On sait à quel point la dimension économique peut prendre une place croissante dans la décision thérapeutique. Au-delà des lieux communs et des affrontements stériles que génère, à échéance régulière, ce phénomène, l'Agence nationale française d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) a entrepris une démarche originale sur le thème du traitement des anévrismes intracrâniens rompus et de l'alternative occlusion par voie endovasculaire versus exclusion par microchirurgie. «Ce rapport a eu pour objet : de comparer l'occlusion endovasculaire par microspires à l'exclusion microchirurgicale par pose d'un clip au niveau du collet ; d'évaluer le traitement des anévrismes sacculaires rompus en termes d'efficacité, de sécurité et d'indications ainsi que de faire un état des lieux des pratiques médicales françaises et des aspects économiques» écrivent les auteurs du rapport que l'Anaes vient de publier sur cette question.
On sait que, jusqu'à ces dix dernières années, le traitement de référence des anévrismes artériels intracérébraux consistait en la pose de clips sur le collet anévrismal par voie chirurgicale. Le développement des techniques endovasculaires a toutefois depuis permis de proposer un nouveau mode thérapeutique. Son principe repose sur l'occlusion de l'anévrisme par des microspires métalliques (coils) qui sont mises en place dans la lumière anévrismale via un microcathéter introduit par voie fémorale. Les avantages principaux de cette méthode résident dans l'absence de craniotomie, de rétraction du parenchyme cérébral et de manipulation des vaisseaux intracérébraux.
«Bien que la littérature soit abondante (1527 références depuis 1993), notre recherche documentaire a mis en évidence le manque de résultats d'essais cliniques comparatifs méthodologiquement rigoureux : une étude sur les dix études comparatives retrouvées dans la littérature était de bonne qualité méthodologique, soulignent les auteurs. Cette étude n'a montré aucune différence en termes d'efficacité et/ou de sécurité entre l'exclusion par microchirurgie et l'occlusion endovasculaire.» Qu'en est-il des risques inhérents à la chirurgie et à l'occlusion endovasculaire ? Ils peuvent être liés à l'acte, au matériel utilisé et à l'état clinique du patient. Pour les spécialistes réunis par l'Anaes, la morbidité rapportée dans la littérature sur l'exclusion microchirurgicale variait en fonction des études entre 1 et 30% (médiane 6%), et la mortalité entre 4 et 23% (médiane 10,5%).
Toutefois, du fait de l'évolution des technologies et des modalités de pose des microspires, les risques liés à l'occlusion endovasculaire se sont modifiés. La morbidité rapportée dans la littérature variait ainsi, en fonction des études, entre 0 et 40% (médiane 9%), et la mortalité variait entre 0 et 15% (médiane 2%). «La complication principale de ces deux techniques est l'anévrisme résiduel qui peut résulter soit d'une insuffisance de traitement, soit d'une récidive vraie (néoanévrisme), peut-on lire dans le rapport. En l'absence de traitement, ce résidu peut persister tel quel, augmenter de volume, s'obturer spontanément ou se rompre. Il peut être traité par un geste complémentaire, chirurgical ou endovasculaire.» Quant aux anévrismes résiduels faisant suite à une exclusion microchirurgicale par clip, il apparaît qu'ils sont peu documentés dans la littérature, les chirurgiens ne faisant pas une analyse artériographique systématique postopératoire. Ces anévrismes sont consécutifs à un traitement incomplet et peuvent intéresser soit le collet seul, soit le sac anévrismal proprement dit. Enfin, les anévrismes résiduels observés après traitement endovasculaire peuvent faire suite à une insuffisance de traitement, la mise en place des microspires ayant dû être interrompue avant l'occlusion complète du sac anévrismal, en raison d'un problème technique, ou à un compactage des microspires et une recanalisation du sac anévrismal.
«Les données des études non comparatives retrouvées dans la littérature sont très disparates, tant par le type de population que par les localisations des anévrismes, ne permettant de réaliser qu'une analyse descriptive, écrivent les auteurs. De plus, pour réunir un nombre suffisant de patients, les études concernant le traitement endovasculaire ont regroupé des patients traités à des époques différentes, alors que ces traitements auraient évolué dans l'intervalle. Par rapport aux travaux comparatifs, l'analyse des résultats de ces études a montré que la localisation des anévrismes, le grade préopératoire et le devenir des patients sont comparables. Le pourcentage de décès observé est plus faible dans les études les plus récentes.»
En conclusion, l'exclusion par microchirurgie des anévrismes rompus est une technique ancienne ayant atteint un certain degré de stabilité quant à son évolution technologique. Et bien que le recul dont on dispose pour évaluer l'occlusion endovasculaire soit inférieur à celui du traitement chirurgical, l'évaluation des auteurs de l'Anaes a montré «la faisabilité de cette technique et sa bonne tolérance.» (A suivre)