L'arrêt cardiorespiratoire demeure un problème majeur quant à son pronostic très sévère malgré de nombreux progrès faits pour mieux comprendre sa physiopathologie. Les études s'intéressant à son traitement se sont focalisées à la fois sur la mise au point de techniques de base autres que le massage cardiaque traditionnel ainsi que sur l'essai de nouveaux médicaments. Cet article résume les nouvelles recommandations internationales de l'année 2000. Dans ce cadre, la composante diastolique du massage cardiaque externe donc le retour veineux au cur est un élément innovant et très prometteur. Il est matérialisé par la méthode de compression-décompression active et par la valve d'impédance inspiratoire. Sur le plan pharmacologique, les données sur la vasopressine et l'amiodarone semblent détrôner les classiques adrénaline et lidocaïne.
Le pronostic de l'arrêt circulatoire reste sombre de par le monde. Depuis une quarantaine d'années, beaucoup d'études se sont penchées sur la réanimation cardiopulmonaire tâchant d'améliorer la technique de massage cardiaque externe et de trouver de nouvelles drogues plus performantes. Les nouvelles recommandations 2000 de l'American Heart Association et de l'European Resuscitation Council incorporent les résultats très positifs d'un certain nombre d'études récentes.
Depuis 1960, année où le Dr Kouwenhoven a décrit la méthode classique de massage cardiaque externe, beaucoup d'auteurs ont essayé de comprendre le mécanisme de la circulation sanguine pendant le massage. Deux théories sont nées de ces travaux. La théorie de la pompe cardiaque déclare que le cur est massé entre deux os (sternum devant et rachis derrière). Il a des valves parfaitement fonctionnelles. Ainsi, lors de la compression thoracique, les valves auriculo-ventriculaires se ferment, le flux ne peut être alors qu'antérograde comme chez le patient vivant. Dans la théorie de la pompe thoracique, née quelques années plus tard, c'est l'augmentation de la pression intrathoracique qui génère l'éjection du sang à partir des ventricules lors de la compression. Les valves cardiaques sont non fonctionnelles, en permanence ouvertes. Le flux sanguin est à la fois antérograde et rétrograde. Cependant, le reflux est limité car l'augmentation de pression intrathoracique lors de la compression, écrase les veines à l'entrée du thorax. Du côté artériel, la différentielle de pression intravasculaire entre l'intra- et l'extrathoracique génère une pression motrice, donc un débit. Malheureusement, le massage cardiaque externe n'assure que 10 à 20% du débit coronarien normal et uniquement 20 à 30% du débit sanguin cérébral.
A la lumière de ces théories, de nouvelles techniques ont été inventées afin d'augmenter la perfusion des organes vitaux. Quatre d'entre elles ont été retenues par les recommandations internationales en alternative à la technique de référence que tout le monde connaît.
Elle nécessite un secouriste supplémentaire qui masse l'abdomen de façon alternée à celui qui comprime le thorax. La compression abdominale effectuée pendant la décompression thoracique augmente le retour veineux au cur à condition de laisser au thorax le temps de revenir à sa position de repos, donc au cur de baisser ses pressions intracavitaires. Ceci implique donc un parfait synchronisme entre les deux secouristes. La compression thoraco-abdominale alternée améliore les paramètres hémodynamiques aussi bien chez l'animal que chez l'homme en arrêt cardiaque. Malheureusement, l'impact sur la survie est moins évident. Cette technique est néanmoins recommandée seulement dans le contexte intrahospitalier.
Cette veste entoure le thorax du patient en arrêt cardiaque. Elle est reliée à un compresseur qui lui insuffle de l'air 60 fois par minute.1 Ceci permet d'augmenter uniformément la pression intrathoracique et par ce biais, permet au cur d'éjecter du sang vers la périphérie. Des études hémodynamiques ont montré que les pressions de perfusion coronaire et cérébrale étaient améliorées. Aucune étude sur la survie n'a été publiée. Cette technique nécessite un appareillage cher, lourd et encombrant. Elle est cependant recommandée en alternative au massage cardiaque externe standard dans le seul contexte intrahospitalier.
La compression-décompression active est une nouvelle technique de massage cardiaque externe étudiée depuis 1990. Elle est pratiquée à partir d'un appareil commercialisé en 1992 (Laboratoires Ambu International Inc, Copenhague, Danemark), sous le nom de CardioPump. Il est constitué d'une ventouse surmontée d'un piston central permettant, lors de la décompression, d'exercer une dépression grâce à l'aspiration de la ventouse sur la paroi thoracique antérieure (fig. 1). Cette décompression thoracique, jusqu'ici phénomène passif lors d'un massage cardiaque externe standard, devient un temps actif. Dans le cadre de la théorie de la pompe thoracique, le passage d'une décompression passive à une décompression active se traduit par l'abaissement notable de la pression intrathoracique et donc par l'augmentation du gradient de pression transthoracique. L'augmentation de ce gradient engendre une augmentation du retour veineux au cur et, par conséquent, permet d'augmenter significativement le volume sanguin éjecté lors de la compression suivante.
Toutes les études hémodynamiques réalisées chez l'animal comme chez l'homme ont montré des résultats positifs en termes d'amélioration des débits sanguins cérébral et myocardique, de pression de perfusion coronaire, de vélocité transmitrale.2,3 Par la plus grande variation de pression intrathoracique générée par cette technique, la ventilation minute est également augmentée significativement.3,4,5 Ainsi, la compression-décompression active induit à la fois un plus grand débit sanguin et un volume courant efficace.
L'impact sur la survie est plus nuancé. Les résultats controversés d'études faites dans les contextes intrahospitalier et extrahospitalier mettent l'accent sur le caractère transposable au terrain de techniques sûrement efficaces. Plusieurs auteurs ont cependant directement ou indirectement prouvé l'efficacité de cette technique en doublant la survie à court terme et à long terme des patients ayant bénéficié de cette méthode par rapport aux patients ayant reçu un massage cardiaque classique.6-9 La compression-décompression active, méthode de loin la plus étudiée, est maintenant la seule technique à être recommandée en alternative au massage cardiaque standard à la fois en intra- et en extrahospitalier.
Plus récemment, un autre produit (Impedance Threshold Valve ou valve d'impédance inspiratoire) a été mis au point (fig. 2). Il se fixe sur le circuit respiratoire. Cette valve est composée d'une partie proximale qui se relie au ballon auto-remplisseur et d'une partie distale se reliant au masque ou à la sonde d'intubation. L'élément intermédiaire comprend un diaphragme en silicone de très grande compliance, une capsule fenêtrée et une valve anti-retour s'ouvrant quand la pression intrathoracique devient inférieure à 22 cm H2O. Le principe de la valve d'impédance est d'occlure la sonde d'intubation quand la pression intrathoracique est inférieure à la pression atmosphérique. Ainsi, à la fin de la phase de décompression du massage cardiaque externe, cette valve empêche l'arrivée de gaz frais. Son fonctionnement est donc basé sur le principe de la manuvre de Mueller connue pour augmenter le retour veineux.
L'association de cette valve et de la CardioPump entraîne une négativation encore plus importante de la pression intrathoracique. La dépression ainsi créée augmente d'autant le retour veineux. Les études hémodynamiques faites chez l'animal et chez l'homme sont spectaculaires10,11et extrêmement prometteuses quant à l'impact sur la survie.
L'adrénaline, à faibles doses, est le traitement actuellement recommandé chez les patients en arrêt cardiaque. Du fait du pronostic désastreux de l'arrêt cardiaque, la recherche de nouveaux médicaments plus efficaces est très importante.
La vasopressine est une hormone peptidique, antidiurétique, sécrétée par l'hypophyse. A des doses très élevées, elle possède une puissante action vasoconstrictrice périphérique, de type non adrénergique passant par l'activation directe des récepteurs V1 des muscles lisses. Elle serait plus efficace que l'adrénaline car plus résistante à l'acidose métabolique, plus vasoconstrictrice. Chez l'homme, deux études cliniques ont montré le bénéfice de son utilisation.12,13Ainsi, cette hormone est recommandée lors des arrêts cardiaques sur fibrillation ventriculaire (une seule dose de 40 U en intraveineux direct).
Une étude préhospitalière nord-américaine14 a comparé l'efficacité de l'amiodarone en dose unique à un placebo sur les arrêts cardiaques en fibrillation ventriculaire, réfractaires à trois chocs électriques externes et a montré une augmentation significative du nombre de patients admis vivants à l'hôpital. Pour des raisons historiques ainsi que des séries de cas cliniques montrant un bénéfice thérapeutique, la lidocaïne reste une alternative thérapeutique dans cette indication.
Pour toutes ces raisons, il est recommandé de traiter par l'amiodarone les fibrillations ventriculaires ou les tachycardies ventriculaires réfractaires à trois chocs électriques consécutifs et à l'adrénaline. Elle est administrée par voie intraveineuse en bolus de 300 mg dilués dans 20 à 30 ml de sérum salé isotonique. Des doses de 150 mg peuvent être répétées, suivies d'une perfusion à la vitesse de 1 mg/min pendant 6 heures.
De nombreux paramètres contribuent à améliorer le pronostic des arrêts cardiaques. Le plus important est sûrement le délai de début de réanimation cardiopulmonaire. Plus ce délai est court, meilleur est le pronostic. Le deuxième point est sûrement la défibrillation la plus précoce possible. Enfin, l'avènement de nouvelles techniques de réanimation cardiopulmonaire telles que la ResQ CPR (association de la compression-décompression active et de la valve d'impédance inspiratoire) et de nouvelles drogues aura son rôle à jouer.