C'est sans doute, ce qu'a dà» se dire la jeune Zurichoise emportée par l'avalanche, qui a déboulé dernièrement sur le plat de l'Alé (Zinal), alors qu'elle tentait l'escalade d'une cascade de glace.La montagne c'est vrai, c'est cool, c'est fun, c'est méga-géant. C'est aussi ce qu'ont dà» se dire deux jeunes Belges, surfeurs happés par une coulée de neige alors qu'ils faisaient du «hors piste».Dans le cas de l'avalanche de Zinal, le jour du drame, la neige n'avait pas cessé de tomber et elle était extrêmement lourde. Le risque d'avalanche était maximal et il était largement signalé dans toute la station et sur les pistes de ski. C'est dans ces conditions peu propices que six jeunes provenant essentiellement de Neuchâtel ont pourtant décidé d'escalader la cascade de glace. Une première avalanche les a emportés, mais fort heureusement ils en sont sortis indemnes, en ayant toutefois perdu une partie de leur matériel d'escalade. C'est pour récupérer celui-ci qu'ils décidèrent de remonter et c'est à ce moment qu'une deuxième coulée a dévalé et a englouti l'une d'entre eux, la jeune Zurichoise.On l'a vu et entendu, les responsables de la colonne de secours , et en particulier les deux guides tués par l'avalanche, Edouard Gross et Nicolas Gaspoz , se sont immédiatement portés au secours de la jeune fille, privilégiant la rapidité d'intervention à leur propre sécurité. Ils ont en effet renoncé à faire descendre d'autres avalanches afin de sécuriser le terrain. Erreur fatale. Ces deux guides, très expérimentés et unanimement regrettés, ont largement fait leurs preuves, tant sur le plan technique qu'humain, dans le cadre de l'organisation cantonale valaisanne des secours basés à Sierre.A nouveau, on parle de la «montagne tueuse», terme facile et pourtant peu approprié. En effet, la montagne aime ceux qui la respectent, et le leur rend bien. Ce n'est pas elle qui tue, mais ce sont des imprudents qui généralement la provoquent. Il ne s'agit pas d'inverser les rôles.La question principale qui reste à se poser, est de savoir comment chaque montagnard peut ou doit se responsabiliser quant à la course qu'il veut entreprendre. A la base, il doit bien entendu bénéficier d'une bonne formation, d'un bon physique, et être équipé de façon à pouvoir tenir dans des conditions difficiles et, si possible, avec un jour ou deux de réserve de vivres.Les gens qui approchent la montagne aujourd'hui, et l'exemple est frappant pour les deux surfeurs belges et la jeune Zurichoise, ont trop tendance à ne voir que l'exploit à réaliser, le côté «fun» de l'action et la beauté d'une courbe dans la neige ou de la vue au sommet d'une cascade de glace, plutôt que les dangers qui entourent ledit exploit. La culture de la montagne s'étiole et l'insouciance prend le pas sur le sérieux de l'organisation d'une course.La décision d'entamer une course concerne avant tout la personne elle-même. Cependant, la Suisse est particulièrement bien équipée en matière de secours en montagne, et c'est le seul pays alpin à dépêcher des hélicoptères de secours, de nuit, sur des lieux de drame. La responsabilité de chacun devient donc collective dans la mesure où elle engage la vie des sauveteurs concernés. Comment se fait-il qu'aucun de ces jeunes téméraires n'envisage, avec le moindre remords, de mettre en danger la vie de ceux qui se porteront à son secours ?C'est tellement facile de partir dans ces conditions de sécurité, en se disant que de toute façon quelqu'un sera là , tant pour essayer de vous sauver, que pour vous soigner ensuite et que, de surcroît, vous êtes parfaitement bien assuré et que vous pourriez même bénéficier d'un transport de rapatriement en hélicoptère.Alors même que notre société tente de privilégier la responsabilité individuelle, alors même que des individus contestent les décisions de l'autorité, en particulier en matière de politique sanitaire (voir les contestations de vaccination contre la grippe ou contre l'hépatite B justement au nom de la responsabilité individuelle), le paradoxe veut que dans certains cas dits de confort, cette responsabilité s'efface au profit du soutien de la collectivité.Si l'exemple du départ en course de montagne et de l'issue tragique d'une avalanche est frappant, il en va pourtant de même dans le cadre des assurances maladie. Chacun est assuré, il paie pour cela , cher , mais il ne voit pas le déroulement de sa vie comme une trajectoire de soins, lui permettant de se maintenir au meilleur niveau possible de sa forme. Seule une minorité de gens, en particulier en Suisse romande, se préoccupe de sa santé, de son bien-être, de l'équilibre de son alimentation et de la nécessité de faire un petit peu d'activité sportive. Il est tellement plus simple de se laisser aller, puisque de toute façon les équipes de soignants sont là et que les soins, même coà»teux, restent assurés et seront prodigués sans compter.La LAMal avait fait de la prévention un de ses piliers forts, mais pourtant, rien n'est venu jusqu'à présent si ce n'est une timide apparition dans le cadre de campagne de dépistage du cancer du sein chez la femme. Il serait temps que la société toute entière se souvienne qu'il est de sa responsabilité que ses membres assument également la leur et fassent l'objet de campagnes permettant de leur montrer quel est, à terme, leur intérêt de se maintenir en forme, de ne pas se laisser aller et de ne pas nécessairement avoir besoin de recourir à des médecins ou à d'autres soins. W