La tomographie par émission de positons permet de réaliser une imagerie métabolique d'une sensibilité et d'une spécificité de l'ordre de 90%. Ces résultats présentent un intérêt considérable qui devrait conduire à une meilleure sélection des patients opérables et à une modification des stratégies thérapeutiques dans la prise en charge des nodules pulmonaires, dans les bilans d'extension et le suivi des cancers bronchopulmonaires.
Longtemps confinée aux laboratoires de recherche et à des études sur les métabolismes cérébraux et cardiaques, la tomographie par émission de positons (TEP) permet maintenant d'envisager une meilleure prise en charge des patients en oncologie pulmonaire, grâce au développement de nouveaux radiopharmaceutiques et à la conception de nouvelles caméras. En France, la prise de conscience de l'intérêt qu'offre cette technique a été tardive. Mais, depuis deux ans, la situation évolue vite. L'enthousiasme de quelques médecins nucléaires et cliniciens précurseurs, la qualité des résultats des études publiées ont amené l'ensemble de la communauté médicale à solliciter des pouvoirs publics leur engagement et l'octroi de crédits pour le développement de cette technique.
Actuellement, en France, à côté des quatre centres de recherche (Orsay, Caen, Lyon, Toulouse) disposant de caméras dédiées, deux sites hospitaliers (Hôpital d'instruction des Armées du Val-de-Grâce Paris depuis mai 1999 (fig. 1), Hôpital Tenon Paris depuis décembre 1999) sont équipés de caméras dédiées, opérationnelles en pratique clinique oncologique. Un troisième le sera dans quelques semaines à Rennes et plusieurs autorisations d'installation sont accordées pour les mois à venir, en province et en région parisienne. Sept centres disposent de caméras hybrides ou CDET (AP-Tenon, AP-Avicenne, AP-Bichat, CAC René-Hugenin Saint-Cloud, Limoges, Lyon, Nice).
Plus de 300 caméras dédiées sont installées dans le monde, notamment 100 aux Etats-Unis, 80 en Allemagne, 20 en Belgique, 3 en Suisse dont 1 à Genève. Les causes du retard français sont multiples. S'il semble préférable de privilégier l'installation de caméras dédiées, certes plus coûteuses mais plus performantes, notamment pour l'exploration des lésions de petite taille,1le débat marqué par les analyses financières n'est pas clos. Les examens ne sont pas encore codifiés par la Sécurité sociale et donc ne sont pas remboursables. Leur réalisation actuelle passe par l'intégration dans un protocole clinique ou par le financement de l'examen par le patient lui-même ou par la structure hospitalière l'ayant en charge.
La tomographie par émission de positons permet de réaliser une imagerie fonctionnelle, véritable cartographie biochimique in vivo. L'utilisation des radio-éléments, émetteurs de positons, permet une étude et une quantification tridimensionnelle de leur répartition in vivo. Le 18Fluor est actuellement l'émetteur de positons le plus facilement utilisable en raison de sa demi-vie de 109 minutes. Le positon, une fois émis, parcourt un trajet de l'ordre du millimètre dans les tissus et, lors de sa rencontre avec un électron du milieu biologique, s'annihile en libérant deux photons de 511 keV, émis simultanément et en direction opposée. Cette propriété permet une localisation du lieu d'émission. La détection de ce rayonnement nécessite des systèmes dont les caractéristiques (géométrie, taille, nombre des détecteurs, nature des cristaux de scintillation, méthodes informatiques de reconstruction des images) expliquent les différences de performance. On définit ainsi des caméras dites dédiées (TEP) ou de haute performance, et des caméras dites à coïncidence (CDET) ou hybrides, caméras traditionnelles de médecine nucléaire modifiées pour capter ce rayonnement biphotonique de haute énergie. Leurs caractéristiques techniques différentes se traduisent par des images et des résultats en termes de détectabilité et de sensibilité en faveur des caméras dédiées.2 Depuis les travaux de Warburg,3 les perturbations du métabolisme glucidique des cellules tumorales sont connues. Des études plus récentes ont montré qu'il existe une augmentation de captation liée à une activation des transporteurs membranaires, GLUT 1, non spécifique des cellules cancéreuses, et des modifications enzymatiques de la glycolyse.4Le désoxyglucose, analogue du glucose, est transporté à l'intérieur de la cellule, puis son métabolisme est bloqué après la phosphorylation en désoxyglucose-6-phosphate par l'hexokinase. Ce blocage conduit à l'accumulation du désoxyglucose dans la cellule. Son possible marquage par le 18Fluor permet d'envisager ainsi une imagerie des tumeurs, toute accumulation étant le témoin de la modification métabolique cellulaire.
Cet examen de médecine nucléaire nécessite le respect de quelques règles pour obtenir des images de qualité. Les patients doivent être à jeun depuis au moins six heures pour éviter toute interférence glucidique et pour minimiser la fixation physiologique myocardique. Les diabétiques non équilibrés sont habituellement exclus, en raison de la mauvaise pénétration intracellulaire du FDG, responsable d'images de mauvaise qualité. Après injection intraveineuse du 18Fluoro-désoxyglucose, les patients doivent rester au repos afin de réduire l'activité musculaire. La plupart des équipes associent une prémédication afin d'induire une relaxation des muscles squelettiques et des muscles du tube digestif et une hydratation pour favoriser l'élimination rénale et vésicale du traceur. Après une heure, correspondant au temps de métabolisation du FDG, les malades sont positionnés sur la table d'examen, en décubitus dorsal, bras en abduction. Un examen explorant un patient du menton au pelvis inclus dure de 45 à 60 minutes avec une caméra TEP dédiée et deux heures avec une caméra CDET.
Le 18Fluoro-désoxyglucose (FDG) a obtenu, en 1998, l'autorisation de mise sur le marché en France pour les indications suivantes : diagnostic différentiel des masses pulmonaires, bilan d'extension des cancers bronchiques non à petites cellules, des lymphomes hodgkiniens ou non, des mélanomes, et des cancers du rhino-pharynx, suivis des lymphomes malins, récidives et métastases des cancers colorectaux et des cancers bronchiques non à petites cellules.
Dans le cadre de la pathologie thoracique, le 18Fluoro-désoxyglucose présente un intérêt considérable qui devrait conduire à une modification des attitudes thérapeutiques dans les circonstances suivantes : différencier un nodule bénin d'une tumeur maligne, préciser l'envahissement ganglionnaire loco-régional des tumeurs bronchopulmonaires, rechercher des métastases à distance, pour évaluer le pronostic, différencier masses résiduelles post-thérapeutiques et tissu tumoral actif, mettre en évidence une rechute, et évaluer l'efficacité d'une chimiothérapie ou de la radiothérapie.
A la lecture de la littérature, les trois premières indications peuvent être considérées comme validées et les autres nécessitent des études complémentaires.
En l'absence de critères d'imagerie de certitude, un acte invasif, ponction trans-pariétale sous scanner ou échographie, abord chirurgical (thoracoscopie ou thoracotomie), s'impose pour préciser la nature histologique d'un nodule ou d'une masse pulmonaire révélé par une radiographie thoracique, ou un scanner thoracique (TDM). Compte tenu de la morbidité respective de ces différentes techniques et du fait qu'environ 50% des nodules sont bénins, le dogme d'un abord invasif systématique peut être rediscuté, les apports de la TEP étant maintenant bien documentés (fig. 2). Sur un collectif de 1214 patients étudiés, issus de vingt séries de la littérature, la sensibilité est de 90%, la spécificité de 83,2%, la valeur prédictive positive de 91,9% et la valeur prédictive négative de 89,6%.5 Les faux négatifs sont liés à la petite taille des lésions, le seuil de résolution des caméras TEP étant estimé à 5 mm. Certaines tumeurs à faible métabolisme peuvent prendre en défaut cette technique, notamment les carcinomes bronchiolo-alvéolaires et les tumeurs carcinoïdes typiques. Les faux positifs sont en rapport avec des processus infectieux (abcès, foyers de pneumonie, mycobactérioses, aspergillose, histoplasmose) ou inflammatoires (anthraco-silicose, sarcoïdose).6 Dans l'étude diagnostique des nodules, l'analyse des résultats de la TEP apparaît plus fiable que celle des modèles mathématiques de type bayésien.7
Si une lésion pulmonaire non kystique mesure plus de 10-15 mm et si elle ne fixe pas le FDG, l'abstention chirurgicale peut être proposée au profit d'une surveillance clinique et radiologique de six à douze mois par sécurité pour s'assurer de l'absence d'évolutivité.
En cas de tumeur plus volumineuse et malgré les progrès de l'imagerie radiologique, il reste quelquefois difficile de bien différencier la tumeur bronchopulmonaire et le trouble de ventilation parenchymateux d'aval associé. La TEP avec mesure des coefficients de fixation (Standardized Uptake Value, SUV) permet de mieux distinguer la zone tumorale, dont le SUV est élevé, de la zone atélectasiée au SUV plus faible. Ces deux notions ont pour conséquence une meilleure cartographie tumorale et permettent d'envisager une modification significative des champs d'irradiation.8
Au niveau pleural, la mise en évidence d'une fixation intense du FDG traduit l'existence d'une lésion tumorale primitive ou secondaire permettant selon le contexte radio-clinique d'affirmer un diagnostic, tel qu'un mésothéliome, ou de guider un geste biopsique.9 L'analyse des petites lésions pleurales est difficile en TEP en raison de la résolution des caméras et des effets de sommation d'images pouvant générer des faux positifs.
Le bilan d'extension conditionne le pronostic mais également les modalités de la prise en charge du cancer bronchique. En l'absence de critères radiologiques pathognomoniques de l'envahissement malin ganglionnaire, celui-ci est évoqué en cas d'hypertrophie en TDM. A la valeur seuil de 10 mm pour la mesure du plus petit diamètre, la sensibilité est de 80%, et la spécificité de seulement 65%. L'imagerie en résonance magnétique nucléaire donne des résultats similaires, en l'attente d'essais de caractérisation tissulaire par de nouvelles substances paramagnétiques. Aussi, le recours à un geste invasif par médiastinoscopie ou thoracoscopie s'impose pour affirmer ou infirmer l'intégrité histologique au prix d'une morbidité faible, mais certaine.
La TEP permet d'étudier cette extension (fig. 3) avec des valeurs de sensibilité et de spécificité de 86% et 90% sur un collectif de 991 patients.5 Ces chiffres sont constamment supérieurs à ceux donnés par la TDM dans toutes les séries comparatives. Ces données sont confirmées par deux méta-analyses récentes : sensibilité de 79 à 87% pour la TEP et de 60 à 66% pour la TDM, spécificité de 91 à 95% pour la TEP et de 77 à 81% pour la TDM.10,11
Compte tenu de l'excellente valeur prédictive négative, l'absence de fixation du FDG témoigne du non-envahissement tumoral ganglionnaire, permettant d'envisager une chirurgie curative. En cas de fixation catégorisant une adénopathie N3, en raison de l'importance des conséquences thérapeutiques, un contrôle biopsique trans-bronchique ou par médiastinoscopie ou par thoracoscopie vidéo-assistée reste à discuter afin d'éliminer un faux positif d'origine inflammatoire.
La discussion des avantages respectifs de la médiastinoscopie et de la TEP reste vive, la TEP apportant une cartographie ganglionnaire complète non invasive au prix d'une résolution de 5 mm, la médiastinoscopie ayant pour elle de permettre d'obtenir une certitude histologique mais uniquement dans la zone accessible au chirurgien et au prix d'une anesthésie générale.
La plupart des études concernent les cancers dits non à petites cellules, car l'importance du bilan d'extension y est jugée considérable, mais les quelques séries concernant les cancers dits à petites cellules retrouvent le même intérêt pour la TEP tant dans l'analyse de l'extension loco-régionale que générale.
Le reproche fait à la scintigraphie d'une précision anatomique moindre que celle du TDM devrait s'atténuer avec la possibilité de réaliser des fusions d'images TEP et TDM, soit par des systèmes permettant d'obtenir une acquisition simultanée des deux types de signaux, soit par reconstruction «après-coup». Mais, la mise en correspondance de clichés radiologiques en incidence antéropostérieure, de coupes coronales de TDM obtenues en apnée et de clichés TEP réalisés en respiration libre se faisant, soit en recalage rigide, facile à mettre en uvre, mais ne tenant pas compte des déformations possibles du thorax induites par la respiration (plusieurs centimètres), soit en recalage élastique par maximisation des informations, reste encore difficile en routine.
La fréquence et la diversité des sites métastatiques dans le cadre du cancer bronchique imposent la réalisation de plusieurs examens. Grâce à l'utilisation de caméras corps entier, la TEP permet en un examen de faire une véritable cartographie tumorale (fig. 4). La TEP est capable de mettre en évidence jusqu'à 30% de lésions secondaires méconnues par l'imagerie classique12,13 et de rectifier les données de celle-ci notamment en ce qui concerne l'extension surrénalienne.14,15 Nous préconiserions toutefois la réalisation d'une TDM ou d'une IRM crânienne en complément de l'examen TEP, en raison des difficultés de l'exploration du cerveau, en routine, liée à la fixation physiologique du glucose dans cet organe.
Deux publications récentes concernant 280 malades16,17 évoquent un parallélisme possible entre l'intensité de la fixation du FDG et la survie des patients, la survie étant d'autant plus courte que l'index de fixation (Standard Uptake Value) est élevé, donnée indépendante du stade et de la taille de la tumeur.
Pour ces problèmes fréquemment rencontrés en clinique après traitement initial d'une tumeur bronchique, la TEP semble pouvoir apporter une contribution importante permettant de déceler, avec succès, les récidives tumorales au sein de tissus fibreux post-chirurgicaux ou post-radiques (fig. 5). En raison de l'existence de processus inflammatoires contingents à ces traitements, il est nécessaire d'attendre qu'ils se soient résorbés, soit au moins deux mois après un abord chirurgical et six mois après une irradiation.18
La TEP permet d'évaluer la réponse thérapeutique. En effet, la fixation du FDG peut diminuer ou être totalement abolie après une ou deux cures de chimiothérapie, et ceci bien avant qu'une diminution de la masse tumorale ne soit détectée par les méthodes d'imagerie actuelles. L'observation de cette modification du métabolisme glucidique de la tumeur permet d'évaluer l'efficacité probable du traitement.19 A contrario, l'absence de réponse indique une résistance thérapeutique. La reconnaissance précoce de celle-ci devrait permettre une modification plus rapide de la stratégie.20 Deux études récentes évaluent l'efficacité d'une chimiothérapie par la TEP. Patz réalise une TEP après une première cure de chimiothérapie. Si l'examen reste positif, la survie n'est que de douze mois ; par contre, si la TEP se négative, la survie est très importante : onze patients sur treize en vie à 34 mois.21 Mac Manus traite 56 patients par radiothérapie et chimiothérapie. Il constate une survie de 84% à un an quand la TEP confirme la réponse complète, observée en imagerie classique à l'issue du traitement, et de seulement 49% si la TEP ne s'est pas totalement normalisée.22
Des études comparables ont été faites après radiothérapie.23 Par ailleurs, de nouveaux traceurs, comme le 18Fluoro-misonidazole sont en développement pour visualiser la fraction hypoxique des tumeurs, impliquée dans les phénomènes de radio-résistance.
La diffusion de la technique aux Etats-Unis et en Allemagne a permis la réalisation des premières études de coût-utilité. Celles-ci ont montré que l'introduction de la TEP dans la prise en charge des néoplasies bronchopulmonaires permet, à l'échelle de la population des Etats-Unis, la réalisation d'une économie de l'ordre de 1000 à 2000 dollars par patient grâce à la réduction des actes invasifs et la suppression d'actes chirurgicaux inutiles du point de vue carcinologique.24 En Allemagne, une réduction des coûts du même ordre est relevée dans la prise en charge des nodules pulmonaires solitaires.25 Ces travaux en oncologie ont eu pour conséquence la prise en charge de ces investigations par des compagnies d'assurances et des organismes sociaux dans ces pays. En France, le coût en situation clinique est estimé à 7-8000 francs par examen. Cette somme doit être mise en perspective avec le prix d'une journée d'hospitalisation en chirurgie.
La qualité de ces données obtenues par TEP, d'une sensibilité et d'une spécificité de l'ordre de 90%, présente un intérêt considérable et devrait conduire à une meilleure sélection des patients opérables et à une modification des stratégies thérapeutiques dans la prise en charge des nodules pulmonaires et dans le bilan d'extension des cancers bronchopulmonaires. Un développement futur est à attendre dans l'analyse des images résiduelles post-thérapeutiques, en situation de rechute et dans l'évaluation de l'efficacité d'une chimiothérapie. De nouvelles installations qui permettent la réalisation simultanée d'une imagerie fonctionnelle TEP et d'une imagerie anatomique TDM ou IRM assurant une meilleure lisibilité et une analyse plus précise sont déjà en cours de développement aux Etats-Unis. L'utilisation de nouveaux traceurs métaboliques (thymidine, méthionine, imidazole) permettra une étude encore plus spécifique des mécanismes intracellulaires.26