux déhiscences superficielles de plaies ne nécessitant que des soins locaux. Aucune embolie ou thrombose veineuse n'est survenue pour l'instant.
La chirurgie de redrapage après by-pass permet à des patients encore jeunes de retrouver une silhouette acceptable au prix d'une ou plusieurs interventions chirurgicales et des cicatrices plus ou moins importantes. Ces interventions s'effectuent dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire comportant différents intervenants également impliqués dans le traitement : les médecins internistes, les diététiciens, les psychologues, les chirurgiens digestifs, et les chirurgiens plasticiens.
La possibilité de travailler à deux équipes et les progrès de l'anesthésiologie permettent dans certains cas de remodeler plusieurs sites en un seul temps opératoire, contribuant à optimiser l'acte chirurgical.
Le «remodelage» chirurgical après amaigrissement massif peut se traduire par une amélioration importante du schéma corporel (self image, estime de soi), contribuant ainsi à une meilleure intégration socioprofessionnelle et à une réduction significative des problèmes liés à la santé.
Finalement, il faut souligner les difficultés du remboursement par les caisses-maladie qui varie en Suisse d'une assurance à l'autre car il n'existe pas de consensus actuellement, alors que dans la plupart des pays européens cette chirurgie est prise en charge.