La mortalité et la morbidité qu'engendrent aussi bien les maladies nouvelles et celles qui sont déjà bien en place restent élevées et les populations pauvres continueront de supporter la plus grande partie de la souffrance, estiment des experts qui se sont exprimés lors de la dernière journée du festival de médecine du Millenium qu'organisait la British Medical Association, en novembre 2000 (Lancet 2000 ; 356 : 1741). Pour affronter ce problème, les intervenants ont demandé la mise en uvre de nouvelles stratégies globales et l'instauration de partenariats entre les gouvernements, les organisations non gouvernementales (ONG) et les agences internationales.
«La pauvreté est l'enjeu le plus pressant de notre temps», a affirmé Richard Feachem, qui dirige l'Institut pour la santé globale à l'Université de Californie (Etats-Unis). Même si, durant le dernier demi-siècle, les niveaux de vie ont augmenté de façon substantielle et que de nombreuses maladies majeures sont dorénavant contrôlées, les disparités en matière de santé existent toujours à l'intérieur des pays et elles empirent entre les pays. «Un enfant meurt toujours toutes les cinq secondes la plupart dans le tiers-monde, et pour la plupart, de maladies pour lesquelles la prévention est possible» a souligné Daleep Mukarji, de Christian Aid, une ONG basée à Londres (Royaume-Uni).
«Nous devons avancer vers une vision internationale», a expliqué Stephanie Simmondis, membre fon-
dateur de l'Hospice de Sarajevo, qui veut promouvoir une approche intégrée de la santé publique dans les pays pauvres dans les situations d'urgence et, à long terme, le développement de systèmes de santé plus appropriés. Une pléthore d'ONG arrive sur la scène internationale en ne faisant peut-être pas toujours autant de bien qu'elles
le pourraient. Il est urgent que ces ONG se mettent à travailler ensemble et avec des agences internationales pour procurer le maximum d'assistance à ceux qui en ont besoin, a proposé Simmondis. «Nous avons maintenant une chan-
ce extraordinaire de maîtriser les enjeux de santé dans le monde en développement», a ajouté Norman Myers, de l'Université d'Oxford (Royaume-Uni). «Nous pouvons nous permettre de le faire sur un plan financier et les retours sont incroyablement positifs», a-t-il conclu.
Ces experts ont lancé un appel pour renouveler le cadre de la politique internationale pour qu'il puisse mieux affronter la bureaucratie massive qui est sous-jacente au financement des programmes d'aide et de développement, pour maintenir la pression sur les gouvernements pour qu'ils mettent un terme à la dette du tiers-monde et augmentent leurs dépenses sanitaires, et pour que les ONG puissent maintenir leur indépendance et ne deviennent pas des instruments de la politique étrangère des gouvernements.
Chris Murray, de l'OMS, à Genève, a insisté sur l'importance d'une
bonne collecte d'informations pour promouvoir des politiques dûment informées en matière de santé dans le monde, soulignant que la situation en matière de santé ne recouvre pas toujours les inégalités socio-économiques. «Nous pré-
disons que la tuberculose, la diarrhée, le sida, la malaria et la pneumonie resteront des maladies tueuses majeures. Toutefois, il y aura un déplacement significatif dans la hiérarchie des dix causes les plus importantes de morbidité et de mortalité. Et des maladies non transmissibles devraient po-
ser des défis majeurs», a-t-il affirmé. «Nous prévoyons un bourgeonnement d'épidémies de maladies liées au tabac, peut-être une multiplication par deux ou trois». Les dernières statistiques sur les maladies globales seront prêtes dans environ six mois.
Durant la dernière journée de ce festival d'une semaine, des demandes ont été formulées pour que les professionnels de la médecine s'engagent plus à l'égard des pauvres. Comme l'a si bien dit l'un des membres de l'audience : «En tant que médecins, nous devons faire preuve de plus de leadership et mettre la pression sur les politiques. Si nous voulons construire une société globale pour
tous, les défis sont énormes».