L'empyème pleural est un processus infectieux qui entraîne progressivement la formation de cloisons cicatricielles autour du poumon, créant des foyers septiques irréductibles par un traitement médical. Un stade précoce non cloisonné précède la formation des cloisons fibrineuses. L'organisation de celles-ci est le stade ultime. Le traitement des deux premières phases est relativement simple et la thoracoscopie permet d'obtenir une éradication complète de l'infection. Le troisième stade requiert une décortication par thoracotomie. Le défi est donc d'identifier l'empyème, qui peut être insidieux dans sa présentation, le plus tôt possible afin d'en simplifier le traitement.
Il s'agit le plus souvent de la surinfection d'un épanchement parapneumonique dans le cadre d'une pneumonie. Un tel épanchement se voit dans environ 40% des pneumonies et cinq à dix pour cent évoluent vers l'empyème. Parfois, l'empyème est dû à la rupture d'un abcès pulmonaire dans l'espace pleural. L'infection peut être aussi provoquée par la rupture intrapleurale de l'sophage, l'extension d'un foyer infectieux spinal, médiastinal, de la paroi thoracique ou encore l'extension transdiaphragmatique d'un foyer septique abdominal. L'infection peut aussi être hématogène, résulter d'une infection postopératoire ou découler d'un traumatisme pénétrant.1,2,3
Des états débilitants tels qu'alcoolisme, toxicomanie, cancer, tuberculose pulmonaire inactive, diabète et un traitement stéroïdien au long cours peuvent favoriser le développement d'un empyème. De même, toute altération de l'état de conscience ou d'éveil peut favoriser la bronchoaspiration, la surinfection et l'abcédation pulmonaire et finalement la formation d'un empyème.1,2,3
Dans cette revue, il n'est question que des empyèmes bactériens banals. Les formes tuberculeuse, fongique et postopératoire ne sont pas discutées.
La présentation peut être torpide, subaiguë ou au contraire bruyante et aiguë. Les plaintes classiques sont la fièvre, l'asthénie, l'inappétence associée ou non à une perte pondérale, une dyspnée d'effort et des thoracodynies. La toux est également fréquente. En cas d'abcès pulmonaire, on peut observer des expectorations abondantes et fétides. A l'examen clinique, on note une diminution de l'ampliation de l'hémithorax concerné, une matité à la percussion, une diminution du murmure vésiculaire et, souvent, un souffle tubaire. La leucocytose est élevée, avec une VS accélérée et une CRP élevée.1,2,3
L'ATS (American Thoracic Society) a divisé en 1962 l'évolution de l'empyème en trois phases. Cette classification a des implications thérapeutiques immédiates :4
I phase exsudative ou aiguë : l'épanchement est peu visqueux et peu cellulaire ; pH, glucose et LDH sont encore normaux. L'épanchement n'est pas du tout loculé ; le poumon peut encore se regonfler librement.
I phase fibrinopurulente ou transitoire : le liquide est plus trouble et contient davantage de polynucléaires. Le pH s'abaisse ainsi que le taux de glucose ; celui de la LDH augmente. De la fibrine se dépose sur les deux surfaces pleurales et commence à former des loculations. Le poumon ne peut plus se gonfler librement.
I phase d'organisation : des fibroblastes puis des capillaires se développent dans les dépôts de fibrine, formant progressivement une couenne sur le poumon qui est ainsi emprisonné. L'analyse du liquide pleural révèle un pH 1000 m/l.
Les deux premières phases de l'empyème sont relativement brèves, durant au total sept à dix jours. Le processus d'organisation prend ensuite quatre à six semaines.
Avant l'ère des antibiotiques, les deux germes les plus fréquents étaient les streptocoques et les pneumocoques. Actuellement, le staphylocoque doré et les germes Gram négatifs (Klebsiella pneumoniae, Haemophilus influenzae et Pseudomonas aeruginosa) sont beaucoup plus fréquents, ainsi que les germes anaérobes (Prevotella spp, peptostreptocoques, Bacteroides fragilis et Fusobacterium nucleatum). Il est maintenant fréquent (jusqu'à 80% des cas) de ne pas trouver de germes à la culture car les patients sont généralement mis précocement sous antibiotiques.1,2
Il est parfois aisé mais souvent les patients se présentent avec une anamnèse de bronchopneumonie répondant mal aux antibiotiques ; ils se plaignent d'un état fébrile persistant, avec asthénie et inappétence. La radiographie montre un épanchement pleural qui, à la culture, peut rester stérile. Les analyses biochimiques de cet épanchement débouchent sur des résultats douteux et le diagnostic ne repose alors que sur un haut index de suspicion.
La radiographie montre un épanchement pleural et un cliché en décubitus latéral peut indiquer le caractère libre et non cloisonné du liquide ou au contraire faire suspecter sa loculation. L'ultrasonographie peut confirmer la présence de liquide autour du poumon et des cloisons dans l'épanchement. Le CT thoracique avec injection de produit de contraste est cependant le meilleur examen, car il définit l'épanchement et ses compartiments cloisonnés. Il permet de repérer un abcès ou toute autre lésion intrapulmonaire. De plus, si un fin liseré prend le contraste à la surface du poumon, la présence de capillaires dans la couenne couvrant la plèvre viscérale est certaine, témoignant du caractère chronique et organisé du processus. Cet examen sert aussi de «carte routière» pour une intervention si elle est indiquée. Enfin, la bronchoscopie est utile pour exclure une lésion endobronchique responsable de l'infection pulmonaire de base.
Les buts du traitement sont le débridement complet de l'espace pleural et la réexpansion complète du poumon pour éradiquer l'infection ainsi que l'élimination de toute couenne pleurale pouvant entraîner une restriction tardive.
Le traitement est très simple pendant la première phase : drainage de l'épanchement et antibiothérapie. A la phase fibrinopurulente, deux solutions sont possibles. La première est la pose d'un drain et l'instillation de fibrinolytiques (250 000 U de streptokinase ou 100 000 U d'urokinase dans 100 cc de NaCl stérile avec clampage du drain pendant 4-6 heures puis déclampage du drain, ceci quotidiennement pendant 5-10 jours). La deuxième est de débrider chirurgicalement la cavité pleurale par thoracoscopie. La première option a un taux de succès de 70 à 80% pour des cas bien sélectionnés et a l'avantage d'éviter anesthésie générale et intubation double lumière.1,2,5,6 La deuxième solution est plus invasive mais a trois avantages : 1) elle est rapide ; 2) elle évite une longue hospitalisation pour un traitement local qui, en cas d'échec, aboutira à une décortication formelle par thoracotomie ; 3) si une décortication minimale s'impose, elle est faite immédiatement ; si, par contre, le stade de l'empyème est trop avancé et nécessite une décortication par thoracotomie, elle peut être entreprise pendant la même narcose. Cette conversion en thoracotomie est nécessaire dans environ un tiers des cas. Au troisième stade de l'empyème (organisé), le traitement est la décortication pulmonaire formelle par thoracotomie.3,5,7 En cas d'empyème dû à la rupture intrapleurale d'un abcès, celui-ci est réséqué dans le même temps que la décortication.3 Lorsqu'il est impossible d'obtenir le comblement complet de l'espace pleural par le poumon, une thoracoplastie, le comblement de l'espace résiduel par un lambeau musculaire ou épiploïque ou enfin une thoracostomie doivent être envisagés.
Le choix de l'antibiothérapie est naturellement régi par l'antibiogramme si les cultures sont positives. A défaut, l'antibiotique doit couvrir les germes Gram positifs, les anaérobes et les Gram négatifs courants. Si certains préconisent des traitements de 4-6 semaines, nous optons dans notre service pour une durée de sept à dix jours après le débridement chirurgical et le drainage. Toutefois, en cas d'abcès pulmonaire, l'antibiothérapie est prolongée jusqu'à échéance de quatre à six semaines.
L'empyème est une infection de l'espace pleural qui se présente souvent de manière torpide, rendant le diagnostic difficile. Très souvent, celui-ci est purement clinique car les analyses donnent des résultats douteux. Plus le diagnostic est précoce, plus simple et moins invasif est le traitement.