Faut-il ou non proposer une substitution hormonale postménopausique ? Cette substitution a-t-elle des avantages autres que ceux liés au traitement de la symptomatologie de la ménopause ? Une multitude d'informations d'apparence contradictoire nous déstabilise et nous ne savons plus ce que nous devons conseiller à nos patientes. Si la prévention de l'ostéoporose est, dans cette optique, généralement reconnue (bien que des alternatives thérapeutiques soient tout à fait possibles), la situation est beaucoup moins claire en ce qui concerne les problèmes cardiovasculaires. Or, ceux-ci vont survenir chez près de la moitié des patientes ménopausées et provoquer le décès d'un tiers d'entre elles.
Les éléments aussi bien épidémiologiques que biologiques rapportés ces dernières années semblaient favoriser l'utilisation de thérapeutiques substitutives. Biologiquement, plusieurs arguments militent fortement pour un effet
bénéfique (amélioration du profil
lipidique, effet favorable sur la membrane cellulaire et quelques évidences de diminution de l'artériosclérose sur des modèles animaux). Epidémiologiquement, depuis plusieurs années, des études de cohorte non randomisées mettent en évidence une nette diminution de la morbidité coronarienne. Toutefois, elles révèlent simultanément un possible effet négatif sur les accidents vasculaires cérébraux.
Le dilemme provient en partie des différences méthodologiques des nombreuses études consacrées à ce sujet. Les études de cohorte décrivent des effets globalement très favorables, tandis que les études prospectives et randomisées ne confirment pas ces effets.
Pourquoi ne pas suivre les recommandations qui nous semblent évidentes à la lecture des études de cohorte ? Il faut rappeler ici que ces études sont uniquement observationnelles et qu'elles ne présentent pas la rigueur des études randomisées ; elles peuvent donner une réponse fausse uniquement en raison d'un biais dans la sélection des patientes. C'est probablement ce qui s'est produit dans le cas du suivi des infirmières américaines ; il existe une sélection des «bons cas», ceux qui ne présentent que peu de risque cardiovasculaire parmi les femmes traitées. En effet, dans ces cohortes, le traitement est donné sur une base volontaire et provoque ainsi une inhomogénéité des groupes considérés.
Que nous disent ces études de cohorte d'infirmières américaines ? Elles sont fort intéressantes. La dernière en date (qui suit depuis 1976 plus de 70 000 infirmières américaines) a été récemment publiée dans les Annals of Internal Medicine (Ann Intern Med 2001 ; 133 : 933-41 et 999-1001) (elle est complétée par un excellent éditorial). Cette étude est impressionnante par le nombre d'événements considérés (1258 événements coronariens majeurs et 767 accidents vasculaires cérébraux), mais elle fournit également quelques informations propices à certaines interrogations. Il est clairement établi que plus le suivi est long, plus le bénéfice coronarien de la substitution est évident. Mais, et cette observation est primordiale, il n'existe pas de relation claire avec les doses utilisées. De plus, les effets obtenus ont tendance à diminuer avec le temps. Ceci est un argument contre l'effet protecteur des strogènes, car l'effet sur les lipides est dépendant de la dose et l'on s'attendait à une meilleure protection sur la durée. En revanche, il existe une certaine augmentation de l'incidence des cas d'accident vasculaire cérébral (effet sur la coagulation ?), qui a déjà été rapportée par d'autres études ; cette augmentation rend l'effet bénéfique cardiovasculaire total quasi inexistant. Enfin, il faut garder en mémoire le risque potentiel de cancer du sein.
Pour toutes ces raisons, il est probablement judicieux de suivre les recommandations actuelles de l'éditorialiste des Annals of Internal Medicine qui nous incite à ne pas introduire de substitution pour des raisons de prévention cardiovasculaire uniquement (les raisons climatériques et l'ostéoporose restant bien évidemment en dehors de cette restriction) avant que les résultats de l'étude randomisée en cours s'intéressant à des femmes ménopausées sans risques ni maladies cardiovasculaires ne soient connus. Les auteurs de l'étude originale concluent leur article en insistant sur les modalités thérapeutiques indémodables : l'arrêt de la cigarette, les interventions diététiques et l'activité physique, qui permettent d'associer vieillissement et santé.