Résumé
Anouvelles règles du jeu, nouveaux métiers. Alors que les pharmaciens seront, dès le 1er janvier prochain, rémunérés non seulement pour le commerce de médicaments mais aussi pour leur «activité de conseil», pourquoi les médecins suissesromands ne prendraient-ils pas le cheminsymétrique, en vendant des médicaments à leur cabinet (ce que font déjà les médecins suisses-allemands) ? Ce serait une excellente réponse à l'orientation générale vers «l'intégration des services pour diminuer les coûts» qui devient la loi d'airain du système de santé. Avec l'évolution du rôle des pharmacies, c'est l'équilibre même de la filière de soins qui change. L'ensemble d'une subtile homéostasie se trouve bousculé au nom de la rationalisation. Il n'y a pas de raison que les médecins ne s'adaptent pas....Sauf que, évidemment, pharmaciens et médecins sont de vieux amis, des alliés de toujours, étroitement liés par une vision commune de la médecine. Dans certains cantons, ils participent ensemble à des cercles de qualité montrant qu'une intelligente collaboration est possible et qu'elle est efficace. Comprenons bien : il ne s'agit pas de renier tout cela. Ni, encore moins, de débuter une quelconque guerre inter-professions. Il s'agit simplement de voir que les règles du jeu changent et que la survie des médecins, comme celle des pharmaciens, exige de s'adapter. ...Difficile d'écouter un malade pour lui conseiller librement une attitude thérapeutique et, l'instant d'après, de faire commerce de médicaments : le conflit d'intérêts apparaît inévitable. Il faut d'ailleurs avouer que les médecins alémaniques, majoritairement dispensants, nous ont toujours paru, à nous, Romands, accepter un peu trop à la légère cette entorse à l'éthique. Or, voici que les pharmaciens se lancent sans états d'âme dans le même mélange de genre. Certes, avec le nouveau système de rémunération, gonfler leur chiffre d'affaires pharmaceutique ne sera plus aussi rentable qu'avant. N'empêche : chaque médicament sera rémunéré par un supplément «conseil», que ce conseil soit en réalité donné ou non, par un pharmacien ou par des aides moins qualifiées. Vendre continuera à être l'intérêt de la pharmacie.Mais pourquoi les médecins romands devraient-ils, eux aussi, entrer dans ce jeu peu clair ? Pas par intérêt mercantile, en tout cas. Car, même si rien n'est définitivement décidé, l'OFAS a déjà dévoilé son projet : il souhaite que les médecins dispensant ne touchent, dès l'introduction du tarif Tarmed, qu'une rémunération pour leurs frais calculés au plus juste de la gestion des médicaments. Il n'est pas prévu qu'ils reçoivent l'équivalent «conseil» du pharmacien, puis-que ce conseil relève, selon l'OFAS, de leur travail de médecin rémunéré par Tarmed. Bref, ce n'est pas d'argent qu'il s'agit. L'enjeu, pour les médecins, est de garder le couteau en main, et de le tenir par le manche. Il est de s'adapter à un système où il n'y a de liberté que celle obtenue par la force stratégique....Petite question sur le fond : que cache l'évolution du mode de rémunération des pharmaciens ? Un transfert de pouvoir encore ! vers les caisses-maladie. C'est avec elles, comme le stipule le nouvel alinéa 2, lettre h, de l'article 25 de la LAMal révisée, qu'ils devront s'entendre pour fixer le prix de leur activité de conseil. Ce qui signifie on connaît maintenant bien la dynamique du pouvoir dans la LAMal que les pharmaciens n'auront pas d'autre choix que de jouer le jeu des assureurs. Petit à petit, ils seront obligés de négocier non seulement le prix, mais jusqu'au but de ce fameux conseil. Et ce but sera de faire des économies. Y compris en court-circuitant le plus possible les médecins, ces grands ennemis de la vision globalisante des assureurs....Ils feraient donc bien, ces médecins, de s'organiser en petits centres de santé concurrents. D'exiger que, dans ce genre de cas, soit appliquée en leur faveur la loi suprême de l'évolution du système de santé, celle de l'économie. Finis les tabous, finis les complexes. Quelle est la filière de vente des médicaments la plus économique ? Aucune hésitation : celle qui est intégrée au cabinet du médecin prescripteur. Elle économise les coûts liés aux officines. Elle supprime d'importants coûts indirects liés au déplacement du patient vers une pharmacie. Surtout, elle réduit le temps entre prescription et prise du médicament, ce qui améliore souvent l'économicité du traitement. Alors, pourquoi pas ? Baisserons-nous les bras, comme dans l'histoire, si semblable, des laboratoires d'analyse ?...Autre phénomène, même arrière-fond : l'étrange conspiration de l'inaction quand une bonne idée propose simplement d'ouvrir les fenêtres du système de santé. Car enfin, la semaine dernière, le Conseil des Etats avait l'occasion de faire ce qu'ensemble population, médias, médecins et cantons demandent avec constance : obtenir un peu de clarté dans les comptes des assureurs maladie. Or, qu'a-t-il fait, ce Conseil des Etats, il a dit non. Il ne donnera pas suite à l'initiative du Gouvernement genevois qui voulait obliger les assureurs à présenter une comptabilité analytique et uniforme. Cette initiative aurait permis de comprendre ce qui se passe avec les réserves des caisses et pourquoi les primes augmentent davantage que les coûts de la santé. Seulement, pour la majorité des sénateurs, il n'y a rien de spécial à comprendre, tout cela n'est que vaine agitation, «l'OFAS a fait de grands pas en avant dans le contrôle des primes».On commence à être un peu las de ce genre de réponse. Et on hésite : faut-il se montrer admiratif ou effaré par l'efficacité du lobby des caisses-maladie au Parlement ?...La semaine passée, toujours, le magazine Nature révélait qu'en France, durant l'année 2000, si l'on extrapole les résultats des tests, au moins cent bovins contaminés par l'ESB sont entrés dans la chaîne alimentaire où ils ont été consommés. Chiffres bien pires que prévu. Réaction française : une commission parlementaire va chercher à établir les manquements passés de la stratégie anti-ESB et les moyens de l'améliorer dans le futur. En Suisse, tout va bien. «Vache folle : le Conseil fédéral veut dédramatiser», titrait 24 Heures du 12 décembre, à la suite d'une conférence de presse. Et pour dédramatiser, il ne fait pas dans la dentelle, notre Gouvernement. Le spécialiste désigné de la question, Pascal Couchepin, manifestait une foi de charbonnier dans les mesures qui viennent d'être prises : «Le Conseil fédéral, dans la mesure des connaissances scientifiques qui sont les nôtres, considère que le transfert de la maladie de l'animal à l'homme est bloqué».Bloqué, comme ça, immédiatement ?Donc, du jour au lendemain, par l'enchantement de quelques décisions, des bêtes contaminées vont cesser de l'être et d'arriver dans l'assiette des consommateurs ? Le Conseil fédéral pourrait-il faire parvenir àMédecine et Hygiène «les connaissances scientifiques» qui sont les siennes ?