«Une perquisition était en cours mercredi 17 janvier 2001, à la mi-journée à la Direction générale de la Santé à Paris, dans le cadre de l'enquête sur la contamination de personnes par le nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, a-t-on indiqué de source judiciaire. cpy/bg AFP 171203 JAN 01». C'est dans ce jargon journalistique que les abonnés au «fil» de l'Agence France-Presse ont, le mercredi 17 janvier 2001 , quelques minutes après l'angélus (prière de dévotion mariale) de midi , découvert que l'affaire de la vache folle rejoignait en France celles dites du sang et de l'hormone de croissance contaminés.Quelques heures plus tard, le même jour, sur le fil Reuters : «France/ESB , Des ministères perquisitionnés». Sur les rétines , et déjà dans les mémoires journalistiques , ces mots : les ministères de l'Agriculture, de la Santé et des Finances ont fait mercredi l'objet de perquisitions dans le cadre d'une enquête sur la contamination de deux personnes par la forme humaine de la maladie de la «vache folle», a-t-on appris de source judiciaire. La juge Marie-Odile Bertella-Geffroy, accompagnée de gendarmes et d'un substitut du procureur, souhaitait saisir des archives pour évaluer le traitement de la maladie bovine et de ses conséquences humaines par les gouvernements à la fin des années 80 et au début des années 90.Les administrations visées étaient en particulier la direction générale de la Santé et la direction générale de la Consommation et de la répression des fraudes. Les perquisitions étaient toujours en cours en milieu de journée. L'information judiciaire conduite par la juge Bertella a été ouverte le 22 décembre dernier contre «X» pour «homicide involontaire, atteinte involontaire à l'intégrité physique et mise en danger de la vie d'autrui» à la suite de plaintes de deux familles françaises, victimes du nouveau variant de la forme humaine de la maladie de la vache folle.Les plaignants entendent mettre en cause les autorités «britanniques, françaises et de l'Union européenne» dans le traitement de la maladie à la fin des années 80 et au début des années 90. Ils accusent la France d'avoir toléré les négligences britanniques et européennes pour ne pas pénaliser sa propre filière bovine. Ils accusent en particulier les gouvernements successifs de n'avoir pas réagi à ce qu'ils estiment être une «stratégie d'écoulement volontaire dans l'Union» des stocks de viande bovine britannique, et notamment des abats, interdits à la consommation au Royaume-Uni en 1989. Les exportations d'abats bovins britanniques vers la France auraient été multipliées par dix entre les périodes 1978-1986 et 1986-1996. Les plaignants reprochent aussi à l'Union européenne de n'avoir pas pris les mesures nécessaires, afin d'éviter de compromettre l'ouverture des frontières de 1992.La justice française cherchera donc à établir la vérité et les fautes dans ce qui apparaît bel et bien comme la plus explicite des dramaturgies de notre temps. Le soir du même jour, nous étions, avec quelques journalistes, rue de Grenelle, en l'Hôtel du Châtelet, sous les ors de la République pour entendre quelques-uns des ministres en charge de ce dossier au terme d'un «Conseil national de sécurité sanitaire» entièrement consacré à la maladie de la vache folle. Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, devait alors annoncer avec grâce une série de nouvelles dispositions réglementaires concernant la prévention contre la forme humaine de cette maladie et l'amélioration de la prise en charge des malades. Il s'agissait notamment d'une circulaire sur «le dispositif d'accompagnement des malades» et de soutien aux familles qui serait «très prochainement diffusée» ; un texte qui «vise à assurer une prise en charge coordonnée et de qualité» pour l'ensemble des malades atteints d'une encéphalopathie subaiguà« spongiforme transmissible. De justice et de perquisitions, il ne fut pas question.La veille, à Sarrebruck, la Conférence épiscopale allemande avait désavoué les propos de l'un de ses responsables qui avait dénoncé plus tôt dans la journée un «holocauste du boeuf» à propos d'un projet européen d'abattage massif de vaches. «C'est une comparaison totalement inappropriée et inacceptable» devait regretter le porte-parole de la Conférence, Rudolf Hammerschmidt. Pour sa part, le président du Conseil central des juifs en Allemagne, Paul Spiegel, s'est offusqué de cette expression, la qualifiant de «scandaleuse». «La comparaison de l'abattage en masse de vaches avec l'Holocauste, c'est-à -dire l'assassinat à l'échelle industrielle par l'Etat de juifs sous le régime nazi, est une calomnie et une humiliation à l'égard des victimes du nazisme», a-t-il estimé. A l'heure où nous écrivons ces lignes, l'Allemagne compte désormais officiellement seize cas de maladie de la vache folle dans son cheptel.