En 1997, un groupe de généticiens emmenés par Fred Blattner, de l'Université du Wisconsin (Etats-Unis), publiait la séquence complète du génome de la souche d'Escherichia coli non pathogène K-12-MG1655. En janvier 2001, cette même équipe a décrit la séquence génétique d'E. coli 0157:H7, une souche pathogène qui a été isolée, en 1982, à partir de buf lors d'une épidémie de colite hémorragique (Lancet 2001 ; 357 : 286 ; Nature 2001 ; 409 : 529-33). En infectant l'eau de consommation courante par le biais de déjections d'origine bovine, des variantes de cette souche ont provoqué des épidémies mortelles aux Etats-Unis en 1999 (Med Hyg 1999 ; 57 : 1955) et au Canada un an plus tard (Med Hyg 2000 ; 58 : 1955).Le groupe de Blattner a tenté de comparer les deux génomes dans l'espoir d'identifier l'origine du caractère pathogène de la souche 0157:H7. Ces génomes possèdent de l'ordre de 4,1 millions de paires de bases d'ADN presque toutes issues d'un ancêtre commun. Mais bien que les deux souches possèdent quelque 3500 gènes en commun, des centaines de sections d'ADN propres à l'une ou à l'autre souche se répartissent au sein de chacune des deux charpentes génétiques. La souche 0157: H7 possède 1387 gènes uniques à son génome et la souche K-12-MG1655 en possède 528. «L'ampleur des différences (entre les génomes) nous a totalement surpris», commente Nicole Perna, premier auteur du plus récent article. «Nous ne pouvions pas faire un zoom sur les régions qui auraient distingué une espèce de l'autre car les variations sont distribuées partout.»Il est particulièrement intéressant, pour les investigateurs, de comprendre l'origine des différences entre K-12-MG1655 et 0157:H7. Au moins une partie de l'ADN spécifique à chacune des deux souches pourrait avoir été acquise à travers un phénomène de transfert horizontal de gènes, c'est-à-dire des échanges de larges banques de gènes à travers des familles entières de bactéries. «Si le transfert horizontal a bien eu lieu», spécule Jonathan Eisen, de l'Institut pour la recherche en génomique, à Rockville (Massachusetts, Etats-Unis), «alors le fait qu'autant de gènes aient été transférés à 0157: H7 s'accorde avec l'hypothèse que l'apparition continuelle d'0157:H7 pathogènes résulte de son aptitude à changer génétiquement de façon rapide.» Blattner est en accord avec ce point de vue lorsqu'il remarque : «nous observons déjà ce phénomène avec la capacité des bactéries à résister aux antibiotiques.»Il reste ainsi à identifier les différences qui contribuent à la virulence d'0157:H7. Mais lorsque ces caractéristiques auront été identifiées, annonce Eisen, une voie royale s'ouvrira pour développer de nouveaux médicaments et/ou des vaccins qui pourront cibler les souches pathogènes. Eisen pense aussi que les différences génétiques serviront d'outils de diagnostic pour déterminer si quelqu'un est infecté avec E. coli 0157:H7. Perna est d'accord : «l'une des premières choses que l'on peut faire, c'est améliorer notre capacité de détection et de surveillance d'0157:H7 avant qu'il ne devienne un enjeu de santé publique, remarque-t-elle. Nous bénéficions dorénavant d'une bien meilleure distribution de marqueurs génétiques pour identifier cette souche sur le terrain.»J. Mirenowicz