Entrechocs récurrents, ellipses accentuées, twist empruntant à la diplomatie autant qu'au sanitaire, l'affaire de la vache folle vogue certains jours sur les rives du surréalisme. C'est le cas depuis quelques heures, sous les frimas d'un mois de février où l'on tremble dans les étables européennes. Un milliard d'euros. Telle est la somme que la Commission européenne vient de décider d'affecter à la lutte contre la maladie de la vache folle et à ses vraisemblables conséquences sur l'économie. Cette somme servira à «soutenir» les marchés de la viande, à financer l'abattage des têtes de bétail ainsi que les programmes de dépistage. Les responsables de l'Union avaient déjà prévenu que la crise de la vache folle pèserait lourdement sur le budget agricole communautaire annuel qui est de 40 milliards d'euros.Il faut dire que la baisse de la consommation de viande bovine depuis l'apparition, il y a quelques mois, de la troisième crise de la vache folle, est spectaculaire. Si elle varie fortement d'un pays à l'autre de l'Union européenne, la diminution moyenne de la consommation chez les Quinze se situe aujourd'hui à moins 27%. Elle est respectivement, en Allemagne de moins 50%, et de moins 40% en Grèce, en Espagne et en Italie. Le Luxembourg, l'Autriche et le Portugal se situent à moins 30%. Suivent la France (moins 25%) et la Belgique (moins 20%). Aucun changement au Danemark, aux Pays-Bas et en Irlande tandis que la Finlande et la Suède enregistrent de discrètes progressions, entre 1 et 3%. Pour Franz Fischler, commissaire européen à l'Agriculture, il est clair désormais que la crise du marché bovin, consécutive à l'épizootie de la vache folle, est hautement plus grave qu'on ne le pensait il y a quelques semaines. Pire, les dernières indications sont, selon lui, «alarmantes».Dans l'ombre de l'Union européenne, la Suisse annonce aujourd'hui qu'elle va renforcer ses contrôles vétérinaires dans les exploitations d'élevage. L'objectif, pour l'Office vétérinaire fédéral de Berne, est de mettre en place «un système intégral de sécurité alimentaire, de l'étable à la table.» «Après les scandales de la vache folle et des antibiotiques dans le porc autrichien, l'OVF veut notamment vérifier l'emploi de ces produits dans les élevages d'animaux de rente. Les directives techniques portant sur la surveillance de la santé des animaux et le respect des prescriptions sur le trafic des animaux (traçabilité) sont entrées en vigueur le 1er février, résume l'Agence France-Presse. Des essais pilotes ont déjà eu lieu l'année dernière dans les cantons de Saint-Gall, Neuchâtel, Bâle-Campagne et Schwyz. Les contrôles seront menés par des vétérinaires officiels sous la surveillance du vétérinaire cantonal. Ils seront en principe gratuits pour le propriétaire d'animaux.»A Berne, le communiqué de l'OVF précise qu'il faudra veiller à «une déclaration claire de la provenance des denrées alimentaires» et à «une détention convenable des animaux conformément à leurs besoins.» L'OVF souligne encore que ces contrôles renforcés doivent contribuer à accroître la confiance du consommateur helvétique dans la sécurité des aliments. Ils sont aussi «une condition pour pouvoir continuer à exporter nos fromages et autres produits laitiers vers l'Union européenne (UE)». «Ils devraient aussi contribuer à établir l'avantage qualitatif de l'agriculture suisse par rapport à ses concurrents étrangers.»A Madrid, on prend aujourd'hui conscience que les mesures visant à combattre la maladie de la vache folle pourraient se traduire par une hécatombe dans les colonies de vautours du sud de l'Espagne, ces charognards risquant de ne plus rien trouver à manger. Telle est du moins l'opinion des mouvements écologistes. Selon l'association «Ecologistes en action», les 1116 couples de vautours fauves recensés dans les parcs naturels de la province de Cadix «se nourrissent quasi exclusivement de carcasses de bovins qu'ils trouvent dans les champs, dans les élevages extensifs». Les mesures qui prévoient notamment l'incinération systématique de tous les bovins morts en dehors des abattoirs, risquent d'être fatales aux vautours qui se retrouveront ainsi privés de leur nourriture naturelle. Toujours selon l'association, faute de solution, «beaucoup d'entre eux mourront dans les prochaines semaines.» Aussi demande-t-elle que les bovins retrouvés morts dans les champs soient décapités, que le test de l'ESB soit pratiqué sur la tête de l'animal et que le reste de la carcasse soit laissé sur place afin de nourrir les vautours. Seuls les cadavres déclarés positifs à l'ESB seraient finalement retirés et détruits, préconisent les écologistes. A défaut, ils demandent que des cochons, des chèvres et des moutons morts soient livrés aux volatiles pour leur permettre de survivre.Quant au gouvernement allemand, il vient d'autoriser l'abattage de 400 000 bovins dans le cadre d'un programme de destruction européen de deux millions de vaches laitières de plus de 30 mois, décidé par l'Union européenne. Selon le ministère allemand de l'Agriculture, ce programme d'abattage massif va coûter environ 330 millions d'euros à l'Etat allemand, dont 145 millions seront pris en charge par l'UE. Cette dernière somme représente 70% des frais de rachat des bêtes aux agriculteurs, qui vont se monter à 208 millions d'euros. Le rachat et la destruction des bêtes seront organisés par l'Office fédéral pour l'agriculture et l'alimentation à Francfort (ouest). Tous les bovins seront soumis au dépistage de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Les vautours espagnols planeront-ils un jour prochain sur les plaines et les collines teutonnes ?