Revue analyséeMédecine Sciences, ed. Masson, 2000. La révolution du génome (janvier) ; développement et évolution (février) ; l'entrée dans la vie (mars) ; le temps en biologie (avril) ; interactions moléculaires (mai) ; le mouvement (juin-juillet) ; dangers infectieux et défenses (aoà»t-septembre) ; l'homme et son environnement (octobre) ; sciences, éthique et société (novembre) ; grandes orientations thérapeutiques (décembre).La revue analysée dans cette rubrique peut être commandée aux Editions Médecine et Hygiène, département Librairie, case postale 456, 1211 Genève 4. Au cours de l'an 2000, le mensuel franco-québécois Médecine Sciences a publié dix numéros spéciaux sur des enjeux biologiques d'actualité en médecine contemporaine. Après notamment la révolution du génome, l'entrée dans la vie et la médecine moléculaire, l'édition du mois de novembre offre un dossier surprenant intitulé «Sciences, éthique et société». Surprenant parce que ce dossier met en avant l'économie de la santé comme cadre éthique premier de la médecine contemporaine et à venir.Anne-Marie Moulin et Gérard de Pouvourville, qui coordonnent cette édition, sont tous deux chercheurs à Paris. La première est salariée au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), au Département sociétés-santé de l'Institut de recherche pour le développement. Le second est fonctionnaire à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), au centre de recherche en économie et gestion appliquée à la santé, à l'hôpital Bicêtre.Dans leur mise en relation des sciences et de la médecine avec l'éthique, ces deux auteurs abordent l'économie de la santé sous toutes ses coutures. Certes, ils ont demandé des articles plus classiques sur l'éthique des sciences médicales tels que celui de David J. Roy et Raymond D. Lambert, qui s'interrogent : «l'Ethique des sciences de la vie à un carrefour ?». On trouve, en éditorial de leur dossier, la réflexion de Philippe Lazard sur le fait que les comités d'éthique ne devraient pas verrouiller le débat en produisant des textes si travaillés qu'il devient difficile aux parlements d'y ajouter quoi que ce soit. Le dossier contient aussi des textes de Michel Setbon sur le risque sanitaire et de Marie-Angèle Hermitte sur l'organisation de l'accès par les assureurs aux données en génétique humaine.Mais pour le reste, c'est-à -dire pour la majorité des articles, c'est le raisonnement économique dans le secteur de la santé qui est mis en avant comme cadre pertinent pour la réflexion éthique. De cette façon, l'éthique est attachée à ce qui domine la raison contemporaine : le calcul économique rivé sur le produit intérieur brut (PIB). Le dossier n'aborde pas la réflexion , marginale , sur le rôle des investissements éthiques dans le domaine médical dans ce contexte. Une telle éthique viserait à accroître l'éco-efficacité des entreprises pharmaceutiques ou biomédicales en bannissant, en prime et sans doute, la recherche sur le clonage reproductif ou sur la thérapie génique sur lignée germinale. Bien plutôt, ce numéro de Médecine Sciences évoque les dimensions structurantes de l'économie de la santé actuelle pour entrevoir où se situent les dilemmes éthiques qu'elles génèrent.Où ? C'est-à -dire dans quels secteurs médicaux et dans quels lieux géographiques , pays riches, pays pauvres , et par rapport à d'autres domaines d'activité dans les sociétés riches. Dès lors qu'une certaine conception de l'économie écrase toute la vie publique sur son passage, dès lors que la médecine s'est laissé totalement encastrer dans ses raisonnements , elle a même été l'un des premiers secteurs, avec l'agriculture, à ne pas résister à cette tendance, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, tellement ses acteurs en tiraient alors avantage , il paraît juste de placer l'éthique à cet endroit. Chose peu réalisée pour diverses raisons : idéologie, manque de clairvoyance ou, plus simplement, manque de compétence.Quoi qu'il en soit, dans ce numéro bienvenu de Médecine Sciences, Anne-Marie Moulin et Gérard de Pouvourville prennent le lecteur par la main pour éclairer ainsi le terrain de l'éthique, en publiant notamment un texte de synthèse qui rappelle l'histoire et quelques bases du raisonnement économique. Et, après avoir décrit le vaste champ de l'économie de la santé et les principaux débats qui ont eu lieu au cours de ces cinquante dernières années, André-Pierre Contandiopoulos, qui travaille au Département administration de la santé, à l'Université de Montréal, au Canada, analyse avec Gérard de Pouvourville les «questions de recherche et enjeux pour demain» : régulation et évaluation économique des systèmes de soins, relations entre activité économique et système de soins, ainsi que les relations entre le développement économique et social et la santé.Il ne s'agit pas forcément d'être d'accord sur les détails du dossier, ni sur la conception de l'économie qui domine le monde en général, et le monde de la santé en particulier, à laquelle les deux coordinateurs du dossier se réfèrent. Il s'agit de saluer cette façon inhabituelle d'éclairer l'éthique médicale. W