Après deux premières «avancées» consacrées à la créatine, cette substance souvent utilisée à des fins dopantes (Médecine et Hygiène des 7 et 14 février 2001), nous poursuivons ici l'exposé des éléments réunis dans un rapport exhaustif que viennent de rendre public les responsables de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments. L'organisme humain est capable d'une synthèse endogène de créatine. Celle-ci est notamment assurée au niveau du foie, des reins ainsi que du pancréas et se fait à partir de trois acides aminés (deux essentiels : la glycine et l'arginine ainsi que la méthionine). «Un groupe amidine est transféré de l'arginine à la glycine pour former de l'acide guanidinoacétique. Cette réaction est suivie par le transfert d'un groupe méthyl de la S-adénosyl méthionine à cet acide pour former la créatine, précisent les auteurs du rapport. La synthèse de la créatine semble contrôlée plus par l'activité de l'amidinotransférase que par celle de la méthyltransférase. Il faut noter que l'arginine et surtout la méthionine sont impliquées dans de nombreuses réactions de l'organisme, mais habituellement apportées en quantité suffisante par l'alimentation».Cette synthèse endogène est «ajustable» sous l'effet de nombreux facteurs. Ainsi, lorsque la disponibilité alimentaire de créatine est faible, elle est capable d'y suppléer, de telle sorte que les teneurs dans l'organisme sont maintenues avec une augmentation ou une diminution de l'activité de l'amidinotransférase hépatique. «Chez la personne dont l'alimentation est équilibrée et diversifiée et respecte les recommandations d'apports nutritionnels conseillés (ANC), en particulier en protéines, lipides et glucides, la synthèse endogène représente à peu près la moitié de la créatine quotidiennement utilisée, le reste étant apporté par l'alimentation» souligne le rapport. Il faut aussi savoir que les apports alimentaires varient considérablement si l'équilibre alimentaire n'est pas respecté. Ces apports sont ainsi presque nuls chez les végétaliens chez lesquels la créatine provient entièrement de la synthèse endogène et chez lesquels , point important , aucune carence ni même de précarence n'a été décrite.En revanche, chez les individus qui respectent les ANC en protéines, on estime entre 0,5 et 1 gramme le poids de créatine apportée quotidiennement par voie alimentaire. La différence réside dans les teneurs très variées en créatine dans les aliments. On trouve ainsi 4 à 6 grammes par kilogramme de boeuf, de porc ou de poisson (hareng, saumon, thon) alors que le lait n'en contient que 0,1 gramme par litre. Il faut, d'autre part, tenir compte du fait que la biodisponibilité de la créatine est très élevée, l'absorption intestinale étant à peu près totale et la créatine n'étant pas modifiée par les sécrétions acides ou enzymatiques digestives. Passée son absorption intestinale, la créatine plasmatique est captée par de nombreux organes mais plus particulièrement par le muscle squelettique où on la retrouve à des teneurs élevées. Dans le compartiment intracellulaire, la transformation de la Cr en phosphocréatine (PCr) ou sa liaison à d'autres composants intracellulaires favorisent sa rétention, la PCr ne pouvant quitter habituellement la cellule. Chez l'homme, la PCr est transformée de façon réversible, en présence de créatine kinase (CK), en Cr et de façon irréversible en créatinine au niveau du muscle même et proportionnellement à sa masse. La créatinine passe dans le courant plasmatique pour être excrétée dans l'urine. Environ 1,7 à 2,5% de la créatine totale sont excrétées chaque jour sous forme de créatinine urinaire, voire au niveau sudoral.On sait que les contractions musculaires ont pour support le glissement des myofilaments d'actine entre ceux de myosine avec transformation d'énergie chimique provenant de l'ATP sarcoplasmique en énergie mécanique et thermique, sous l'effet de l'activité ATPasique de la myosine. «L'ATP, seule molécule utilisée par les myofilaments, est en faible concentration dans le muscle, ne permettant que quelques secondes d'exercice, précisent les auteurs du rapport. L'ATP doit être immédiatement resynthétisée à partir de l'ADP formée. La PCr, trois à quatre fois plus abondante que l'ATP dans le muscle, va permettre, très rapidement et à un fort débit, dès le début de l'exercice, cette resynthèse de l'ADP en ATP en fournissant un phosphate riche en énergie en présence de la CK. La créatine devra être resynthétisée en phosphocréatine. La réaction : PCr + ADP donne Cr + ATP, est réversible. L'ATP aura été resynthétisée par les autres filières énergétiques, anaérobie lactique ou, plus habituellement, aérobie, oxydation du glucose et des acides gras».La PCr a donc ainsi avant tout une fonction de source d'énergie avec l'avantage considérable de sa disponibilité presque immédiate pour des exercices de très haute intensité, mais en contrepartie de brève durée, les réserves de PCr étant faibles ; elles ne couvrent que les exercices d'une dizaine de se-condes, ou bien les changements rapides de puissance, relayés en-suite, à une intensité plus faible, par les autres filières. La PCr est très utile pour l'exercice, à son tout début, s'il est de très forte intensité, mais de façon très brève et transitoire. Du fait de l'excrétion urinaire de créatinine, de l'ordre de 2 grammes par jour pour un homme de 70 kg, d'un taux de renouvellement d'environ 1,6% du pool de créatine et en raison des dégradations protéiques supplémentaires chez le sportif, environ 2 grammes quotidiens sont nécessaires pour la population générale et environ 1 à 2 grammes en plus pour le sportif de forte masse musculaire lors d'entraînements intenses.«Pour autant, il n'existe pas d'ANC en créatine puisqu'elle peut être synthétisée par l'organisme, selon des mécanismes ajustables, répondant parfaitement chez l'homme sain aux besoins, soulignent les auteurs. Cela est d'autant plus vrai que la population sportive bénéficie d'apports en protéines respectant toujours les ANC, voire même les dépassant souvent largement. L'accumulation d'ADP dans le muscle peut avoir un effet inhibiteur sur la contraction musculaire comme d'un certain nombre de réactions chimiques.»A suivre